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des galeries; mais la nuit on donne la préférence à ces chambres du mur intérieur qui donnent sur la cour, ou bien dans la cour même, où on s'étend sur des tapis. Ces chambres sont entièrement nues, et chaque voyageur, après en avoir enlevé l'épaisse couche de poussière laissée par ceux qui l'ont précédé, s'installe avec ses tapis et ses couvertures aussi commodément qu'il lui est possible. Comme en ce bienheureux pays il faut tout porter avec soi en voyage, il se trouve muni de sa cuisine qu'il fait luimême ou fait faire par ses gens, dans la grande cour. Tout ce qu'il peut se procurer, et encore à un prix assez élevé, du khandji (concierge et fermier du khan), ou des quelques familles arabes établies tout près de là, c'est de l'eau, du mauvais pain, des œufs, du bois ou plutôt des racines, de l'orge et de la paille pour les bêtes. A part ces denrées, le voyageur doit s'être pourvu à l'avance de tout ce dont il a besoin, comme nourriture et literie. En sortant du khan, où tout ce qui est demandé est payé comptant, on donne au khandji la valeur de dix centimes par bête, pour droit de logement.

Après Hillah, on rencontre bientôt de vastes lagunes et d'immenses marécages, où s'ébattent de nombreux troupeaux de buffles plus gros que les buffles d'Italie, mais inoffensifs. A certaines époques, la plaine et les superbes rizières qui bordent le fleuve se changent en un vrai lac. Plus bas, au-dessous de la jonction du Tigre, le grand marais de Bassorah, semblable à une mer au temps des inondations, s'étend à 10 lieues dans les terres du côté de l'ouest, sur une longueur de plus de 30 lieues en suivant le cours du fleuve.

La ville de Bassorah, fondée par Omar en l'an 636 de notre ère, n'est plus, comme sous les premiers khalifes, située au bord même du fleuve; elle est bien déchue aussi de sa splendeur première. Les murs de l'ancienne cité, comme leurs ruines l'attestent encore, commençaient près de l'Euphrate (qui prend le nom de Chatt el-Arab à partir de la jonction du Tigre jusqu'au golfe Persique, sur une longueur de 35 lieues), et ils formaient un quadrilatère de près de 4 kilomètres de côté. Sa population, à l'époque des

derniers khalifes, n'était pas de moins de 200000 âmes. Elle compte à peine aujourd'hui 4000 habitants.

Bassorah, au temps de sa grandeur, était divisée en deux parties presque égales par un beau canal, dont les dérivations nombreuses portaient l'eau dans les différents quartiers de l'opulente cité. L'incurie habituelle de l'administration turque a laissé s'engorger ce canal, qu'une vase fétide remplit aux deux tiers, et qui n'a plus, même au temps des crues, qu'un mètre et demi d'eau au plus. L'air empesté qui s'exhale de ce dépôt d'immondices, aussi bien que des marais environnants, enfante des fièvres putrides qui règnent presque constamment dans cette ville misérablement déchue. Il serait pourtant aisé d'y rappeler la vie; car rien n'est plus beau que l'aspect du Chatt el-Arab, avec les magnifiques bois de palmiers qui en bordent les rives depuis son embouchure dans le golfe jusqu'au confluent de l'Euphrate et du Tigre. Le misérable village arabe de Korna, situé au confluent même, à 13 lieues de Bassorah et à 87 de Bagdad, pourrait, grâce à cette heureuse position à la tête des deux fleuves, redevenir bien vite, sous un autre gouvernement, une ville importante et prospère.

§ 2. Quelques notes de M. Guillaume Lejean.

M. Guillaume Lejean, un voyageur prédestiné, que ses courses un peu rapides ont porté tour à tour dans les. bas pays du Danube, dans les hautes contrées du Nil et sur les bords de la mer Rouge, parcourt en ce moment l'intérieur de l'Asie, avec ce qu'on nomme une mission officielle, c'està-dire, sans doute, une subvention (et elle est ici fort bien placée); car nous ne comprenons pas trop ce que pourrait être une mission indéfinie à travers la moitié de l'Asie. Quoi qu'il en soit, M. Lejean transmet de Mossoul à la Société de géographie de Paris quelques notes au courant de

ia plume, dont nous extrayons ce qui suit. La lettre est datée du 23 février 1866:

J'ai fini, après un voyage assez pénible, par atteindre Mossoul, où je trouve le printemps bien établi, de sorte que la partie agréable de mon voyage va commencer. Je suis tiraillé en deux sens: d'un côté, par la longueur du voyage à faire et la nécessité d'être dans le Kafiristan en juin ou juillet au plus tard; d'autre côté, par l'intérêt scientifique des contrées que je parcours. Ainsi, Mossoul, où je croyais n'avoir rien à faire après MM. Botta, Layard, Badger et tant d'autres, m'occupe beaucoup. On a fait ici force travaux assyriens (section à laquelle je me garde bien de toucher); mais le grec, le byzantin, etc. sont restés fort en arrière, sans compter la géographie proprement dite. Il y a deux cartes des pays nestoriens, l'une de M. Layard, l'autre de M. Badger: elles sont absolument dissemblables. Le champ de bataille d'Arbelles n'est pas même fixé (?). J'envoie par ce courrier à M. le ministre de l'instruction publique 6 feuilles de topographie au 1/200 000e, et douze à quinze plans, la plupart intéressant la géographie comparée. Parmi ces plans sont trois villes antiques (Tela, Bezabde, Nisibis) et des poupía gréco-byzantins, notamment le castellum Maurorum de Mésopotamie. Je n'ai eu que vingt jours pour traverser cette province, qui est un musée splendide d'antiquités. Il serait à désirer qu'on envoyât une mission pour faire des fouilles à Tela, Bezabde, Dara, Resaïna et bien d'autres.

A mon retour de Kesari, je partirai pour Bagdad, d'où je gagnerai Karatchi par les vapeurs anglais, puis je remonterai jusqu'à Pechaour (Peïchavèr), où commencera ma campagne proprement dite. Il serait bien à désirer que la section ethnographique de l'exposition de 1867 s'enrichit, entre autres spécimens, d'une couple de Siah-poh; mais reste à savoir si l'on en pourrait trouver de disposés à quitter leurs montagnes. En tout cas, je les étudierai avec le soin qu'ils méritent, eux et leur étrange pays. J'espère être à Bagdad le 20 mars, à Karatchi le 15 avril, et peut-être vers le 10 mai à Pechaour: c'est la meilleure saison pour entrer dans l'Hindou-koh. Ayant du temps de reste, je vais faire cette excursion de Kesari pour bien des raisons. La position d'Amédia, position si singulièrement déplacée dans quelques cartes, est fort importante à fixer pour bien asseoir la topographie de tous ces pays. J'espère y réussir tant bien que mal; je le répète, les cartes de Kiepert, Badger et autres offrent des di

vergences énormes pour tout ce pâté de montagnes. J'ai des raisons de croire la carte de Layard exacte pour le cours supérieur du Khabour de Zachou, et celle de Kiepert fort erronée sur ce même point.

Il y aurait bien quelques observations à faire sur un ou deux articles de cette lettre; nous attendrons le rapport, probablement plus circonstancié, du voyageur. Une autre communication, un peu antérieure, de M. Lejean, contenait quelques remarques intéressantes sur l'Anatolie:

L'Asie Mineure est un pays admirable à parcourir. Les relevés géodésiques que je fais avec soin me montrent à quel point la topographie de la péninsule est encore mal connue. Les cartes vraiment admirables de Kiepert et Bolotof dessinent les grands traits, mais rien de plus. Dieu veuille inspirer à quelque gouvernement européen ami de la science d'envoyer ici une mission sérieuse, qui fasse pour les provinces littorales ce qu'a fait l'expédition Vincke-Fischer pour un coin de la Cappadoce. J'expédie par ce courrier, à M. le ministre de l'instruction publique, un petit rapport accompagné d'une carte en trois. feuilles d'une portion de la Galatie, relevée au 1/150 000, plus deux plans.

L'échelle du 1/150 000e est bien grande, mais il m'a paru impossible de la réduire sans sacrifier les détails qui font précisément l'originalité de la carte, en montrant à quel point la vraie topographie de l'Asie Mineure s'éloigne du dessin arrondi et uniformément élégant de la carte Bolotof. La partie de la Galatie comprise entre Nalli-Han et Aiach est une succession de steppes d'une aridité effroyable, formées par des plaines et des plateaux bas, qui m'ont parfaitement rappelé le Samhar nubien.

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Je m'occupe avec ardeur d'une étude assez neuve: celle de l'agriculture, et en général des forces productives de l'Anatolie. Cette magnifique province, si riche aux diverses époques de son autonomie, a toujours la même vigueur de production qu'il y a vingt siècles. Dans les provinces que j'ai parcourues, j'ai trouvé deux races agricoles fort diverses: le paysan du littoral, Turc ou Grec, est actif, intelligent, un peu routinier comme tous les paysans, mais en somme une population d'avenir. Dans l'intérieur, tout est Turc: là, le paysan, sans être précisément

paresseux, est torpide, engourdi par ses habitudes de résignation musulmane, du reste moral, honnête, sans fanatisme violent, sans grand besoin de bien-être. Dans les villages mixtes où j'ai passé, le chrétien est à l'aise; le musulman est pauvre, mais ne semble rien désirer de mieux. Le grand mal est la rareté spécifique de la population, et ce mal ne promet pas de diminuer, car la race turque subit un décroissement rapide dont les causes sont trop longues à expliquer ici. J'ai éprouvé dans des districts intérieurs du Khodavendjar et du Khodja-hi l'irritation continue qu'inspire à un agriculteur consciencieux un pays admirable habité par des fainéants, ou, ce qui revient au même, par de grands enfants sans initiative. Quant à la Galatie centrale, c'est tout autre chose: la Champagne pouilleuse est un Éden à côté. Figurez-vous des steppes blanchâtres, avec quelques cavités où les torrents ont roulé un peu de terre brune là, les paysans turcs font du jardinage, ce à quoi ils ne s'entendent pas trop mal. Il faut convenir que les Gallo-Grecs n'ont pas abusé des droits de la victoire en s'emparant de ce triste pays.

:

VII

LA PERSE.

45. Nicolas DE KHANIKOFF. Mémoire sur l'ethnographie de la Perse. Paris, 1866, in-4°, 146 pages, avec figures.

Extrait des Mémoires de la Société de géographie, t. VII. Ce travail est le complément d'une relation plus spécialement historique et geographique imprimée il y a trois ans. Voir le 3o vol. de l'Année géographique, p. 422, no 525.

46. J. E. POLAK, Persien. Das Land und seine Bewohner. Ethnographische Schilderungen. (La Perse. Le pays et ses habitants. Esquisses ethnographiques). II partie. Leipzick, Brockhaus, 1865, in-8.

Voir notre précédent volume, p. 225.

47. F. DE FILIPPI. Note di un viaggio in Persia, 1862. Milano, 1865, in-8.

Nous ne connaissons de ce livre que le titre.

48. Le comte DE GOBINEAU. Les religions et les philosophies dans l'Asie centrale. Paris, Didier, 1866, grand in-18, 544 pages.

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