Sidor som bilder
PDF
ePub

l'origine du pouvoir de ces magistrats. Chargés principalement des intérêts de la commune, et, à ce titre, nécessairement mandataires de leurs concitoyens, la législation actuelle leur donne, pour l'exécution des lois du royaume, et comme officiers judiciaires, les attributions dont le principe doit remonter au chef de l'État. Qui ne reconnaîtra cependant que la plus grande partie des fonctions des maires de nos communes a pour objet la défense des intérêts communaux. Comme chargés de guider la répartition de l'impôt, comme administrateurs des biens communaux, comme officiers de l'état civil, ils défendent des intérêts de localité et de famille. Je m'étonne que M. le ministre de l'intérieur nous ait dit qu'ils devaient être nommés par le roi, parce que, pour le recrutement, ils doivent se rendre aux assemblées cantonnales. C'est, au contraire, dans ce cas, qu'il faut qu'ils soient exclusivement les hommes de la commune. Ainsi encore, on a dit qu'ils devaient être à la nomination du roi, parce que, dans le cas de la réunion sur un seul point, des gardes nationales de plusieurs communes, c'est le maire du lieu qui a le commandement supérieur. Mais on oublie que, dans le système de la loi, le commandement des gardes communales n'a été attribué aux maires que parce qu'ils sont et doivent être les hommes du territoire, animés des seuls intérêts de la localité. Ce n'est donc que comme officiers de police judiciaire, et comme chargés de faire exécuter certains actes d'administration, que les maires des communes exercent un pouvoir qui remonte au centre même du gouvernement.

L'orateur ajoutait, que si l'intérêt communal dominait dans les attributions des maires, l'influence communale devait dominer dans leur nomination; et il insistait particulièrement sur la nécessité de resserrer dans des limites plus étroites la prérogative royale pour le choix des magistrats municipaux, afin de briser la centralisation et l'influence des bureaux de Paris, influence dont il donnait un exemple en produisant la correspondance d'un préfet avec un maire destitué sans aucun motif apparent.

Cette dernière partie du discours de M. Berryer ne demeura pas sans réponse. Le ministre de l'intérieur avait protesté le premier contre le reproche fait à la centralisation, qu'il appelait un des fruits de notre révolution. M. Dupin aîné revint peu après sur le même sujet.

On s'est plaint, dit-il, de la centralisation. Sans doute on a raison de se plaindre des abus de la centralisation; sans doute c'est une chose mauvaise que la manie de vouloir tout faire à Paris, les choses importantes comme les plus minimes. Mais cette unité de pouvoir, qui doit résider au cœur de l'empire, est extrêmement utile. Voulons-nous donc rentrer dans le fédéralisme, et réaliser cette pensée échappée à l'un des orateurs qui ont parlé dans la discussion d'aujourd'hui, que la commune doit être un petit État dans l'État? Vouloir un Etat dans l'Etat, n'est-ce pas compromettre,

méconnaître la majesté, la souveraineté nationale? Les communes nous ont délivrés jadis de la féodalité; voudriez-vous aujourd'hui voir les abus de la féodalité reparaître, à l'aide des communes, avec ses tours et ses crébeaux! En organisant les communes, ne perdez pas de vue cette magnifique unité du peuple français! Nos pères ont déclaré le territoire un et indivisible; ils n'ont établi des circonscriptions en départements, arrondissements, cantons, communes, que pour la commodité de l'administration, mais non pour préparer le fractionnement du pouvoir et pour scinder cette action unique qui, dans l'intérêt de l'État, pour sa protection, et surtout pour sa défense, est seule propre à surmonter les résistances particulières et à poursuivre le privilége partout où il essaierait de se cantonner. (Approbation générale.)

Ne pourrait-il pas en effet se trouver tel point sur le territoire, où, par des situations de fortune et d'influence pour les uns, de dépendance pour les autres, trois candidats, entre lesquels on propose de concentrer le choix du roi, fussent tous trois des hommes hostiles au gouvernement, et qui, capables d'ailleurs de le servir, y seraient cependant mal disposés ? (Sensation.)

C'est ainsi qu'on a pu rencontrer en juillet, parmi les hommes en place, beaucoup de gens très capables, très éclairés, très habiles. Un ministre aura pu leur écrire : Oui, vous êtes bon administrateur, vous savez ce qu'un préfet, ce qu'un maire doit savoir; mais... (l'orateur se croise les bras) êtes vous patriote? êtes-vous pour l'ordre de choses créé en juillet? prêtez-vous serment à Louis-Philippe? ».

Le mode proposé par la commission semblait à l'orateur bien préférable au système de candidature de M. Berryer, parce qu'en choisissant entre trois candidats présentés par la commune le gouvernement désobligeait deux personnes; tandis qu'en faisant son choix parmi tous les membres du conseil municipal il ne donnait à personne de motif de se plaindre d'une préférence injurieuse.

. C'est ainsi, continuait M. Dupin, que le gouvernement satisfera à l'esprit de localité, sans satisfaire aux exigences de l'esprit de parti. Il choisira le maire parmi les hommes qui tiennent à un juste milieu.» (Rire et interruption à gauche.)

Foix de la gauche. le juste milieu! Le jeu de bascule! Voilà ce que vous demandez, vous autres hommes de la résistance. »

M. Dupin. Je répète l'expression de juste milieu, dont je me suis servi à dessein. Le maire, tel que je le conçois, tient le juste milieu dont l'homme de bien et le bon citoyen font leur règle de conduite; il administrera la commune sans passions et sans faiblesse; il fera exécuter les lois envers et contre tous; il sera l'ami de l'ordre public, et l'ennemi de tous les excès: il ne se lance pas dans un avenir incertain; il ne reporte pas ses regards sur un passé qui n'est plus : c'est l'homme du présent.

[ocr errors]

4 février, M. de Laborde, votant pour l'amendement de M. Berryer, proposait, par un sous-amendement, que les candidats

fussent pris parmi les membres du conseil municipal. M. de Tracy considérait ce même amendement comme un moyen terme capable d'atténuer les inconvénients de la résolution prise la veille à l'égard de la proposition de M. Thouvenel. Mais plusieurs orateurs s'élevèrent contre un système qui n'était pas en harmonie avec celui du projet de loi, et la Chambre consultée rejeta les deux amendements.

Les deux premiers paragraphes de l'article 3 furent alors adoptés avec une légère modification proposée par M. Gaujal, et consistant à attribuer au roi personnellement, et non au préfet, la nomination des maires des chefs-lieux d'arrondissements, quelle que soit leur population.

Il restait à discuter les deux derniers paragraphes sur lesquels divers amendements étaient encore présentés : aucun n'ayant été accueilli, la Chambre adopta l'ensemble de l'article 3, à peu près tel qu'il avait été rédigé par la commission.

4 et 7 février. Nous passons sur les articles 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10, dont la discussion n'offrit aucun intérêt, pour arriver à l'article 11, sur lequel la divergence des opinions était le plus prononcée.

Le premier paragraphe de cet article consacrait le système des plus imposés, en appelant à l'élection des conseillers municipaux, dans une proportion décroissante en raison du chiffre de la population, les citoyens de la commune payant le cens le plus élevé. Le second paragraphe adjoignait aux plus imposés certaines catégories de personnes dont la position garantissait la capacité. La discussion générale avait fait pressentir que de nombreux amendements seraient proposés. Avant d'arriver à ceux qui ne faisaient en quelque sorte que modifier le principe adopté par la commission, la Chambre dut se prononcer sur trois systèmes, fondés sur des principes contraires: système de suffrage à peu près universel (MM. Koechlin et Marchal); système de cens déterminé (MM. Paixhans, Baudet-Lafarge et Demarçay); système basé sur la position so

[merged small][ocr errors][merged small]

ciale, suivant l'expression de son auteur, M. le général Lamarque. Les deux premiers furent écartés sans longs débats, et à une majorité très-forte; le troisième souleva une discussion plus vive. Il avait pour but d'appeler à l'assemblée municipale, 1o dans les villes, tout propriétaire de maison, chef de fabrique, d'atelier, marchand établi; 2o dans les communes rurales, tout propriétaire, tout chef de ferme exploitée à prix d'argent ou à portion de fruits.

. En accordant à la couronne le droit de nommer les maires, disait le général Lamarque, vous avez voulu donner quelques garanties de plus à Fordre, sans lequel la liberté serait de la licence. Je viens vous demander de donner quelques garanties à la liberté, sans laquelle l'ordre serait le despotisme. Ainsi, après avoir étendu et fortifié la prérogative royale, je vous propose d'étendre et de fortifier les droits des citoyens. Ces droits sont tellement méconnus dans le projet qu'on vous propose, que j'ai peine à m'en expliquer le but et les motifs.

L'orateur n'hésitait pas à déclarer que les dispositions de l'article 11, mises en pratique, amèneraient des scènes déplorables.

⚫ Morceler ainsi la société, continuait-il, au moment où elle peut avoir besoin des efforts de tous, est un danger plus grand que l'on ne pense. C'est surtout méconnaître, c'est violer les principes du gouvernement qu'ont créé les derniers jours de juillet; vainement s'agite-t-on pour échapper à leur conséquence. Le pouvoir ne descend plus d'en-haut: il faut donc élargir la base sur laquelle il repose; il faut intéresser le plus de citoyens possible au maintien de notre nouvel ordre social; et ici, permettez-moi, Messieurs, d'emprunter la voix d'un publiciste que vous n'accuserez pas de démagogie, et qui, en 1821, cherchait de bonne foi à créer ou renforcer les moyens de gouverner: Des ministres, des préfets, des maires, des percepteurs, des soldats, disait-il, sont plutôt des machines de gouvernement que des moyens de gouverner; les vrais moyens sont « au sein de la société elle-même: c'est dans les masses, dans le peuple, qu'il faut puiser la principale force et chercher les moyens de gouver• ner. » Et plus loin : « Le Directoire et Buonaparte (c'est l'empereur qu'on « veut dire) sont tombés pour avoir perdu de vue les masses. C'est là - qu'est le grand ressort du gouvernement, c'est là qu'est la force: inté ⚫ressez les masses, et le problème sera résolu. » (Au centre: Nommez l'orateur.)

• Après ces éloquentes paroles de notre collègue M. Guizot (on rit). qui, je l'espère, soutiendra mon amendement, je n'ajouterai que quelques mots: toutes ces craintes de la démocratie qui nous envahit, craintes avec lesquelles on cherche à priver un grand nombre de citoyens de leurs droits, sont chimériques. Nous n'appelons pas au pouvoir, ni même à l'exercice des droits de citoyen, ces prolétaires avides de troubles et de pillage qui peuplaient le Forum de Rome. Un nouvean Gracque ne pour

:.

rait pas s'écrier, daus les comices de nos communes rurales : « Plus mal☐ heureux que les bêtes féroces, qui ont une caverne où elles peuvent trou• ver un abri, vous n'en avez pas sur la terre. » Car les habitants des villes et des campagnes, pour lesquels je réclame le droit de voter, ont une maison, sont propriétaires de troupeaux, d'instrumens aratoires, sont des chefs de famille intéressés au maintien de l'ordre, et ils ont droit aux bénéfices de la société, puisqu'ils en supportent toutes les charges.

[ocr errors]

A l'espèce d'interpellation du général Lamarque, M. Guizot répondait qu'il n'avait pas changé d'opinion; mais il faisait observer que, après avoir rendu hommage au principe de la capacité pour conférer des droits politiques, on l'abandonnait afin de réintégrer dans nos lois le suffrage universel, puisque l'amendement proposé reconnaissait les mêmes droits, malgré les diversités de situation, dans une petite comme dans une grande

ville.

M. Salverte soutenait, au contraire, que l'amendement du général Lamarque présentait les garanties de capacité nécessaires: or, tout le monde accordait qu'on ne pouvait restreindre le droit que pour cause d'incapacité. D'ailleurs, pour élire des conseillers municipaux, fallait-il une capacité supérieure à celle du commun des hommes ?

9 février. La discussion en était venue à ce point, lorsque M. Dupin, dans une improvisation véhémente, entreprit la censure des doctrines de l'opposition.

Il n'y a pas de théories générales, dit-il en commençant, dont on ne puisse abuser; chaque parti, chaque opinion a ses doctrines susceptibles d'exagération et d'abus. Les vices et les vertus de ces théories ne peuvent donc se rencontrer que dans l'abus ou dans la juste application qu'on en fait. Avec trois mots: intérêt, capacité, droit, on peut également ou s'élever trop et se perdre dans les régions inaccessibles de l'aristocratie, ou descendre trop bas et s'égarer dans les excès du radicalisme et de la démocratie. Oui, du radicalisme, on en professe ouvertement les maximes au dehors et même ici. N'a-t-on pas été jusqu'à vous alléguer les droits des mendiants à propos de capacité électorale? N'a-t-on pas parlé de leur exclusion prononcée par le bon plaisir des législateurs, qui ne leur confie. raient pas les mêmes droits qu'à ceux qui offrent plus de garanties à la société? Ne vous a-t-on pas parlé de l'aristocratie des plus imposés ? Ne cherche-t-on pas à exciter des sentiments haineux contre les détenteurs de la richesse publique? Voilà où conduit la maxime poussée trop loin, que, du moment qu'on a un devoir à remplir, on a un droit à exercer, en traduisant ce droit à exercer par l'électorat, par l'éligibilité. »

Ensuite M. Dupin se justifiait du reproche d'inconséquence

« FöregåendeFortsätt »