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Cette déclaration amena, de la part de la France, de nouvelles protestations sur la disposition où elle était de faire des sacrifices considérables pour arriver à la paix, si l'on voulait continuer les négociations, et en même temps on élevait des difficultés sur l'insuffisance des pouvoirs de la personne que S. M. avait chargée de faire cette communication. En conséquence, des mesures furent prises par S. M. pour ouvrir une négociation régulière, par des ministres dûment autorisés, afin de s'assurer, d'une manière satisfaisante et authentique, s'il était possible d'obtenir une paix honorable pour le roi et ses alliés, et compatible avec la sûreté générale de l'Europe.

Pendant ces entrefaites, un ministre envoyé par l'empereur de Russie et chargé de traiter pour le même objet, de concert avec le gouvernement de S. M., fut amené, par les artifices de l'ennemi, à signer un traité séparé, à des conditions également contraires à l'honneur et aux intérêts de S. M. I.

Sans se laisser ébranler par cet événement inattendu, le roi continua à traiter sur les mêmes principes qu'auparavant. Il se reposa, avec une confiance que l'expérience a bien justifiée, sur la bonne foi et la fermeté d'un allié avec lequel il avait commencé de concert la négociation, et dont il avait, pendant tout le cours de la discussion, défendu les intérêts comme les siens propres.

Le gouvernement français, au contraire, fier de cet événement comme de la victoire la plus importante et la plus décisive, se départit chaque jour davantage de ses engagemens et des offres qu'il avait faites. Non-seulement il prit sur lui de changer à son gré la base de la négociation avec la Grande-Bretagne, mais il viola, sur des points encore plus importans, tous les principes de la bonne foi envers la Russie. Le principal appât offert à cette puissance, pour prix des sacrifices arrachés à son ministre, avait été la conservation de l'Allemagne. Cependant, avant que la décision de la Russie sur ce traité pût être connue, la France avait déjà anéanti la forme et la constitution de l'empire germanique. Elle avait fait passer sous son joug une grande portion des états et des provinces de cet empire; et non contente de fouler ainsi aux pieds des engagemens si récens, elle avait, dans le même temps, excité la Porte ottomane à des mesures subversives de ses engagemens avec la Russie.

Une telle conduite envers S. M., envers ses alliés et envers toutes les nations indépendantes, avait laissé si peu d'espoir d'une issue favorable de la négociation, que les plénipotentiaires du roi demandèrent leurs passe-ports pour revenir en Angleterre.

Cette demande fut d'abord éludée par des délais sans prétextes comme sans exemple, et ensuite le gouvernement français, en faisant quelques concessions matérielles et en donnant à entendre que, dans le cours d'une discussion ultérieure, il pourrait en faire de plus importantes, amena la reprise des conférences, qui se traînèrent dejour en jour, jusqu'à ce qu'enfin on annonça dans Paris que l'empereur de Russie avait rejeté avec indignation le traité séparé, conclu sans autorisation par son ministre.

En conséquence de cet événement important, le ministre de S. M. reçut les assurances les plus fortes que la France était disposée à faire les plus grands sacrifices pour conclure la paix avec l'Angleterre et rendre la tranquillité au monde.

Il paraît cependant que le but de ces assurances était d'engager S. M. dans une négociation séparée et dont ses alliés seraient exclus proposition qui avait été rejetée dès le principe, et que S. M. pouvait encore moins admettre à une époque où la conduite de la Russie lui imposait une nouvelle obligation de ne point séparer ses intérêts de ceux d'un allié si fidèle. Le roi refusa constamment de prêter l'oreille à ces ouvertures insidieuses; mais S. M. prit les moyens les plus efficaces pour écarter tous les prétextes de retard, et pour accélérer, s'il était possible, l'heureuse issue de la négociation. Les communications confidentielles qui avaient soigneusement et constamment été entretenues avec la Russie, mirent S. M. à portée de spécifier les conditions auxquelles cette puissance consentirait à faire la paix. En conséquence, le plénipotentiaire anglais reçut ordre de faire à la France, par addition à ses propres demandes, celles de son allié, de réduire celles-ci en articles à part, et même de conclure sur cette base un traité provisoire, dont l'effet n'aurait lieu qu'après l'adhésion de la Russie.

La France, après quelques objections, consentit à suivre ce mode de négociation. Il fut fait alors à S. M. des propositions qui se rapprochaient plus qu'auparavant des premières bases

de la négociation; mais elles étaient encore bien loin des conditions sur lesquelles S. M. n'avait cessé d'insister, et auxquelles l'Angleterre avait plus que jamais le droit de prétendre; et le rejet formel des justes demandes de la Russie, aussi bien que le refus des conditions proposées par S. M. en faveur de ses autres alliés, ne laissèrent plus au roi d'autre parti à prendre que d'ordonner à son ministre de terminer cette discussion et de revenir en Angleterre.

Cette exposition courte et simple des faits n'a pas besoin de commentaires. Les premières ouvertures qui ont amené la négociation ont été faites par l'ennemi, et S. M. les a écoutées avec un désir sincère de la paix. Chaque proposition qui a pu faire entrevoir la perspective la plus éloignée d'un accommodement a été saisie avec avidité, et la négociation n'a point été rompue tant qu'on a conservé la plus légère espérance de lui voir prendre une heureuse issue. Les demandes de S. M. ont été constamment justes et raisonnables; elles n'ont point eu pour objet de satisfaire une ambition personnelle, mais de remplir les devoirs que lui prescrivaient impérieusement l'honneur de sa couronne, ses engagemens avec ses alliés et les intérêts généraux de l'Europe.

C'est avec une douleur profonde que S. M. voit se prolonger les maux inséparables de la guerre; mais la redoutable responsabilité des malheurs qu'elle entraîne retombe sur ses ennemis, et S. M. se repose avec confiance, pour le résultat de cette grande querelle, sur la justice de sa cause, sur les ressources et la bravoure de son peuple, sur la fidélité de ses alliés, et avant tout, sur la protection et l'appui de la divine Providence.

En contribuant aux efforts immenses qu'une telle guerre doit nécessairement amener, les fidèles sujets de S. M. ne peuvent oublier qu'il y va de leurs plus chers intérêts; que quelques sacrifices qu'on leur demande, ils ne sont point comparables à la honte de céder aux prétentions injurieuses de l'ennemi ; que la prospérité, la force et l'indépendance de leur patrie sont essentiellement liées au maintien de la bonne foi et de l'honneur national, et qu'en défendant les droits et la dignité de l'empire britannique, ils défendent le plus puissant boulevard de la liberté du monde.

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IV.

Déclaration des Puissances alliées, sur la rupture du congrès de Châtillon-sur-Seine; du 16 mars 1814.

DÉCLARATION.

Les puissances alliées se doivent à elles-mêmes, à leurs peuples et à la France, d'annoncer publiquement, dans le moment de la rupture des conférences de Châtillon, les motifs qui les ont portées à entamer une négociation avec le gouvernement français, et les causes de la rupture de cette négociation.

Des événemens militaires, tels que l'histoire aura peine à en recueillir dans d'autres temps, renversèrent, au mois d'octobre dernier, l'édifice monstrueux compris sous la dénomination d'empire français; édifice politique fondé sur les ruines d'états jadis indépendans et heureux, agrandi par des provinces arrachées à d'antiques monarchies, soutenu au prix du sang, de la fortune et du bien-être d'une génération entière. Conduits par la victoire sur le Rhin, les souverains alliés crurent devoir exposer de nouveau à l'Europe les principes qui forment la base de leur alliance, leurs vœux et leurs déterminations. Éloignés de toute vue d'ambition et de conquête, animés du seul désir de voir l'Europe reconstruite sur une juste échelle de proportion entre les puissances, décidés à ne point poser les armes avant d'avoir atteint le noble but de leurs efforts, ils manifestèrent la constance de leurs intentions par un acte public, et ils n'hésitèrent pas à s'expliquer vis-à-vis du gouvernement ennemi dans un sens conforme à leur immuable détermination.

Le gouvernement français se prévalut des explications franches des cours alliées pour témoigner des dispositions pacifiques. Il avait besoin sans doute d'en emprunter les apparences, pour justifier aux yeux de ses peuples les nouveaux efforts qu'il ne cessait de leur demander. Tout cependant prouvait aux cabinets alliés qu'il ne visait qu'à tirer parti d'une négociation apparente, dans l'intention de disposer l'opinion publique en sa faveur, et que la paix de l'Europe était loin encore de sa pensée.

Les puissances, pénétrant ces vues secrètes, se décidèrent à aller conquérir, sur le sol même de la France, cette paix tant

désirée. Des armées nombreuses passèrent le Rhin; à peine eurent-elles franchi les premières barrières, que le ministre des Relations extérieures de France se présenta aux avantpostes. Toutes les démarches du gouvernement français n'eurent plus dès-lors d'autre but que de donner le change à l'opinion, de fasciner les yeux du peuple français sur ses véritables pensées, et de chercher à rejeter sur les alliés l'odieux des malheurs inséparables d'une guerre d'invasion.

La marche des événemens avait donné à cette époque aux grandes cours le sentiment de toute la force de la ligue européenne. Les principes qui présidaient aux conseils des souverains alliés, dès leur première réunion pour le salut commun, avaient reçu tout leur développement. Rien n'empêchait plus qu'ils n'énonçassent les conditions nécessaires à la reconstruction de l'édifice social. Ces conditions ne devaient plus, à la suite de tant de victoires, former un obstacle à la paix. La seule puissance appelée à placer dans la balance de la paix des compensations pour la France, l'Angleterre, pouvait énoncer avec détail les sacrifices qu'elle était prête à porter à la pacification générale. Les souverains alliés pouvaient espérer enfin que l'expérience du passé aurait influé sur un conquérant en butte aux reproches d'une grande nation, et, pour la première fois, dans sa capitale, témoin de ses souffrances. Cette expérience pouvait l'avoir conduit au sentiment que la conservation des trônes se lie essentiellement à la modération et à la justice. Toutefois, les souverains alliés, convaincus que l'essai qu'ils feraient ne devait pas compromettre la marche des opérations militaires, convinrent que ces opérations continueraient pendant la négociation. L'histoire du passé et de funestes souvenirs leur avaient démontré la nécessité de cette marche.

Leurs plénipotentiaires se réunirent à Châtillon avec celui du gouvernement français.

Bientôt les armées victorieuses s'avancèrent jusqu'aux approches de la capitale. Le gouvernement ne songea dans ce moment qu'à la sauver d'une occupation ennemie. Le plénipotentiaire de France reçut l'ordre de proposer un armistice fondé sur des bases conformes à celles que les cours alliées jugeaient ellesmêmes nécessaires au rétablissement de la paix générale. Il offrit la remise immédiate des places fortes dans les pays que

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