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leur désir, leur pays était enclavé dans le territoire français, et elle n'aurait pu permettre à leurs oppresseurs de traverser la terre de la liberté, pour aller punir des hommes pour avoir osé se rendre indépendants et reprendre leurs droits.

On avait fait entendre que le vœu du peuple français, pour le maintien de son égalité et de son indépendance, était celui d'une faction. Mais la nation française avait une constitution; cette constitution avait été reconnue, adoptée par la généralité des citoyens; elle ne pouvait être changée que par le vœu du peuple, et suivant des formes qu'elle-même avait prescrites tant qu'elle subsistait, les pouvoirs établis par elle avaient seuls le droit de manifester la volonté nationale, et c'était par eux que cette volonté avait été déclarée aux puissances étrangères. C'était le roi qui, sur l'invitation de l'assemblée nationale, et en remplissant les fonctions que la constitution lui avait attribuées, s'était plaint de la protection accordée aux émigrés, et avait demandé inutilement qu'elle leur fût retirée; c'était lui qui avait sollicité des explications sur la ligue formée contre la France; c'était lui qui avait exigé que cette ligue fût dissoute; et l'on devait s'étonner sans doute d'entendre annoncer comme le cri de quelques factieux, le vœu solennel du peuple, publiquement exprimé par ses représentants légitimes.

Ainsi la continuation d'une tolérance hostile pour les émigrés, la violation ouverte des promesses d'en disperser les rassemblements, le refus de renoncer à une ligue évidemment offensive, les motifs injurieux de ces refus, qui annonçaient le désir de détruire la constitution française, suffisaient pour autoriser les hostilités qui n'auraient jamais été que des actes d'une défense légitime; car ce n'était pas attaquer que de ne pas donner à notre ennemi le temps d'épuiser nos ressources en longs préparatifs, de tendre tous ses piéges, de rassembler toutes ses forces, de resserrer ses premières alliances, d'en chercher de nouvelles. L'assemblée nationale, loin d'appeler

la guerre, avait cherché à la prévenir par tous les moyens compatibles avec le maintien de la constitution, avec l'indépendance de la souveraineté nationale, avec la sûreté de l'état. L'ultimatum de l'Autriche n'offrait d'autre alternative que le rétablissement de la servitude féodale et une humiliante inégalité, la banqueroute et des impôts que le tiers état payerait à lui seul, les dîmes et l'inquisition, les propriétés nationales achetées sur la foi publique rendues à leurs anciens usurpateurs, les bêtes fauves rétablies dans le droit de ravager les campagnes, et le sang français prodigué pour les projets d'une maison ennemie 1.

Le roi de Prusse publia le 25 juin une exposition des motifs qui l'avaient déterminé à prendre les armes contre la France. Entre autres, on allégua la violation des traités avec l'Empire par la suppression des droits et possessions des princes en Alsace et en Lorraine; la propagation dans d'autres pays de ces mêmes principes subversifs de toute subordination sociale, et par là même du repos et de la félicité des nations, qui avaient bouleversé la France; la tolérance, l'encouragement, et même la publication officielle des discours et des écrits les plus outrageants contre la personne sacrée et l'autorité légale des souverains, et enfin la déclaration injuste de la guerre contre Sa Majesté le roi de Hongrie et de Bohême, suivie de l'invasion des provinces belgiques de ce monarque formant partie de l'empire germanique comme cercle de Bourgogne, et l'occupation de l'évêché de Bâle, partie incontestable de l'empire. Sa Majesté prussienne avait pris les armes nonseulement pour défendre son allié, Sa Majesté apostolique et l'empire germanique, injustement attaqués par la France, mais aussi pour prévenir les maux incalculables qui pourraient résulter encore pour la France, pour l'Europe, pour l'humanité entière, de ce funeste esprit d'insubordination générale, de

1 THIERS, Histoire de la révolution française, vol. I, pp. 488-494. Notes et pièces justificatives.

subversion de tous les pouvoirs, de licence et d'anarchie, dont il semblait qu'une malheureuse expérience aurait déjà dù arrêter les progrès. Il n'était aucune puissance intéressée au maintien de l'équilibre de l'Europe, à laquelle il pouvait être indifférent de voir le royaume de France, qui formait jadis un poids si considérable dans cette grande balance, livré plus longtemps aux agitations intérieures et aux horreurs du désordre et de l'anarchie, qui avaient, pour ainsi dire, anéanti son existence politique. Il n'était aucun Français, aimant véritablement sa patrie, qui ne dût désirer ardemment de les voir terminées; aucun homme enfin sincèrement ami de l'humanité, qui pût ne pas aspirer à voir mettre des bornes, soit à ce ́prestige d'une liberté mal entendue, dont le fantôme éblouissant égarait les peuples hors de la route du vrai bonheur, en altérant les heureux liens de l'attachement et de la confiance qui devaient les unir à des princes, leur force et leurs défenseurs, soit surtout à la fougue effrénée des méchants, qui ne cherchaient à détruire le respect dû aux gouvernements, que pour sacrifier sur les débris des trônes à l'idole de leur insatiable ambition ou d'une vile cupidité. Faire cesser l'anarchie en France; y rétablir pour cet effet un pouvoir légal sur les bases essentielles d'une forme monarchique; assurer par là même les autres gouvernements contre les attentats et les efforts incendiaires d'une troupe frénétique; tel était le grand objet que le roi, conjointement avec son allié, se proposait encore, assuré dans cette noble entreprise, non-seulement de l'aveu de toutes les puissances de l'Europe, qui en reconnaissaient la justice et la nécessité, mais en général du suffrage et des vœux de quiconque s'intéressait sincèrement au bonheur du genre humain 1.

Nous avons déjà vu que le but de l'alliance continentale

1 Motifs du roi de Prusse pour prendre les armes contre la France. SÉGUR, Histoire de Frédéric-Guillaume II, vol. II, p. 355. Pièces justificatives.

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§ 3. Objet de la guerre de la part

contre la France fut le rétablissement de l'ancien ordre de choses dans ce pays. Ce fut une intervention armée contre les principes de la révolution française dont on craignait la de l'Angleterre. contagion et l'exemple si dangereux pour les monarchies limitrophes. Mais cette révolution, en tant qu'elle ne visait qu'à une réforme du gouvernement intérieur de la France, ne pouvait donner de l'ombrage à un pays dont la constitution est fondée sur la volonté nationale exprimée par l'expulsion d'une dynastie et l'établissement d'un autre, avec des prérogatives moins étendues ou mieux définies. Le grand ministre qui a depuis voué toute sa vie et toutes les ressources de sa patrie a livrer une guerre d'extermination contre les principes de la révolution française et contre l'agrandissement militaire de la France, n'avait pas d'abord envisagé cet événement comme devant nécessairement rompre les liens d'amitié entre les deux pays. M. Pitt, dans son discours prononcé au parlement, le 9 février 1790, sur le budget de la guerre, déclarait que la révolution qui bouleversait à cette époque la France, devait nécessairement, tôt ou tard, faire place à un système complet et régulier d'ordre et d'harmonie. Il était vrai que les heureuses combinaisons qui devaient en résulter pouvaient la rendre plus formidable; mais elles pouvaient aussi, d'un autre côté, rendre les Français des voisins moins dangereux. Il osait espérer que l'intérêt particulier de sa patrie ne lui imposerait pas le devoir de repousser de son cœur un vœu dont l'intérêt de l'humanité lui faisait désirer l'accomplissement, et ce vœu était pour le rétablissement de la tranquillité en France, quoiqu'il craignit bien qu'il ne lui fût pas réservé d'en jouir de sitôt. De quelque part que proviendrait en France le retour de l'ordre, il en résulterait pour elle une liberté bien entendue, qui serait le fruit du bon ordre et d'un bon gouvernement revivifié par leur heureuse influence. On verrait bientôt la France reprendre son rang parmi les puissances les plus imposantes de l'Europe; elle jouirait de cette liberté compagne

de la justice, objet de la vénération de l'orateur, et qu'il était de son devoir, comme Anglais, de chérir. Avec le sentiment d'un devoir pareil à remplir, pourrait-il voir d'un œil jaloux les peuples voisins ouvrir aussi leurs cœurs à cette noble et généreuse passion qui forme le trait caractéristique de tous les enfants de l'Angleterre 1?

Et même le publiciste célèbre qui a depuis le plus contribué par ses écrits à susciter l'inimitié de toute l'Europe contre la révolution française, comme menaçant l'ordre social, voyait d'abord dans ce bouleversement la destruction totale de la puissance militaire de la France. Dans son discours prononcé à la même occasion, M. Burke déclarait que la France devait être considérée comme étant effacée du système européen 2. Il n'était pas facile de décider si elle pouvait jamais y reparaître comme puissance imposante mais dans le moment actuel il regardait la France comme n'ayant pas d'existence politique, et assurément il faudrait beaucoup de temps pour la rendre à son ancienne activité. Gallos quoque in bellos floruisse audivimus, pouvait bien aussi être le langage de la génération naissante. Il ne niait pas qu'il fallût surveiller cette nation et régler les préparatifs d'après les symptômes de sa convalescence. C'était à sa puissance, et non pas à sa forme de gouvernement qu'on devait regarder, parce que les républiques aussi bien que les monarchies étaient susceptibles d'ambition, d'envie, et de ressentiment, causes ordinaires des guerres entre les nations. Mais, si pendant que la France continuait dans cet état de défaillance, l'Angleterre continuait d'aug

1 SÉGUR, Histoire de Frédéric-Guillaume II, vol. III, p. 249. Pièces justificatives.

2 La même pensée a été depuis exprimée par M. Burke sous une autre forme, dans son fameux écrit intitulé: Réflexions sur la révolution française, où il dit que «la France n'était plus qu'un vide sur la carte de l'Europe.» Mirabeau lui a répondu que «ce vide était un volcan. >>

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