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pereur des Français était une loi pour elle; aucun état voisin ne put compter sur la moindre faveur, par la crainte de déplaire à la France. Aucune opposition aux demandes de cette puissance, lors même que, pour ce qui avait lieu par les prohibitions relatives au commerce, elles tarissaient les sources de l'industrie et de la subsistance; aucune mesure capable, même pour des affaires d'un intérêt secondaire, de mettre des bornes à l'influence du dominateur étranger; aucune plainte, aucune manifestation du plus juste mécontentement ne furent permises. Sans être injuste envers les hommes qui, dans des circonstances si difficiles, ont pris part aux affaires politiques; sans juger leur conduite avec une trop grande sévérité; sans jeter un faux jour sur les motifs de leur conduite, et sans élever le plus léger doute sur leur patriotisme, il est permis de proclamer un fait dont toute l'Europe a été témoin : c'est que si la Suisse, sous la constitution qu'on lui a présentée, a formé, de nom, un corps politique à part, elle a été, dans la réalité et pour toutes les choses essentielles, un état subordonné et dépendant, et, tout en conservant quelques faibles restes de ses prérogatives et de ses institutions primitives, une véritable province de l'empire français.

Dans cet état de choses, toute mesure politique prise par le gouvernement fédératif de la Suisse, quand même elle n'aurait pas été provoquée par le dominateur étranger, doit nécessairement se ressentir de l'influence qui lui a originairement donné l'impulsion. Une déclaration de neutralité qui découle d'une telle source perd tout droit au nom dont elle veut se parer. Si la puissance prépondérante est menacée d'un danger imminent, une neutralité de ce genre est pour elle d'un avantage plus grand qu'une coopération effective à ses mesures de défense; car il est évident que cette puissance ne la permettra que tant qu'elle lui sera profitable; et que, dans le cas contraire, elle sera annulée aussi facilement qu'elle avait été créée. Elle n'est, pour les puissances qui veulent mettre un terme aux convulsions et aux malheurs du monde, qu'une tentative maladroite imaginée pour entraver l'entreprise la plus salutaire et la plus glorieuse, et par conséquent un acte d'hostilité non-seulement contre les souverains alliés, mais même contre l'intérêt, les besoins, les vœux les plus ardens, l'attente la plus vive de

tout le genre humain. L'interprétation la plus équitable qu'on puisse lui donner, relativement à la Suisse elle-même, c'est que le maintien de la situation politique actuelle de ce pays, dans l'espérance de se soustraire à un fardeau passager et de s'épargner quelques sacrifices momentanés, tendrait à condamner la Suisse à se priver pour toujours de ce qui doit lui être le plus sacré, à vivre dans une minorité perpétuelle et dans une servitude interminable.

?

C'est sous ce point de vue que se présente l'acte de neutralité, en supposant même que la Suisse veuille se soumettre aveuglément au décret de la diète de Zurich, et que, parmi les chefs des divers cantons, il n'y aura qu'une opinion sur une mesure si équivoque. Mais il n'existerait plus le moindre vestige du caractère national des Suisses, si une telle unanimité pouvait avoir lieu; et l'acte de neutralité perd toute sa validité, si les autorités qui doivent veiller à son maintien et à son exécution refusent d'y accéder. Dans une forme de gouvernement introduite d'une manière aussi irrégulière, et dont les parties sont aussi mal unies entre elles, que celle qui a été donnée à la Suisse par l'acte de médiation, l'opposition de quelques cantons, dans une affaire si importante, devrait même être regardée comme une démarche qui dissoudrait immédiatement et de fait toute la constitution fédérale : car du moment auquel les états souverains qui ne sont réunis que par cette constitution se regardent comme ayant le droit et le pouvoir de protester contre les décrets de la diète, le lien fédératif établi par la France est rompu; et quelque considération que les puissances étrangères aient jusqu'à présent accordée à la constitution fondée sur cette base, sa force et sa validité deviennent nulles du moment où les confédérés eux-mêmes ne la reconnaissent plus, et qu'elle retombe pour ainsi dire dans les élémens employés par une main étrangère pour la composer arbitrairement. Dans ce les souverains alliés auraient indubitablement le droit de se déclarer pour le parti dans lequel ils espèreraient trouver de l'accord avec leurs principes et leurs vues. Personne ne serait sans doute assez injuste pour exiger que, par des égards déplacés pour des formes et des décrets qui n'auraient plus de prix qu'aux yeux de leurs adversaires, l'intérêt du parti estimable qui déjà forme la majorité, et qui veut rompre les

cas,

fers d'une domination étrangère et sauver l'antique liberté, soit sacrifié.

Les souverains alliés regardent l'entrée de leurs troupes en Suisse non-seulement comme une démarche inséparable de leur plan général d'opérations, mais aussi comme une préparation aux mesures qui doivent déterminer pour l'avenir le sort de ce pays intéressant. Leur but est d'assurer à la Suisse, relativement à ses rapports avec les puissances étrangères, la position libre et avantageuse dans laquelle elle se trouvait avant les orages de la révolution. L'indépendance la plus complète, première condition de son bonheur, est en même temps un des premiers besoins politiques du système européen; mais l'état actuel de la Suisse, qui, d'une confédération libre de républiques indépendantes, a déchu au point de ne plus être qu'un instrument passif de la domination française, est incompatible avec cette indépendance. Si cet inconvénient doit entièrement disparaître, si l'intégrité du territoire suisse doit être rétablie sur toutes ses frontières; et lorsque la Suisse sera rentrée dans une position qui lui permette de déterminer, sans influence étrangère, la base et la forme de sa confédération future, les puissances alliées regarderont leur ouvrage comme accompli. Le régime intérieur et la législation des cantons, et la détermination de leurs rapports réciproques, sont des choses qui doivent être laissées à la justice et à la prudence de la nation.

C'est dans ces sentimens que les souverains alliés déclarent qu'aussitôt que le moment sera arrivé auquel on pourra négocier la paix générale, ils consacreront toute leur attention et tous leurs soins à l'intérêt de la nation suisse, et ne regarderont comme satisfaisante aucune paix dans laquelle l'état politique futur de la Suisse ne serait pas réglé d'après les principes qui viennent d'être exposés, assuré pour les temps à venir, et formellement reconnu et garanti par toutes les puissances européennes.

V.

Exposé des principes de la cour de Danemark, touchant la neutralité, communiqué aux cours de France, de la Grande-Bretagne et d'Espagne; du 8 juillet 1780.

Si la neutralité la plus exacte et la plus parfaite avec la navigation la plus régulière et un respect inviolable pour les traités avait pu mettre la liberté du commerce des sujets du roi de Danemark et de Norvège à l'abri des malheurs, qui devraient être inconnus à des nations qui sont en paix et libres et indépendantes, il ne serait pas moins nécessaire de prendre des mesures nouvelles pour leur assurer cette liberté, à laquelle elles ont le droit le plus incontestable.

Le roi de Danemark a toujours fondé sa gloire et sa grandeur sur l'estime et la confiance des autres peuples : il s'est fait, depuis le commencement de son règne, la loi de témoigner à toutes les puissances, ses amies, les ménagemens les plus capables de les convaincre de ses sentimens pacifiques, et de son désir sincère de contribuer au bonheur général de l'Europe. Ses procédés les plus uniformes, et que rien ne peut obscurcir, en font foi. Il ne s'est jusqu'à présent adressé qu'aux puissances belligérantes elles-mêmes, pour obtenir le redressement de ses griefs, et il n'a jamais manqué de modération dans ses demandes, ni de reconnaissance lorsqu'elles ont eu le succès qu'elles devaient avoir. Mais la navigation neutre a trop souvent été molestée, et le commerce de ses sujets le plus innocent trop fréquemment troublé, pour que le roi ne se crût pas obligé de prendre actuellement des mesures propres à s'assurer à lui-même et à ses alliés la sûreté du commerce et de la navigation, et le maintien des droits indispensables de la liberté et de l'indépendance. Si les devoirs de la neutralité sont sacrés, le droit des gens a aussi ses arrêts avoués par toutes les nations impartiales, établis par la coutume et fondés sur l'équité et la raison. Une nation indépendante et neutre ne perd point par la guerre d'autrui les droits qu'elle avait avant cette guerre, puisque la paix existe pour elle avec tous les peuples belligérans, sans recevoir et sans avoir à suivre les lois d'aucun d'eux. Elle est autorisée à faire dans tous les lieux (la contrebande exceptée) le trafic qu'elle aurait droit

de faire si la paix existait dans toute l'Europe, comme elle existe pour elle. Le roi ne prétend rien au-delà de ce que la neutralité lui attribue. Telle est sa règle et celle de son peuple; et S. M. ne pouvant point avouer le principe qu'une nation belligérante est en droit d'interrompre le commerce de ses états, elle a cru devoir à soi-même et à ses peuples, fidèles observateurs de ses réglemens, et aux puissances en guerre elles-mêmes, de leur exposer les principes suivans qu'elle a toujours eus, et qu'elle avouera et soutiendra toujours de concert avec S. M. l'impératrice de toutes les Russies, dont elle a reconnu les sentimens entièrement conformes aux siens.

1. Que les vaisseaux neutres puissent naviguer librement de port en port et sur les côtes des nations en guerre.

2. Que les effets appartenant aux sujets des puissances en guerre soient libres sur les vaisseaux neutres, à l'exception des marchandises de contrebande.

3. Qu'on n'entende sous cette dénomination de contrebande que ce qui est expressément désigné comme tel dans l'art. III de son traité de commerce avec la Grande-Bretagne de l'année 1770, et dans les art. XXVI et XXVII de son traité de commerce avec la France de l'année 1742. Et le roi avouera également ce qui se trouve fixé dans ceux vis-à-vis de toutes les puissances avec qui il n'a point de traité.

4. Qu'on regarde comme un port bloqué celui dans lequel aucun bâtiment ne peut entrer sans un danger évident à cause des vaisseaux de guerre stationnés pour en former de près le blocus effectif.

5. Que ces principes servent de règle dans les procédures, et que justice soit rendue avec promptitude et d'après les documens de mer, conformes aux traités et aux usages reçus.

S. M. ne balance point à déclarer qu'elle maintiendra ces principes, ainsi que l'honneur de son pavillon et la liberté et l'indépendance du commerce et de la navigation de ses sujets; et que c'est pour cet effet qu'elle a fait armer une partie de sa flotte, quoiqu'elle désire de conserver avec toutes les puissances en guerre non-seulement la bonne intelligence, mais même toute l'intimité que la neutralité peut admettre.

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