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IX.

Réponse du cardinal secrétaire d'état à la note précédente.

Du Palais Quirinal, le 1er janvier 1823.

Le soussigné, cardinal secrétaire d'état, a mis sous les yeux de S. S. la note qui lui a été adressée par V. S. illustrissime, en date du 27 décembre, par laquelle vous faites connaître que vous avez reçu l'ordre de la part de S. M. C. de faire immédiatement onnaître au soussigné que : « quand le gouvernement de S. M. a nommé D. Joachim Laurent de Villanueva, etc. › (Suit littéralement le contenu de la note précédente du chargé d'affaires, jusqu'à l'avant-dernier alinéa : « Le soussigné, en communiquant, etc. »)

En réponse à une telle note le soussigné doit préalablement, d'après les ordres du Saint-Père, rappeler au souvenir de V. S. I. l'historique des faits relatifs à l'objet dont il est question. (Suit l'historique des faits.)

D'après un procédé aussi délicat et aussi réservé, V. S. peut facilement s'imaginer quelle surprise désagréable ce fut pour S. S. de voir què le ministre de S. M. C., ne tenant aucun compte des communications confidentielles et réservées qu'il avait reçues avant le 20 octobre, n'avait donné aucune instruction à M. de Villanueva, pas même par les lettres qu'il lui avait écrites le 3 novembre, et combien cette surprise s'augmenta lorsque S. S. apprit que l'affaire avait été divulguée à Madrid, et que les feuilles publiques d'Espagne avaient publié à ce sujet des articles injurieux pour le Saint-Siége ainsi que pour une des principales cours de l'Europe. Mais le déplaisir de S. S. a été à son comble, en voyant qu'au lieu de correspondre à sa conduite délicate et amicale, le gouvernement espagnol avait incontinent donné à cette affaire une forme officielle, et qu'au lieu d'accéder à la demande de S. S. en changeant la nomination du nouveau ministre, il persistait à vouloir que M. de Villanueva fût reçu, si S. S. voulait éviter le désagrément de voir renvoyer son nonce accrédité près S. M.

Le ministère de S. M. n'ignore pas, ni ne peut ignorer, que la non-admission de la personne d'un ministre entre dans la classe des mesures de précaution que tout souverain a droit de

prendre; et que, quand cette non-admission est fondée sur de justes motifs, à plus forte raison quand ces motifs sont confiés de la manière la plus amicale et la plus obligeante au souverain qui envoie le ministre, on ne peut en déduire aucune juste raison pour troubler la bonne intelligence existante entre les deux cours, et bien moins encore pour commettre une offense manifeste, telle que de renvoyer un ambassadeur déjà reçu et accrédité. Le ministère de S. M. n'ignore pas non plus que, quand même il s'agit d'ambassadeurs extraordinaires, et non de simples ministres résidens, on ne peut obliger un souverain à recevoir une personne déterminée; et que celle-ci peut être refusée par divers motifs, parmi lesquels on compte le cas où la personne de l'envoyé n'est pas agréable au prince près duquel on l'envoie, ainsi que l'enseignent tous les publicistes. De quel bon droit le gouvernement de S. M. C. pouvait-il donc exiger que le Saint-Père fût obligé de recevoir pour ministre près de lui une personne déterminée contre laquelle il a de justes sujets de plainte, et qui ne peut jouir de cette confiance et de cette estime nécessaires pour remplir le but de missions tel que celui de maintenir et de resserrer toujours davantage les liens d'amitié et de bonne correspondance qui existent entre les deux cours? Le Saint-Père aurait pu, en usant des droits imprescriptibles de sa souveraineté, refuser dans les formes officielles la personne de M. de Villanueva comme ne lui étant pas agréable, sans avoir besoin d'en justifier les motifs vi`-à-vis du gouvernement de S. M. C.; mais le vif intérêt que S. S. met à ce que les relations amicales qui subsistent entre son gouvernement et celui de S. M. C. ne subissent aucune altération, et les égards qu'elle se fait constamment un devoir d'observer envers lui, l'ont déterminée à en agir tout autrement. Le Saint-Père, comptant autant sur ses droits que sur l'amitié de S. M. C. et sur la sagesse de son gouvernement, fit exposer franchement à ce dernier les motifs qui mettaient S. S. dans la désagréable nécessité de désirer que la personne choisie par S. M. fût changée; le désir du Saint-Père que le gouvernement de S. M. pût sauver en cette affaire toutes les apparences, le détermina à se servir dans ses communications des formes confidentielles, et à conduire l'affaire avec le plus grand secret: par égard pour la personne même du ministre désigné, il a pris le parti de le faire

prévenir d'attendre les instructions de son gouvernement avant d'entrer dans les états de S. S., afin de lui épargner les désagrémens de n'y pas être admis comme ministre de S. M. C.; enfin, il n'y a aucun égard, même de délicatesse, que le SaintPère n'ait observé dans cette circonstance pour témoigner au gouvernement de S. M. C. une correspondance sincère et amicale de sentimens.

Mais ce qui par-dessus tout a causé la surprise du Saint-Père, c'est de voir que le gouvernement espagnol, en échange d'une conduite si délicate, non-seulement ne se soit pas empressé d'accommoder amicalement une telle affaire, mais soit allé même jusqu'à faire sentir que S. M. devrait avoir le déplaisir de renvoyer le nonce apostolique dans le cas où Sa Beatitude se refuserait, non pas à recevoir un ministre de S. M. catholique, mais seulement la personne de M. de Villanueva, en demandant que le choix de S. M. tombât sur un autre; qu'on ait oublié les égards tout particuliers dont le Saint-Siége fait usage pour l'envoi de son nonce en Espagne, égards que S. S. a réellement témoignés à S. M. C., en faisant connaître d'avance les personnes sur lesquelles elle porte ses vues, et en proposant même trois sujets, pour envoyer à S. M. celui qui lui est le plus agréable. Cette déférence du Saint-Siége envers la cour d'Espagne, qui donnerait au Saint-Père un droit indubitable aux mêmes égards, sera donc oubliée par le gouvernement de S. M. au point de vouloir obliger S. S., contre tout droit, à accepter le choix imprévu d'un ministre de S. M. C. dans la personne d'un ecclésiastique qui s'est placé dans l'état d'hostilité la plus vive et la plus scandaleuse contre le Saint-Siége, et qui, loin de se présenter sous l'aspect de médiateur de paix et de conciliation, se présente en état de guerre par ses écrits et ses doctrines sur les matières ecclésiastiques, comme un ennemi disposé à chercher tous les moyens de nuire et de susciter une opposition perpétuelle? Que de telles doctrines aient été manifestées par M. de Villanueva comme député aux cortès où il jouit de l'inviolabilité, cela n'entre pas dans la présente question. Outre qu'il a manifesté de telles doctrines aussi hors de la tribune, par la voie de la presse, quand même il ne les aurait émises que comme député aux cortès, il n'en serait pas moins vrai que ces doctrines ont été réellement condamnées par le Saint-Siége, que M. de Vil

lanueva a justement encouru pour cela la désapprobation du chef de l'Église, et qu'il ne peut mériter sa confiance.

Le Saint-Père croirait faire tort à la sagesse, à la religion et à la justice de S. M. C. et de son ministère, si elle pouvait douter un moment qu'après que cet exposé aura été porté à sa connaissance, le gouvernement ne reconnaisse l'équité des motifs qui obligent S. S. à persister dans le désir que S. M. C. veuille faire tomber son choix sur un autre sujet, en envoyant son nouveau ministre au Saint-Siége, et qu'elle ne voudra pas faire au Saint-Père l'offense de renvoyer par ce motif le nonce apostolique de Madrid.

L'expulsion du nonce pontifical ne pourrait certainement que produire des résultats très-pernicieux à la religion dans les Espagnes; et une impression très-défavorable s'en suivrait nécessairement sur le public, si l'on voyait ce représentant de S. S. expulsé, seulement parce qu'elle a invité S. M. C., de la manière la plus amicale et la plus délicate, à vouloir bien envoyer comme son ministre à Rome une personne apte à maintenir et à augmenter la bonne intelligence réciproque, plutôt qu'un ecclésiastique trop publiquement connu par ses principes hostiles contre le Saint-Siége apostolique. Mais en même temps S. S. ne pourrait pas être responsable envers Dieu ni envers l'Église de ces maux. Le Saint-Père a toutefois une opinion trop favorable de la justice et de la religion de S. M. C. et de son gouvernement, pour ne pas se flatter qu'après avoir pris de nouveau en considération cette affaire, on veuille ne pas persister contre S. S. dans les déterminations indiquées par la lettre de V. S.; et cette persuasion de S. S. se fortifie en considérant que, si le gouvernement espagnol a justement reconnu à d'autres souverains le droit de refuser la personne d'un de ses ministres malgré que celui-ci fût arrivé au lieu même de sa destination sans avoir reçu aucun indice du refus qu'il allait essuyer, et s'il

n'a pas altéré pour cela ses relations amicales avec la cour à laquelle il avait envoyé ce ministre, S. S. ne peut douter qu'il ne veuille reconnaître pour elle le même droit, et ne saurait croire qu'il ait la volonté d'aggraver l'offense qu'il lui ferait, au point de renvoyer du territoire espagnol le nonce apostolique sans aucune raison. Le Saint-Père, qui a la conscience d'avoir eu constamment, même dans des conjonctures d'amertume et de

douleur pour le Saint-Siége, toute sorte d'égards pour S. M. C. et pour la nation espagnole, d'avoir donné des preuves de bienveillance particulière à leur égard, et usé d'une condescendance obligeante, ne peut se persuader que S. M. et son gouvernement veuillent y répondre de la sorte, et nourrit plutôt la douce espérance de voir conservés tous les liens qui subsistent heureusement entre le Saint-Siége et une nation qui s'est toujours tant distinguée par son attachement à la religion catholique et au chef de cette religion.

Tels sont les sentimens que S. S. a ordonné au soussigné de manifester à V. S. en réponse à votre susdite note. En s'acquittant des ordres de S. S. le soussigné renouvelle à V. S. illustrissime les assurances de sa véritable estime.

X.

E. CARD. CONSALVI.

Note du ministre des affaires étrangères d'Espagne, adressée à l'archevêque de Tyr, nonce apostolique à Madrid.

Excellentissime seigneur,

Madrid, le 22 janvier 1825.

MONSIEUR, S. M., informée de la réponse faite par S. Ém. le cardinal Consalvi à la note adressée à S. Ém., d'ordre du roi, par son chargé d'affaires à Rome, D. Joseph Narcisse d'Aparici, au sujet de la démarche qui a retenu à Turin M. D. Joachim Laurent de Villanueva, nommé ministre plénipotentiaire près le Saint-Siége, m'ordonne de dire à V. Exc. qu'elle ne peut nullement trouver solides les raisons que le Saint-Père allègue pour refuser un représentant de la nation si digne par son savoir et par ses vertus de l'estime de tous ses concitoyens.

Dans des circonstances ordinaires S. M. ne ferait aucune difficulté de complaire au Saint-Père en ce point; mais quand il s'agit d'opinions relatives aux affaires politiques du royaume, il est du devoir de S. M. de soutenir sa nomination.

M. de Villanueva, comme député aux cortès, a mérité l'estime nationale; comme ecclésiastique et comme écrivain, il mérite également celle des fidèles et des hommes érudits. Si ses doctrines

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