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Le rapporteur de la commission, M. Jaubert, signala une autre question grave que la proposition donnait à résoudre, c'est-à-dire l'interprétation à faire de la théorie des gouvernemens de fait, théorie sur laquelle seule s'appuyaient les réclamations des titulaires des cent-jours, et qu'on ne pouvait cependant laisser passer qu'avec de grandes restrictions :

Car à moins de tomber dans l'absurde, disait le rapporteur, on ne eut résoudre cette question d'une manière absolue dans le sens d'une reonnaissance pleine et entière de tous les actes du gouvernement des centours. En effet, si l'on admettait que les promotions faites à cette époque dans l'armée doivent être reconnues valables par la force du droit, il andrait en dire autant des grades dans la marine, dont M. Boissy-d'Anglas e parle pas, sans doute à cause de leur petit nombre, mais dont néanaoins le titre est égal; ensuite, de tous les emplois civils et des finances; nfin, et à plus forte raison, des emplois judiciaires conférés avec le priilége de l'inamovibilité. L'État devrait donc aussi à ces fonctionnaires ou a restitution de leurs emplois, dont ils ont été non moins durement privés, u une indemnité quelconque, car eux aussi ils ont bien servi la France! es militaires des cent-jours auraient donc aussi droit à tout l'arriéré de eur solde? Ils sont loin, je le sais, d'élever cette prétention; mais telle seait la conséquence logique du droit invoqué. On le voit, le trésor public e suffirait pas à tant d'exigences.

⚫ Concluons de cet examen que le principe invoqué dans la matière qui ous occupe n'est point absolu: le législateur, gardien des intérêts du préent avant tout, a toujours le droit de modifier les conséquences de ce rincipe conformément à la raison, à l'état actuel de la société : il est juge ouverain de l'opportunité et des convenances. »

En conséquence, modifiant la proposition de M. Boissyl'Anglas, la commission était d'avis de renfermer l'existence du ouvernement de fait de Napoléon, entre le 20 mars, jour de on arrivée aux Tuileries, et le 22 juin, jour de sa seconde abication. Elle rejetait la reconnaissance des grades et n'adopait que celle des décorations, qu'elle restreignait par de sévèes réserves. Ainsi elle proposait de n'admettre à la jouissance du traitement de légionnaire, à partir de la date de la reconaissance, que les sous-officiers et soldats décorés du 20 mars u 22 juin 1815. La commission justifiait ce dernier amendeent par les lois rendues sur la matière pendant la restauration ui constituait aussi un gouvernement de fait, et en vertu esquelles les sous-officiers et soldats seuls devaient recevoir traitement des légionnaires. Elle établissait que si, revenant

aux lois constitutives de la Légion-d'Honneur, on abrogeait celles qui y avaient dérogé, cette abrogation serait, de plein droit, indivisible et que le trésor aurait à payer tous les officiers et tous les autres citoyens, créés légionnaires pendan les deux restaurations.

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Chaque époque a ses exigences, ajoutait le rapporteur; la restauration nous ne le savons que trop, a eu les siennes; que de profusions elles nou ont coûtées! indemnités, secours, sinécures de toute espèce, on indemnisé tout le monde, excepté les contribuables.

« Actuellement, n'avons-nous pas assez de nécessités du jour? la Franc ne gémit-elle pas déjà assez sous le poids du passé, sans que nous allion sans cesse augmenter cette charge accablante?

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Soyons donc sobres à l'avenir d'indemnités nouvelles, si nous n voulons pas qu'une moitié de la France s'exténue à payer l'autre; ou plutô il arriverait un moment où, à force de payer tout le monde, on n paierait plus personne. »

15 septembre. Sans entrer dans le fond même du sujet, M. l général Delort, qui parla le premier dans la discussion, présenta des considérations de convenance pour motiver so vote contre la proposition. L'honorable membre pensa qu'en règle générale, la Chambre ne devait user qu'ave une extrême réserve du droit d'initiative que lui attribuait ! Charte, et que, dans la circonstance présente, il y avait lie de s'abstenir.

« La Charte, Messieurs, continuait-il, a déféré au roi la puissance ex cutive, et il importe dans les conjonctures actuelles que cette puissan soit exercée dans toute sa plénitude. Ne perdons point de vue, dans cet grave discussion, que le pacte fondamental l'a constitué le chef supren de l'État, lui a délégué le commandement des forces de terre et de me et la nomination à tous les emplois d'administration publique.

Ainsi, d'après le texte même de la Charte, il est évident que c'est à 1 seul qu'appartient le droit de confirmer les récompenses décernées penda les cent-jours. Ni la Chambre des pairs, ni le roi, ne pourraient adopt une proposition qui empièterait essentiellement sur le droit le plus utile le plus incontestable de la couronne. »

C'était avec une pleine sécurité d'ailleurs que le génér Delort confiait au gouvernement le sort des officiers et d légionnaires des cent-jours. Les sentimens connus du roi le caractère personnel du ministre de la guerre garantissaie que justice serait faite à tous, comme elle l'avait déjà été à grand nombre.

En réponse à ce discours et aux allégations du rapporteur, M. Boissy-d'Anglas soutint que le gouvernement de Napoléon, pendant les cent-jours, n'avait pas été seulement un gouvernenent de fait, mais que les acclamatious du champ de mai et 'acceptation de l'acte additionnel en avaient fait aussi un gou'ernement de droit.

Il doutait, sinon de la bonne volonté du ministre, du moins de on pouvoir qu'entravaient des limites qu'une loi seule pouait effacer. C'était au surplus le droit de tous qu'il fallait ssurer par une disposition impérative et générale : s'en repoer sur le gouvernement du soin de faire des réparations indiiduelles, c'était l'autoriser à des actes d'arbitraire et d'excep

on.

M. le général Lamarque appuya la proposition primitive et ttaqua le rapport de la commission avec plus d'énergie encore ue le préopinant. Il nia la parité établie par le rapporur, entre les militaires et les officiers civils et judiciaires. ous les gouvernements qui s'étaient succédé en France, xcepté celui contre les actes duquel on protestait, avaient adis en droit et en fait la position particulière de l'armée, et connu ses services antérieurs, sous quelque drapeau u'ils eussent été rendus. C'était la conséquence du prinpe tutélaire de l'obéissance passive du soldat en prénce de l'ennemi, principe qui l'affranchissait de toute resonsabilité. La restauration avait pu, en 1815, destituer les nctionnaires civils et judiciaires, sans que ce fut une illégaé à réparer actuellement, tandis qu'il y avait eu iniquité flaante, attentat à la propriété, dans les ordonnances du 28 illet et du 1er août 1815. L'armée atteinte, seule, par ces or›nnances, avait donc, scule, un privilége de réparation à rendiquer, et seule, par conséquent, elle se pourrait prévaloir une loi qui ne serait faite que pour elle.

Le même orateur s'éleva aussi contre les dates du 20 mars du 22 juin 1815, entre lesquelles la commission propoit de renfermer la validité des décorations. Pour motiver

la reconnaissance de celles qui avaient été accordées avan que Napoléon ne régnât réellement, c'est-à-dire depuis le 21 février, jour du départ de l'île d'Elbe, il rappela que 2500 lé gionnaires créés par Louis XVIII, soit en France, entre le 17 e le 20 mars, soit à Gand, lorsqu'il avait cessé d'être roi d fait, étaient encore reconnus. Pour justifier, comme date d clôture, le 7 juillet et non le 22 juin, il fit observer que gouvernement provisoire n'avait fait, dans ses promotions, qu viser les portefeuilles laissés à l'Elysée-Bourbon par Napoléon qui n'avait pas eu le temps de récompenser les flots de san français, versés à Ligny et à Waterloo.

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Messieurs, disait l'orateur en terminant, Napoléon, l'élu de la nation fut dans les cent-jours le souverain légitime, et le ministre de la guerr qui ne peut pas avoir d'autres sentiments que le maréchal Soult, recor naîtra qu'il était à Fleurus et à Waterloo le chef d'état-major, non d'u condottiere, non d'un chef de bandes, mais d'un puissant monarque que fortune abandonna, mais qui succomba en défendant les droits les ph sacrés de la nation. (Très bien, très bien !)

Je vote contre le projet de la commission et pour l'adoption de la l proposée, qui est la seule française, la seule nationale, la seule conform aux principes qui nous régissent. (Vif mouvement d'approbation.)

Plusieurs orateurs parlèrent dans le même sens (MM. L rabit, Cabet, Odilon-Barrot, Mauguin). Les deux dernier s'attachèrent, surtout, à repousser le reproche d'inconstit tionnnalité et d'usurpation sur le pouvoir exécutif, dirig contre la proposition. Distinguant, dans la condition militair entre le grade, dont le sort était du domaine législatif, et mise en activité ou l'emploi, qui était du ressort administrat ils concluaient que la proposition, ne tendant qu'à la san tion du principe de l'inviolabilité du grade, et ne s tuant pas sur la mise en activité, n'excédait pas les droits la Chambre, ne constituait pas empiétement. Ils invoquaie cette même distinction pour prouver que la reconnaissan des grades ne causerait aucune perturbation dans l'arme et ne préjudicierait pas aux officiers actuellement au s vice. M. Mauguin disait aussi que la restauration impéria de 1815 et la révolution de 1830 étaient identiques et solid:

rès; que le principe fondamental de l'une et de l'autre était le vœu national; que leur ennemi commun était le principe du droit divin; que, par conséquent, en votant sur la question débattue, la Chambre allait implicitement prononcer sur la légitimité de la révolution de 1830.

Parmi les orateurs qui combattirent la proposition, M. Dupin examina spécialement le point de droit. Mettant de côté toute considération de personnes et de sympathies, il rangea, en fait, tous les gouvernements qui s'étaient succédé depuis le commencement du siècle, sur la même ligne, et leur reconnut, à chacun, le droit d'avoir usé légalement du pouvoir, sans rechercher d'ailleurs la moralité et l'équité de leurs actes légaux.

■ Ainsi, disait l'orateur, les officiers nommés en 1813 ont pu être destitués en 1814; ceux nommés en 1814 ont pu être destitués en 1815, et réciproquement les officiers destitués dans les cent-jours, ont pu être replacés en 1815, et vice verså. »

Les décorations et les grades conférés pendant les cent-jours ayant donc été annulés par le gouvernement postérieur, les rétablir c'était en réalité les créer, les conférer de nouveau ; et c'était là essentiellement un acte de pouvoir exécutif.

Le ministre de la guerre appuya vivement cette opinion.

Je ne puis me dispenser, comme ministre du roi, dit-il, de représenter a la Chambre que la question me paraît tout administrative. Il s'agit de reconnaissances de grades, de décorations, de nominations nouvelles, de dépenses y relatives. Je comprendrais que la Chambre fît un renvoi au gouvernement, qu'elle exprimât un vœu; ce serait alors au gouvernement à faire tout ce qui serait en son pouvoir pour le remplir. Mais vouloir lui imposer des grades, c'est empiéter sur les prérogatives de la couronne. C'est pourtant, Messieurs, ce que vous feriez si vous établissiez que les grades et décorations conférées à cette époque sont reconnus. En ma qualité de ministre de la guerre, je n'aurais plus alors à présenter au roi des ordonnances de nominations, puisque la Chambre les aurait décrétées. »

Le ministre ajoutait que le but de la proposition était du reste atteint autant que possible sur 1073 officiers nommés pendant les cent-jours, 365 avaient déjà été reconnus et réintégrés, et il devait être statue prochainement sur le sort des autres, dont la plupart étaient devenus impropres au service; il avait été également fait droit à tous les lé

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