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ehercher au loin des pâturages plus frais. L'usage de ces grandes transmigrations de troupeaux, tous les ans, à des époques réglées, vient de l'Arabie où il est fort ancien. Dans les sables brûlans de l'Arabie, on voit les habitans s'envelopper dans des étoffes de laine; de même, les Espagnols portent un manteau en été pour se garantir du contact immédiat des rayons du soleil. Les chevaux de l'Andalousie descendent des races généreuses que les Arabes ont autrefois amenées avec eux, et ces mêmes distinctions qu'on fait en Arabie pour les races de sang pur et noble, existent encore en Espagne. Les habitans des campagnes, les ouvriers et une partie du peuple, dorment sur des nattes épaisses de sparterie qu'ils roulent en se levant et transportent quelquefois avec eux; cet usage de l'Orient explique ces paroles de Jésus-Christ au paralytique : Prends ton lit, et marche.

>> Les femmes du peuple s'asseyent encore à la mauresque sur des nattes de jonc circulaires; et dans quelques couvens, où les anciennes coutumes se sont transmises sans aucune altération, les religieuses sont encore dans l'habitude de s'asseoir comme les Turcs, sans savoir qu'elles tiennent cet usage des ennemis de la foi. La mantilla, espèce de voile que portent les femmes, a pour origine la pièce de drap dont les femmes s'enveloppent dans l'Orient lorsqu'elles sortent. Les danses espagnoles, les diverses espèces de fandango surtout, ressemblent beaucoup aux danses lascives de l'Orient.

L'usage de les danser en jouant des castagnettes, et de chanter des séguidillas, existe encore de nos jours chez les Arabes et en Égypte, comme en Espagne. On appelle encore, en Andalousie, un vent brûlant qui vient de l'Orient, vent de Médine.

>> Les Espagnols sont sobres comme les Orientaux, au milieu même de l'abondance, par un principe religieux : ils regardent l'intempérance comme un abus des dons que Dieu accorde, et méprisent profondément ceux qui s'y livrent; borracho ivrogne, est une des plus grandes injures qu'on puisse dire à un Espagnol.

>> On retrouve une analogie si frappante entre la manière de faire la guerre des Espagnols, et celle des diverses peuplades au milieu desquelles les Français ont combattu sur les bords du Nil, que, si l'on substituait, dans quelques pages de la campagne d'Égypte, des noms espagnols à des noms arabes on croirait lire le récit d'événemens arrivés en Espagne. De même que les Arabes, les levées en masse et les partisans espagnols combattaient en poussant de grands cris. Ils ont dans l'attaque cette furie mêlée de désespoir et de fanatisme qui distingue les Arabes, et souvent aussi, comme ces peuples, ils désespèrent trop tôt de l'événement, et cèdent le champ de bataille au moment où ils allaient peut-être remporter la victoire; mais lorsqu'ils combattent derrière des murs et des retranchemens, leur fermeté est inébranlable. Les habitans de l'Égypte fuyaient dans les gorges par delà

le désert; les Espagnols quittaient leurs demeures à notre approche, et emportaient leurs effets les plus précieux dans les montagnes. En Égypte comme en Espagne, nos soldats ne pouvaient rester à quelques pas en arrière des colonnes sans être aussitôt égorgés. Enfin les habitans du midi de l'Espagne ont dans l'âme cette même persévérance de haine, et néanmoins cette mobilité d'imagination des peuples de l'Orient; comme eux, ils se décourageaient quelquefois au moindre bruit de revers, et s'insurgeaient sans cesse au plus léger espoir de succès. Les Espagnols, comme les Arabes, se portaient souvent contre leurs prisonniers aux derniers excès de la férocité, et quelquefois aussi ils exerçaient envers eux l'hospitalité la plus noble et la plus gé

néreuse ».

Les Mémoires de M. de Rocca présentent un tableau non moins fidèle qu'intéressant de la guerre d'Espagne; on assiste aux scènes qu'il décrit: les nombreux détails qu'on y trouve sont rendus avec élégance et choisis de manière à faire bien sentir l'esprit de la nation espagnole et celui de l'armée française aucun de ces détails n'est minutieux, et ils se rattachent tous à ces deux objets. Les récits marchent avec rapidité, se succèdent avec un intérêt continu, et l'on y remarque surtout la plus franche impartialité. Son style, toujours clair et facile, est expressif et pittoresque sans effort et sans recherche on y rencontre souvent de ces expressions trouvées qui peignent d'un trait et qui causent

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une agréable surprise au lecteur; le seul reproche que des littérateurs sévères pourraient faire au style de M. de Rocca, tomberait sur une certaine couleur poétique dont il est empreint dans plusieurs passages; mais si l'on se reporte aux événemens extraordinaires que présentait continuellement la guerre d'Espagne, si l'on pense à tous les souvenirs dont on se trouvait environné dans cette antique Ibérie, on jugera peut-être que l'imagination a dû exercer une heureuse influence sur le style de l'auteur et lui donner cette teinte poétique sans laquelle les descriptions locales manqueraient totalement de vie et d'intérêt. Au reste, M. de Rocca n'en fait pas un trop fréquent usage: ce sont des traits heureux qui brillent par intervalle. Parmi cette foule de volumes et de brochures qu'on a publiés jusqu'à ce jour sur les événemens dont l'Europe fut le théâtre pendant ces dernières années, l'ouvrage de M. de Rocca se place naturellement dans le petit nombre de ceux qui méritent d'être jugés sous le rapport littéraire autant que sous le rapport historique ; et l'on ne peut le lire sans désirer que ce militaire instruit et judicieux mette à profit les loisirs de la paix pour s'adonner à quelque genre de littérature. Les réflexions dont son livre est semé, sont fort souvent écrites dans le vrai ton de l'histoire; elles sont d'un observateur éclairé de plus, les sentimens qu'il manifeste dans les diverses circonstances qui lui sont personnelles annoncent une belle âme, et, pour rendre compte de ce que j'ai éprouvé en

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faisant l'analyse de l'ouvrage de M. de Rocca, je dirai que le livre m'a fait aimer l'auteur que je n'ai nullement l'avantage de connaître. Je dois ajouter qu'il raconte les combats et les expéditions dans lesquels il s'est trouvé, sans forfanterie, sans exagération et sans affecter le ton d'un conteur de grandes aventures. Son ouvrage restera, et, plus tard, il deviendra fort utile aux historiens des guerres de notre âge. Témoin et faible acteur dans la guerre d'Espagne, j'ai pu, comme je l'ai dit dans mon premier article, apprécier la vérité et l'exactitude qui règuent dans cet écrit.

DE SAINT ANGE.

P. S. Un journal fait à M. de Rocca le reproche de n'être pas bon français dans son ouvrage, et de sacrifier la gloire de nos guerriers à celle des Espagnols; ce journal accuse notre officier de hussards de représenter nos troupes comme des hordes se livrant à tous les excès du brigandage; il place son livre sur la même ligne que l'Histoire de M. le général Sarrazin, et l'assimile à cette foule d'écrits publiés de nos jours à la gloire des étrangers et au détriment des armes françaises. Ce journal conviendra peut-être qu'il y a trop de sévérité dans ces reproches. M. de Rocca paraît avoir été séduit par le grand caractère que déploya la nation espagnole pour conserver son indépendance; mais cela ne l'empêche point de présenter en plusieurs endroits le tableau effrayant de la férocité de cette même nation. Tour à tour il nous intéresse aux

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