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tourner les avantages de sa victoire au profit de l'humanité, ne fut pas acceptée, et les vaisseaux portugais furent conduits à Brest, où ils restèrent jusqu'à l'entière exécution du traité signé avec don Miguel.

Irrité d'avoir ainsi été mis à la raison par les puissances étrangères, ce prince appesantit de plus en plus sa main de fer sur le malheureux peuple qui n'avait pas le courage de secouer une tyrannie sanglante et brutale. C'était cependant, pour les Portugais, une occasion favorable d'opérer leur délivrance, que l'apparition du drapeau français sous les murs de Lisbonne; mais cet événement ne fit que produire une certaine fermentation des esprits, sans autre résultat que d'éveiller les inquiétudes d'un gouvernement justement abhorré des meilleurs citoyens, et de les exposer à un redoublement de vexations. Don Miguel et ses partisans, humbles et soumis devant la force, se vengèrent sur les faibles qu'ils avaient en leur pouvoir. Ombrageux comme toute puissance qui a le sentiment de la haine qu'elle inspire, ils avaient craint que l'expédition française ne fût d'accord avec des conspirateurs cachés dans Lisbonne, et qu'elle n'eût forcé l'entrée du Tage dans l'attente d'un soulèvement général. Par mesure de précaution, le gouvernement làcha la bride aux fureurs de ses adhérents, sous la protection des canons braqués aux coins des principales rues, des postes doubles placés sur les points importants, et des forts détachements de troupes qui parcouraient la ville. Les personnes soupçonnées d'être contraires à l'ordre de choses existant furent assaillies, maltraitées, et quelquefois massacrées par des bandes de misérables qui rôdaient en plein jour, armés de bâtons, de connivence avec la police, si d'ailleurs ils ne faisaient point partie de ses suppôts. La police ellemême continuait ses procédés ordinaires, en comblant les cachots des gens les plus respectables (1).

(1) D'après un tableau dressé par un journal anglais (the Courier) des proscriptions politiques qui avaient eu lieu en Portugal jusqu'au 31 juillet de

Mais umadversaire plus redoutable et un danger plus sérieux allaient menacer le tyran du Portugal. Par suite d'une révolution accomplie au Brésil (voy. chap. XI), don Pedro avait abdiqué la couronne en faveur de son fils aîné, puis s'était embarqué pour l'Europe avec sa fille dona Maria, la reine légitime du Portugal. On sait que c'est en qualité de régent, au nom de cette jeune princesse, sa nièce, que don Miguel avait obtenu un pouvoir qu'il avait ensuite usurpé en violant toutes ses promesses, tous ses serments, et dont il faisait un usage si abominable. Don Pedro n'exprima nullement l'intention de réclamer le trône pour lui-même; toutefois, il déclara que sa résolution, comme tuteur de sa fille, était de faire tous ses efforts pour la rétablir dans ses droits et restaurer la constitution qu'il avait donnée au Portugal. Ce prince et sa fille débarquèrent en France, où ils reçurent l'accueil le plus hospitalier. Il commença bientôt à préparer un armement en vaisseaux et en hommes, pour faire une descente en Portugal, lorsqu'il aurait réuni les forces qui étaient déjà aux ordres de la régence de Terceira. Les gouvernements de France et d'Angleterre nè lui prêtèrent pas une assistance ouverte ; ils professèrent l'intention de garder une stricte neutralité; mais ni l'un ni l'autre n'opposa d'obstacles à ses préparatifs et à ses mesures de recrutement. Il y avait des officiers des deux nations et beaucoup de matelots anglais parmi ceux qu'il prit à son service. Vers la fin de décembre, 300 volontaires et officiers en demi-solde partirent de Liverpool pour Belle-Ile, qui avait été désignée comme le rendez-vous général de l'expédition.

cette année, 26,270 personnes avaient été jetées dans les cachots, 1,600 déportées, 37 exécutées; 5,000 condamnés s'étaient dérobés aux poursuites du gouvernement, et 13,700 Portugais avaient émigré : total, 46,607. Or, la population du Portugal est d'environ 2,600,000 habitants. Ainsi, dans ce pays, où suivant les partisans de don Miguel, il n'y a qu'une voix en sa faveur, la cinquantième partie de la population était égorgée, emprisonnée ou bannie, pour s'être montrée hostile ou seulement suspecte au pouvoir.

L'effet du retour de don Pedro sur la nation portugaise devint pour don Miguel une source de vives inquiétudes : bientôt l'explosion d'une insurrection, la plus formidable à laquelle il eût encore été exposé, vint le convaincre qu'il y avait une grande partie de ses troupes en qui il ne pouvait pas avoir confiance.

Dans la nuit du 21 au 22 août, environ 800 hommes du 2o régiment de ligne, en garnison à Lisbonne, et qui passait pour avoir des opinions libérales, se révoltèrent. La voix des chefs fùt méconnue : les insurgés étaient armés, et malgré la résistance des officiers qui barraient la porte de la caserne, ils sortirent dans la rue, après avoir tué leur major et blessé plus ou moins dangereusement la plupart de leurs officiers. Ils se divisèrent en trois colonnes, la première marchant au Val de Pereiro, quartier du 16° régiment; la seconde vers Alcantara, quartier du 1er régiment de cavalerie; et la troisième vers la place do Rocio, dans le centre de la basse-ville. Leur musique jouait l'hymne constitutionnel, et ils criaient: Vive don Pedro! vive dona Maria! mort au tyran! vive la charte! Les patrouilles qu'ils rencontrèrent, et qui ne se déclarèrent pas pour eux, furent massacrées. Mais la première colonne, au lieu de trouver des alliés dans le 16e régiment, fut reçue par une décharge de mousqueterie. Les révoltés répondirent par une autre décharge; après un violent combat, ils se dirigèrent sur la place do Rocio, où ils rejoignirent leurs camarades.

Le parti qui s'était avancé sur Alcantara fut rencontré par des troupes de royalistes et d'hommes de police qui l'écrasèrent sous leur nombre, non sans avoir fait aussi de grandes pertes pour leur propre compte. Sur la place do Rocio, les mutins eurent à combattre tout le 16 régiment, que les officiers y avaient conduit, deux compagnies de cavalerie et des corps considérables d'hommes de police et de royalistes. Des deux côtés, on fit pendant deux heures un feu vigoureux; mais les insurgés, voyant leurs munitions s'épuiser et les forces de leurs ennemis aller toujours en augmentant, furent obligés de

battre en retraite. Plusieurs personnages de distinction avaient été tués. Le nombre total des morts, dans cette affaire, a été porté à plus de trois cents. Les soldats et les sous-officiers qui survécurent furent presque tous pris. Une cour martiale fut convoquée immédiatement pour leur procès, et quarante d'entre eux furent bientôt après fusillés en masse.

La prompte et sanglante répression de cette révolte prématurée n'empêcha pas le gouvernement de don Miguel et ses sbires de redoubler de brutalité, de cruauté. Tous ceux qu'ils soupçonnèrent de pencher pour don Pedro et pour sa fille furent ouvertement maltraités ou emprisonnés. Les forteresses et les prisons de chaque ville regorgeaient de prétendus criminels d'État, sans compter ceux qui étaient en fuite. A Lisbonne, les donjons et les pontons, vers le milieu de septembre, ne contenaient pas moins, a-t-on dit, de 3,000 personnes, dont l'incarcération n'avait pas d'autre motif que les opinions qu'on leur supposait. La terreur était profonde, la misère générale, et les craintes des étrangers au comble, surtout chez les Anglais. Ils en appelèrent de nouveau à leur gouvernement, d'une tyrannie qui, bien que s'exerçant plus directement sur les Portugais, ne les en atteignait pas moins eux-mêmes de la manière la plus dommageable pour leurs intérêts commerciaux, en ruinant ceux avec qui ils étaient en relations d'affaires.

Cependant la cause de dona Maria et de la liberté était plus 'heureuse ailleurs. Tandis que don Pedro rassemblait des forces pour reprendre la couronne usurpée de sa fille, la régence qui, au nom de la jeune reine, gouvernait Terceira et les Açores, ne restait pas inactive. Déjà le 9 mai, une expédition était partie d'Angra, sous les ordres du comte de Villaflor; elle avait réussi à s'emparer de l'ile de Saint-Georges. Une nouvelle expédition se prépara ensuite contre l'île Saint-Michel, qui avait une garnison de 3,000 hommes, et menaçait d'opposer une résistance plus opiniàtre. Le comte de Villaflor prit encore la direction des opérations. Il mit à la voile d'Angra, le

30 juillet, emmenant 1,500 hommes à bord de dix-neuf petits bâtiments. Il débarqua à Saint-Michel le 1er août : le jour même, il attaqua l'avant-garde des miguelistes; elle fut mise en déroute, et abandonna une pièce d'artillerie et 20 prisonniers aux assaillants. Le 2, au point du jour, l'armée d'invasion marcha sur Ribeira-Grande, où les miguelistes l'attendaient avec toutes leurs forces, dans une bonne position. Ils avaient en ligne 2,600 hommes, 8 pièces d'artillerie et 2 obusiers, sous les ordres d'un lieutenant-colonel. Le comte de Villaflor ne possédait qu'un seul canon, celui qui avait été pris la veille. Le combat s'engagea aussitôt et dura jusqu'à deux heures de l'après-midi, sans que les constitutionnels vinssent à bout de forcer le passage. En ce moment, ils exécutèrent une charge générale avec une telle vigueur, que les miguelistes enfoncés se mirent à fuir, laissant un grand nombre de morts et de blessés sur le champ de bataille, quatre pièces de campague et plus de 60 barils de poudre. Les villes de RibeiraGrande et de Ponte-Delgada se soumirent à l'instant; le lendemain l'île entière s'était rangée sous le pouvoir de la régence.

Alarmé de ces succès obtenus avec de si faibles ressources, le gouvernement de don Miguel commença à craindre que Madère elle-même ne fût bientôt l'objet d'une attaque. Mais trois cents hommes seulement allèrent, vers la fin de septembre, renforcer la garnison de cette ile; car l'attente de l'invasion de don Pedro et la dernière insurrection commandaient de ne pas trop dégarnir Lisbonne de troupes. On fit de grands efforts pour mettre les tours et les forteresses du Tage sur un pied de défense formidable, efforts souvent paralysés par le manque d'argent sous un gouvernement qui avait perdu tout crédit, et dont la conduite ne tendait qu'à appauvrir le pays. Dans cet état de choses, don Miguel ne trouva rien de mieux que d'ordonner, au mois de novembre, un emprunt forcé de six millions de francs environ, portant 5 pour cent Ann. hist. pour 1831.

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