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livre d'autant plus volontiers à cette petite revue bibliographique, qu'en faisant connoître à nos lecteurs des écrits curieux et estimables, j'aurai en même temps rempli la partie la moins agréable de la tâche que je me suis imposée, relativement à l'ouvrage de M. Simond.

La révolution, qui créa en Suisse deux partis contraires, y provoqua de part et d'autre beaucoup d'ouvrages écrits sous ces deux influences différentes. En tête de ces ouvrages, suivant l'ordre des temps et du mérite, on doit placer l'écrit célèbre de Mallet du Pan (1), dont la véhémence tourne souvent à l'exagération, et qui est plutôt un éloquent factum qu'une relation historique. D'ailleurs, il n'embrasse que les faits qui précèdent et accompagnent la première invasion de la Suisse en 1798, et il s'arrête à la chute de la république de Berne. L'ouvrage de M. Tzchokke, sur la destruction des trois petites républiques d'Ury, de Schwyz et d'Unterwalden (2), dont nous possédons une bonné traduction française (3), est en quelque sorte une continuation de l'écrit de Mallet du Pan, mais conçu dans un esprit tout différent. L'héroïque résistance que ces trois cantons, si pauvres et si foibles de population, opposèrent à de puissantes armées françaises, après la soumission et le désarmement du reste de l'Helvétie, intéresse vivement dans cet ouvrage, rédigé d'ailleurs d'après des documens authentiques et des pièces officielles. Le même M. Léonard Meister, dont j'ai cité plus haut un ouvrage important sur l'histoire de la Suisse au moyen âge (4), a retracé, dans un résumé rapide, les principales révolutions de l'Helvétie, depuis César jusqu'à Bonaparte (5); et dans un troisième écrit, où malheureusement l'on s'aperçoit trop souvent que la présence des oppresseurs de son pays a gêné la liberté de sa plume, il s'est spécialement attaché à décriré les intrigues et les révolutions politiques, dont, à cette déplorable époque, Zurich, sa patrie, et les principales cités helvétiques devinrent le déplorable théâtre (6). On connoît, en

(1) Essai historique sur la destruction de la ligue et de la liberté helvétiques, formant les trois premiers numéros du Mercure britannique, Londres, 1798.(2) In-8.o, Berne et Zurich, 1801.- (3) Par M. Briatte, Paris, 1802, in-8. On a encore, du même M. Tzchokke, des Mémoires historiques sur la révolution de la Suisse, dont il a paru plusieurs volumes, années 1802 et suiv., à Winterthur, et qui offrent des matériaux extrêmement précieux pour la révolution des Grisons, pour celle des bailliages italiens, et pour l'invasion des petits cantons.(4) Voyez plus haut, p. 525, note 1.-(5) Histoire helvétique depuis César jusqu'à Bonaparte, 3 vol. in-8., Saint-Gall, 1801-1802. (6) Du même, Histoire de la révolution suisse jusqu'à la fin de la consulte de Paris, in-8.o, Bâle, 1803: tous ces ouvrages sont en allemand.

France, grâce à la proximité de cette république et sur-tout à la langue en laquelle ils sont écrits, les ouvrages qu'ont fait naître, à diverses époques, les diverses révolutions de Genève (1). Les troubles du pays de Vaud ont trouvé dans M. Monod un historien généralement exact, mais trop disposé peut-être à atténuer les fàcheux effets d'une révolution où son pays a gagné l'indépendance, et le reste de l'Helvétie plusieurs invasions désastreuses suivies d'une abjecte servitude (2). Les lettres de miss Williams, traduites en français par M. J. B. Say (3), fournissent sur la révolution des Grisons, sur la réunion de la Valteline à la république cisalpine, et sur les troubles du pays de Vaud et de la ville de Genève, quelques renseignemens dont il est vrai que les Suisses ne vantent pas beaucoup l'exactitude. On trouve enfin dans les divers almanachs helvétiques (4), et surtout dans le Manuel de la Suisse de M. Ebel (5), une foule de particularités curieuses relatives à la campagne de Souvarof. Il n'y a pas en Suisse de champ de bataille, pas de petite focalité illustrée par le moindre fait d'armes, qui ne soit cité dans cet ouvrage si abondant et si exact, et l'on pourroit composer sans peine un récit de cette expédition fameuse, en ajustant l'un au bout de l'autre les nombreux articles du Manue! de M. Ebel. J'ai déjà parlé des ouvrages de Mallet et de Planta, et je dois ajouter, en ce qui concerne le premier de ces auteurs, que le dernier volume de son histoire renferme beaucoup de documens diplomatiques et de pièces officielles relatives à la première invasion (6).

On voit donc quelles sont les sources où M. Simond a pu puiser les matériaux de ses deux derniers chapitres, indépendamment des témoignages qu'il a recueillis, comme il l'assure, de personnes qui avoient vu les événemens ou qui y avoient en part: On voit aussi, par cet aperçu rapide des principaux écrits qu'a fait naître le dernier âge historique

(1) La dernière révolution de Genève, par sir Fr. d'Yvernois, 1795; Histoire de la conjuration de Grenus, par Desonnaz; das Schicksal Genfs, on la Chute de Genève, par E. A. W. Zimmermann, in-8.o, Leipsik, 1795; trois écrits consacrés à l'histoire des événemens qui amenèrent la réunion de la république de Genève à la république française. (2) Mémoires sur la révolution de la Suisse, Monod; Paris, 1805. — (3) Nouveau Voyage en Suisse, c., traduit de par l'anglais par J. B. Say, 2 vol. in-8.°, Paris, 1798; voyez sur-tout tom. II, ch. 2 et 3, p.17-33-(4) Le Républicain Suisse, pour les années 1798-1803; le nouvel Almanach helvétique, pour les années 1799-1804; et sur-tout les Annales européennes des années 1798 à 1803, par M. Posselt, ouvrage d'après lequel M. Planta convient, préface, p. xviij, qu'il a, en grande partic, rédigé l'histoire de cette f.conde et tragique péricde. (5) Trois volumes in-8,°, traduits en fran-çais. (6) Voyez tome V, p. 151-270.1

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de la Suisse, que cette période de temps n'a été ni moins féconde en événemens, ni moins riche en matériaux, que celles qui l'avoient précédée. Nos lecteurs peuvent maintenant apprécier la justesse de cetle assertion de M. Simond, que l'histoire des dernières trente et même quarante années étoit encore à faire. Cependant, on ne doit pas moins lui savoir gré d'avoir resserré dans un seul tome, d'une épaisseur raisonnable, des récits historiques, plus intéressans sans doute lorsqu'ils sont suffisamment développés et sur-tout éloquemment écrits, mais qui exigeoient de la part des lecteurs la peine de confronter plusieurs auteurs et de digérer plusieurs volumes. Aujourd'hui sur-tout, qu'au moyen de livres et de méthodes élémentaires, on s'attache à rendre faciles et expéditifs les procédés pour devenir savant, et qu'on peut espérer de voir, d'abrégés en abrégés, l'histoire universelle enfermée dans un étui, les personnes qui n'auroient pas le courage ou le loisir d'affronter, je ne dirai pas les dix tomes du baron d'Alt (1) ou fes cinq volumes de Müller, mais même les quatre minces in-8.° de Mallet, ou les deuxin-4. de Planta, pourront consulter avec fruit le voyage unique de M. Simond. Ils y trouveront les faits exposés nûment, et généralement avec assez d'exactitude, pour que je croie devoir me dispenser de relever quelques fautes légères; ils y trouveront aussi, comme dans voyage qui précède, ce ton de modération qui garantit l'impartialité de l'historien, mais qui souvent aussi caractérise un style sans mouvement et sans chaleur; enfin, et ce sera là sans doute le résultat le plus utile du livre de M. Simond, ils apprendront, en le lisant, à se passer de plusieurs autres ; ce qui ne m'empêche pas de dire, par respect pour la vérité, que l'histoire des dernières révolutions de la Suisse est encore à faire.

le

RAOUL-ROCHETTE.

Rapport de la NATURE À L'HOMME et de l'homme à la nature, ou Essai sur l'instinct, l'intelligence et la vie, par le baron Massias, &c.; avec cette épigraphe: Nam tua res agitur. Paris, chez Firmin Didot, 1821, 2 vol. in-8.o

Ce n'est pas une tâche facile à exécuter que de réunir dans un même ouvrage les principes de la science de la nature, de l'anatomie

(1) Histoire des Helvétiens, par M. le baron d'Alt de Tieffenthal, 10 vol. in-12. Fribourg, 1749-1753.

et de la physiologie, les élémens de la morale, de la métaphysique. de la religion naturelle, de la logique, les théories de la littérature et des arts. C'est pourtant cette riche matière qui est comprise dans le titre que nous venons de transcrire, et c'est aussi celle que l'auteur a eu l'intention de traiter. De plus, il a voulu la renfermer dans les limites étroites de deux volumes peu étendus. Enfin, son desir a été de pouvoir être lu et entendu par des personnes d'un âge peu avancé, car il a dédié son livre à ses enfans, et par là, sans doute, il a voulu faire connoître que son ouvrage pouvoit tout-à-la-fois initier ses jeunes lecteurs à d'importantes vérités, et les prémunir contre les dangereuses erreurs, qu'il n'est pas toujours aisé d'éviter, en s'occupant des questions délicates qu'un si vaste sujet présente en foule. Un tel ouvrage est donc digne d'une attention sérieuse, et par l'importance du fonds, et par les formes auxquelles l'auteur a dû s'assujettir, et par le but qu'il s'est proposé d'atteindre. La nécessité d'être à-la-fois profond et clair sur des matières qui sont l'objet des disputes philosophiques depuis l'origine des sociétés, n'est pas du nombre de celles auxquelles il est facile de se soumettre; elle suffiroit pour rendre indulgent et réservé le critique qui voudroit hasarder des observations de détail sur la manière dont les diverses parties de ce plan ont pu être exécutées. Plus l'auteur s'est imposé de conditions difficiles à remplir, moins on est en droit de s'étonner s'il s'en trouve quelqu'une à laquelle il n'ait pas complètement satisfait.

M. Massias a mis à la tête de son tome I." une introduction qui, sous le titre de Plan de l'ouvrage, contient la suite et l'enchaînement des idées qui y sont exposées; il a de plus placé, à la fin de chaque volume, une table analytique des matières qui y sont traitées, et cestables sont très-détaillées. On est donc en droit de penser que l'auteur n'a pas voulu émettre au hasard les faits qu'il a recueillis et les jugemens qu'il en porte, et qu'il a reconnu la nécessité d'une méthode pour les classer. Si jamais le besoin s'en est fait sentir, c'est sans doute dans un ouvrage où tant de matières diverses sont rassemblées, et tant d'importantes questions examinées. Toutefois, malgré le soin que l'auteur a pris de remettre entre nos mains le fil qui l'a guidé dans l'exposition de ses idées, on peut dire qu'il n'est pas toujours bien facile d'en saisir l'ordre et la disposition. M. Massias semble quelquefois entraîné par des considérations qui ne se rattachent pas immédiatement à son sujet, et l'on ne voit pas toujours bien pourquoi, dans ses inductions, il préfère un chemin détourné à la route naturelle qu'il auroit pu suivre. Peut être au reste est-ce là un inconvénient inséparable

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de la nature d'un traité qui embrasse tant d'objets disparates. C'est du moins bien certainement un des inconvéniens dont il étoit le plus difficile de se garantir.

Après la méthode, ce qui exige le plus d'attention, dans les matières de ce genre, c'est le langage dans lequel elles sont exposées; sur-tout quand, comme M. Massias, on s'adresse à une classe de lecteurs qui a droit d'exiger avant tout de la clarté et de l'exactitude. Assujettis que nous sommes à chercher dans la classe des objets sensibles, des expressions pour les notions immatérielles, nous ne saurions, en traitant de ces dernières, éviter toujours l'emploi de termes figurés, détournés de leur application primitive. Mais il faut au moins se montrer rigoureux dans le choix de ces termes, préférer ceux qui ont d'avance une signification convenue, bien définir ceux qu'on emploie dans un sens nouveau, ne jamais faire usage du même mot dans des acceptions opposées ou différentes, et se garder sur-tout de ces expressions métaphoriques avec lesquelles on risque de ne donner que des idées vagues et fausses, ce qui est peut-être encore pis que de n'en pas donner du tout. L'auteur n'a pas toujours observé ces règles élémentaires du style philosophique. Les mots loi, force, puissance, ont chez lui des significations très-étendues et qu'il n'a pas convenablement déterminées. « La loi la plus générale de » la nature, dit-il en commençant, est celle qui balance et qui vivifie >> tout ce qui existe par l'action et la réaction. » Il n'y a presque pas, dans cette définition fondamentale, un seul mot qui n'eût besoin d'ètre préalablement défini. Ce qu'il ajoute que le tout-puissant lui-même a jugé que sa gloire avoit besoin d'être manifeste, et réfléchie par la création, et que l'univers est cette loi en action, semble une proposition d'une obscurité qui ne tient pas seulement aux termes dans lesquels elle est conçue. Les mots de feu élément :ire et de flamme universelle, par lesquels l'auteur désigne je ne sais quelle force active qu'il suppose répandue dans l'univers, ceux d'impérissables étincelles, divinæ particulam animæ, sont des expressions qui ne semblent plus devoir trouver place dans le vocabulaire de la philosophie. Enfin l'auteur qui juge avec raison qu'il n'y auroit pas de plus beau livre à faire que celui de la philosophie des langues, n'approuveroit sans doute pas dans un tel ouvrage, s'il étoit chargé de le rédiger, l'usage de ces abstractions numériques imitées des formules pythagoriciennes, telles que l'unité binaire de l'homme, la loi du dualisme dans l'unité, appliquée à la division des sexes, &c. Ces expressions conviennent mal aux choses difficiles, et donnent aux choses les plus simples une apparence énigmatique peu. propre à satisfaire les lecteurs judicieux..

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