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II.

Exposé des motifs publié par la cour de Berlin, sur son armement contre la France; en 1792.

Sa Majesté prussienne croit pouvoir se flatter que les puissances de l'Europe et le public en général n'auront pas attendu cet exposé pour fixer leur opinion sur la justice de la cause qu'elle va défendre. En effet, à moins de vouloir méconnaître les obligations que les engagemens du roi et ses relations politiques lui imposent, dénaturer les faits les mieux constatés, et fermer les yeux sur la conduite du gouvernement actuel de la France, personne, sans doute, ne pourra disconvenir que les mesures guerrières, auxquelles S. M. se décide à regret, ne soient la suite naturelle des résolutions violentes que la fougue du parti qui domine dans ce royaume lui a fait adopter, et dont il était aisé de prévoir les conséquences funestes.

Non contens d'avoir violé ouvertement, par la suppression notoire des droits et possessions des princes allemands en Alsace et en Lorraine, les traités qui lient la France et l'empire germanique; d'avoir donné cours à des principes subversifs de toute subordination sociale, et, par-là même, du repos et de la félicité des nations, et de chercher à répandre en d'autres pays, par la propagation de ces principes, les germes de la licence et de l'anarchie qui ont bouleversé la France; d'avoir toléré, accueilli, débité même, les discours et les écrits les plus outrageans contre la personne sacrée et l'autorité légale des souverains; ceux qui se sont emparés des rênes de l'administration française ont enfin comblé la mesure, en faisant déclarer une guerre injuste à Sa Majesté le roi de Hongrie et de Bohême, et suivre immédiatement cette déclaration des hostilités effectives, commises contre les provinces belgiques de ce monarque.

L'empire germanique, dont les Pays-Bas autrichiens font partie comme cercle de Bourgogne, s'est trouvé nécessairement compris dans cette agression; mais d'autres faits encore n'ont que trop justifié la crainte des invasions hostiles, que les préparatifs menaçans des Français aux frontières avaient depuis long-temps fait naître en Allemagne. Les terres de l'évêché de Bâle, partie incontestable de l'empire, ont été occupées par un

détachement de l'armée française, et se trouvent encore en son pouvoir et à sa discrétion.

Des incursions des troupes de la même nation, ou des corps de rebelles rassemblés sous leurs auspices, ont désolé le pays de Liège. Il est à prévoir avec certitude, qu'aussitôt que les convenances de la guerre paraîtraient le conseiller, les autres provinces de l'Allemagne éprouveraient le même sort, et il suffit de connaître leur position locale, pour sentir le danger imminent auquel elles sont sans cesse exposées.

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Il serait superflu d'entrer dans le détail des faits qu'on vient d'alléguer ils sont notoires, et l'Europe entière en a été et en est encore journellement témoin. On se dispense également de discuter ici l'injustice évidente de l'agression des Français. S'il était possible qu'il restât quelques doutes à ce sujet, ils seront entièrement levés pour quiconque voudra peser avec impartialité les argumens victorieux renfermés sur ce point dans les pièces diplomatiques de Vienne.

S. M. prussienne s'est plu à conserver pendant long-temps l'espoir qu'enfin, après tant d'agitations et d'inconséquences, les personnes qui dirigeaient l'administration française reviendraient à des principes de modération et de sagesse, et écarteraient ainsi les extrémités auxquelles les choses en sont malheureusement venues. C'est dans cette vue salutaire qu'elle chargea, dès le commencement des préparatifs militaires de la France aux frontières de l'empire, fondés sur l'asile accordé par quelques états aux émigrés français, son ministre à Paris, le comte de Golz, de déclarer au ministère de S. M. T. C., comme le chargé d'affaires de S. M. l'empereur alors régnant avait également eu ordre de le faire: « qu'elle envisageait une invasion des troupes françaises sur le territoire de l'empire germanique comme une déclaration de guerre, et s'y opposerait de toutes ses forces. » Le même ministre, d'après les ordres qu'il en avait reçus, se joignit à plusieurs reprises aux représentations du susdit chargé d'affaires, en donnant à connaître de la façon la plus expresse, que le roi marcherait invariablement, à l'égard des affaires de France, sur la même ligne avec S. M. Apostolique. L'événement a fait voir combien peu l'attente du roi, quant à l'effet qu'il se promettait de ces déclarations énergiques, était fondée; mais au moins le parti dont les détermina

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tions fougueuses ont amené les hostilités, ne pourra-t-il jamais prétexter cause d'ignorance sur les intentions de S. M. ; et c'est à lui plus particulièrement, mais généralement aux principes qui attaquent tous les gouvernemens et voudraient les ébranler dans leurs bases, que la France aura à s'en prendre de l'effusion du sang humain et des malheurs que les circonstances actuelles ont déjà attirés et pourraient attirer encore sur elle. Unie avec S. M. Apostolique par les liens d'une alliance étroite et défensive, S. M. prussienne aurait agi d'une façon contraire à ses engagemens, en demeurant spectatrice tranquille de la guerre déclarée à ce souverain : elle n'a donc pas hésité à rappeler son ministre de Paris, et à se porter avec vigueur à la défense de son alliée. Membre prépondérant du corps germanique, elle doit encore à ses relations en cette qualité, de marcher au secours de ses co-états, contre les attaques qu'ils ont déjà éprouvées, et dont ils sont encore journellement menacés. C'est ainsi, sous le double rapport d'allié de S. M. Apostolique, et d'état puissant de l'empire, que S. M. prend les armes ; et c'est la défense des états de ce monarque et de l'Allemagne qui forme le premier but de ses armemens.

Mais le roi ne remplirait qu'imparfaitement les principes qu'il vient de professer, s'il n'étendait les efforts de ses armes à une autre sorte de défense, dont les sentimens patriotiques lui imposent également le devoir. Chacun sait comment l'assemblée nationale de France, au mépris des lois les plus sacrées du droit des gens, et contre la teneur expresse des traités, a dépouillé les princes allemands de leurs droits et possessions incontestables en Alsace et Lorraine; et les déductions que plusieurs de ces princes ont eux-mêmes fait publier, ainsi que les délibérations et les arrêtés de la diète de Ratisbonne sur cette importante matière, fourniront à tous ceux qui voudront en prendre connaissance les preuves les plus convaincantes de l'injustice des procédés du gouvernement français à cet égard, lequel n'a proposé jusqu'à présent, pour en dédommager les parties lésées (le tout en adoptant un langage péremptoire et des mesures menaçantes que), des indemnités entièrement insuffisantes et inadmissibles. Il est digne du roi et de son auguste allié de faire rendre justice à ces princes opprimés, et de maintenir ainsi la foi des traités, base unique de l'union et de la con

fiancé réciproque des peuples, et fondement essentiel de leur tranquillité et de leur bonheur.

Il est enfin un dernier but des armemens du roi, plus étendu encore que le précédent, et non moins digne des vues sages et bienfaisantes des cours alliées. Il tend à prévenir les maux incalculables qui pourraient résulter encore pour la France, pour l'Europe, pour l'humanité entière, de ce funeste esprit d'insubordination générale, de subversion de tous les pouvoirs, de licence et d'anarchie, dont il semble qu'une malheureuse expérience aurait déjà dû arrêter les progrès. Il n'est aucune puissance intéressée au maintien de l'équilibre de l'Europe, à laquelle il puisse être indifférent de voir le royaume de France, qui formait jadis un poids si considérable dans cette grande balance, livré plus long-temps aux agitations intérieures et aux horreurs du désordre et de l'anarchie, qui ont, pour ainsi dire, anéanti son existence politique; il n'est aucun Français, aimant véritablement sa patrie, qui ne doive désirer ardemment de les voir terminées; aucun homme enfin, sincèrement ami de l'humanité, qui puisse ne pas aspirer à voir mettre des bornes, soit à ce prestige d'une liberté mal entendue, dont le fantôme éblouissant égare les peuples loin de la route du vrai bonheur, en altérant les heureux liens de l'attachement et de la confiance qui doivent les unir à des princes, leurs forces et leurs défenseurs; soit surtout à la fougue effrénée des méchans, qui ne cherchent à détruire le respect dû aux gouvernemens, que pour sacrifier, sur les débris des trônes, à l'idole de leur insatiable ambition ou d'une vile cupidité. Faire cesser l'anarchie en France, y rétablir pour cet effet un pouvoir légal sur les bases essentielles d'une forme monarchique; assurer par-là même les autres gouvernemens contre les attentats et les efforts incendiaires d'une troupe fanatique: tel est le grand objet que le roi, conjointement avec son allié, se propose encore; assuré dans cette noble entreprise, non-seulement de l'aveu de toutes les puissances de l'Europe, mais en général du suffrage et des vœux de quiconque s'intéresse sincèrement au bonheur du genre humain.

S. M. est bien éloignée de vouloir rejeter sur la nation française en entier la faute des circonstances fâcheuses qui la forcent à prendre les armes; elle est persuadée que la partie saine, et

sans doute la plus nombreuse de cette nation estimable, abhorre les excès d'une faction trop puissante, reconnaît les dangers auxquels ses intrigues l'exposent et désire vivement le retour de la justice, de l'ordre et de la paix. Malheureusement l'expérience fait voir que l'influence momentanée de ce parti n'est encore que trop réelle, quoique l'événement ait déjà démontré le néant de ses coupables projets, fondés sur des insurrections que lui seul cherchait à fomenter. La différence des sentimens des personnes bien intentionnées, quelque certaine qu'elle soit, n'est ainsi, pour le moment encore, que peu sensible dans ses effets; mais S. M. espère, qu'ouvrant enfin les yeux sur la situation effrayante de leur patrie, elles montreront toute l'énergie qu'une cause aussi juste doit inspirer; et, qu'envisageant les troupes alliées rassemblées sur les frontières comme des protecteurs et de vrais amis dont la Providence favorisera les armes, elles sauront réduire à leur juste valeur les factieux qui ont mis la France en combustion, et qui seront seuls responsables du sang que leurs entreprises criminelles auront fait verser.

Berlin, le 26 juin 1792.

III.

Exposé de la conduite politique du roi de Naples, publié par la cour de Vienne; le 12 avril 1815.

Après la campagne de l'année 1812, le roi de Naples abandonna l'armée française dans laquelle il avait commandé un corps. A peine revenu dans sa capitale, il fit faire à la cour d'Autriche des ouvertures sur l'intention où il était de réunir sa marche politique ultérieure avec celle du cabinet autrichien.

Bientôt après, la campagne de l'année 1815 commença. Lors des premiers événemens qui parurent favorables à Napoléon, le roi Joachim quitta Naples pour se charger de nouveau d'un commandement dans l'armée française. En même temps il offrit secrètement au cabinet autrichien sa médiation entre les puissances et l'empereur des Français. La glorieuse journée du 18 octobre décida du sort de la cause des Français. Le roi revint dans ses états et renoua sur-le-champ les négociations qui avaient été rompues pour son accession à l'alliance européenne. Il fit avancer son armée, et proposa à l'Autriche le partage de l'Ita

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