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ISTHME DE SUEZ.

SENTENCE ARBITRALE RENDUE PAR L'EMPEREUR

DANS L'AFFAIRE DE L'ISTHME DE SUEZ.

NAPOLÉON,

Par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.

Vu le compromis signé, le 21 avril 1864, par:

S. Exc. Nubar Pacha, mandataire spécial de S. A. le Vice-Roi d'Égypte,

Et M. Ferdinand de Lesseps, au nom et comme président fondateur de la Compagnie universelle du canal de Suez,

Dont l'article 2 est ainsi conçu :

«Sa Majesté est suppliée de prononcer sur les questions ainsi formulées :

« 1° La suppression de la corvée étant acceptée en principe, quelle est la nature et la valeur du règlement du 20 juillet 1856, sur l'emploi des ouvriers indigènes?

« 2° Quelle serait l'indemnité à laquelle l'annulation de ce règlement peut donner lieu, le fondé de pouvoirs du Vice-Roi se déclarant autorisé à promettre que la clause stipulée en l'article 2 du second acte de concession et cahier des charges du 5 janvier 1856 sera rapportée?

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES.

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« 3° La portion du canal d'eau douce non rétrocédée au Vice-Roi par la convention du 18 mars 1863 doit-elle continuer d'appartenir à la Compagnie pendant la durée déterminée par l'acte de concession comme une annexe indispensable du canal maritime? Dans le cas contraire, quelles sont les conditions auxquelles la rétrocession pourrait en être opérée et que les parties s'engagent dès à présent à accepter?

« 4° Les cartes et plans qui, aux termes de l'article 8 de l'acte de concession du 30 novembre 1854 et de l'article 1 1 de celui du 5 janvier 1856, devaient être dressés, ne l'ayant pas été, quelle est l'étendue des terrains nécessaires à la construction et à l'exploitation du canal maritime (et du canal d'eau douce s'il est conservé à la Compagnie), dans les conditions propres à assurer la prospérité de l'entreprise?

« 5° Quelle est l'indemnité due à la Compagnie, à raison de la rétrocession acceptée en principe des terrains dont il est fait mention dans les articles 7 et 8 de l'acte de concession de 1854 et dans les articles 10, 11 et 12 de celui de 1856? »

Vu le rapport de la commission instituée par notre décision, en date du 3 mars 1864;

Considérant, sur la première question, que, pour apprécier la pensée qui a présidé au règlement du 20 juillet 1856 et le caractère de cet acte, il convient de rapprocher les dispositions qu'il renferme de celles qui sont contenues dans les deux firmans de concession en date des 30 novembre 1854 et 5 janvier 1856;

Que celles-ci, après avoir autorisé la constitution de la Compagnie, indiquent le but pour lequel elle doit être établie, déterminent les charges et les obligations qui lui sont imposées et lui assurent les avantages dont elle doit jouir;

Que ces stipulations ont créé pour la Compagnie et pour le Gouvernement du Vice-Roi des engagements réciproques, de l'exécution desquels il ne leur a pas été permis de s'affranchir; que, notamment, l'article 2 du second firman, en laissant à la Compagnie la faculté d'exécuter les travaux dont elle est chargée, par elle-même ou par des entrepreneurs, exige que les quatre cinquièmes les quatre cinquièmes au moins des ouvriers employés à ces travaux soient Égyptiens;

Qu'au moment où cette condition a été imposée par le Vice-Roi et acceptée par la Compagnie, il a nécessairement été entendu, par l'un et par l'autre, que les ouvriers égyptiens nécessaires pour composer les quatre cinquièmes de ceux qui seraient employés aux travaux seraient par le Vice-Roi, à la disposition de la Compagnie;

mis,

Que celle-ci n'aurait pas consenti à se soumettre à une semblable condition si, de son côté, le Vice-Roi ne lui avait pas assuré les moyens de l'accomplir;

er

Que cette pensée, sous-entendue dans le second firman de concession, a été formellement exprimée dans l'article 1o du règlement du 20 juillet 1856, portant : « Les ouvriers qui seront employés aux travaux de la Compagnie seront fournis par le Gouvernement égyptien, d'après les demandes des ingénieurs en chef et suivant les besoins;

«

Que cet article a par lui-même un sens très-clair; que d'ailleurs, lorsqu'on le rapproche des stipulations des deux firmans, on aperçoit le lien étroit qui les unit, et l'on reconnaît que la disposition du règlement n'est que le corollaire de celles qui l'ont précédée, qu'elle a le même caractère, la même force obligatoire;

er

Que toutes les autres parties du règlement sont en harmonie parfaite avec l'article 1o et confirment l'interprétation qui vient de lui être donnée;

Qu'en effet, immédiatement après la promesse du Gouvernement égyptien de fournir les ouvriers, l'acte constate l'engagement corrélatif de la Compagnie de leur payer le prix de leur travail, de leur fournir les vivres nécessaires, de leur procurer des habitations convenables, d'entretenir un hôpital et des ambulances, de traiter les malades à ses frais, de payer également les frais de voyage depuis le lieu du départ jusqu'à l'arrivée sur les chantiers; enfin de rembourser au Gouvernement égyptien, au prix de revient, les couffes nécessaires pour le transport des terres et la poudre pour l'exploitation des carrières que celui-ci devait fournir;

Que ces diverses obligations, détaillées avec soin dans le règlement, n'étaient pour la Compagnie que la contre-partie de celles qu'avait

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prises le Gouvernement égyptien; qu'ainsi elles présentaient dans leur ensemble les éléments d'un véritable contrat;

Que l'intitulé de l'acte n'est point incompatible avec le caractère conventionnel qui lui est attribué par la nature des stipulations qu'il renferme; qu'à la vérité c'est du Vice-Roi seul que le règlement est émané, mais que les deux firmans de concession ont été faits dans la même forme, et que cependant leur caractère contractuel n'a pas été et ne saurait être sérieusement contesté; qu'enfin le Vice-Roi dit expressément dans le préambule de l'acte que c'est de concert avec M. de Lesseps qu'il en a établi les dispositions; que cette expression n'indique pas seulement qu'un avis a été demandé au Directeur de la Compagnie; qu'il exprime que le concours de sa volonté a paru nécessaire et a été obtenu; qu'il est bien évident que, sans ce concours, il eût été impossible d'assujettir la Compagnie aux obligations multipliées qui lui ont été imposées et qu'elle a ensuite exécutées ;

er

Que de ce qui précède il résulte que le règlement du 20 juillet 1856, notamment dans la disposition de l'article 1o, a les caractères et l'autorité d'un contrat;

Considérant, sur la seconde question, que, lorsque des conventions ont été librement formées par le consentement de parties capables et éclairées, elles doivent être fidèlement exécutées; que celle des parties contractantes qui refuse ou néglige d'accomplir ses engagements est tenue de réparer le dommage qui résulte de son infraction à la loi qu'elle s'est volontairement imposée; qu'en général, et sauf à tenir compte des circonstances et des motifs de l'infraction, la réparation consiste dans une indemnité représentant la perte qu'éprouve l'autre partie et le bénéfice dont elle est privée; que, sans méconnaître la force et la vérité de ces principes, on a fait remarquer, au nom du Gouvernement égyptien, que, par une réserve expresse insérée à la fin de chacun des firmans de concession, le commencement des travaux, c'està-dire l'exécution des conventions, était subordonnée à l'autorisation de la Sublime Porte; qu'en fait, cette autorisation n'ayant jamais été accordée, l'inexécution des conventions ne peut être légitimement re

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