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être regardés comme des états vassaux que comme des provinces soumises 1.

Les arrangements territoriaux faits par le congrès de Vienne ne regardent que les pays chrétiens de l'Europe. L'empire ottoman n'avait pas de représentant au congrès, et n'était pas compris dans le système de droit public qui y fut établi. Et pourtant, depuis le moment où le croissant mahométan a cessé d'être un objet de terreur pour l'Europe entière, la conservation et l'indépendance de cet empire ont été regardées comme nécessaires pour le maintien de l'équilibre européen. Nous avons vu que la paix de Szistowe, en 1791, entre l'Autriche et la Porte, et celle de Jassy, en 1792. entre la Russie et la Porte, furent conclues grâce à la médiation de la triple alliance, composée de l'Angleterre, de la Prusse et de la Hollande. Lors de l'invasion de l'Égypte par les armées de la république française, en 1798, un traité d'alliance défensive fut conclu entre la Russie et la Porte, pour confirmer celui de Jassy, et pour assurer l'intégrité des deux empires. En 1799, l'Angleterre accéda à ce traité; mais le traité ayant expiré en 1806, la Porte, qui était alors réconciliée avec la France, refusa de le renouveler avec l'Angleterre; et quoique, pour la forme, il fût renouvelé avec la Russie, il n'en exista pas moins des causes d'irritation entre les deux gouvernements, qui se terminèrent par la guerre ouverte de 1807. Par la paix de Tilsit, entre la France et la Russie, cette dernière puissance cessa d'être l'allié de la Grande-Bretagne, et il fut stipulé que les troupes russes et turques évacueraient les principautés de Valachie et de Moldavie, et qu'un armistice serait conclu jusqu'à ce

1 «Nature has said it, the Turk cannot govern Egypt and Arabia and Curdistan as he governs Thrace; nor has he the same dominion in Crimea which he has at Brusa and Smyrna. Despotism itself is obliged to truckle an huckster. The Sultan gets such obedience as he can. He governs with a loose rein that he may govern at all.» (BURKE'S Speech on conciliation with America.) 2 Vide supra, troisième période, §§ 10 et 14.

qu'une paix définitive fut faite entre les deux puissances. Les hostilités qui avaient eu lieu entre l'Angleterre et la sublime Porte furent terminées par un traité de paix signé à Constantinople le 5 janvier 1809, traité par lequel les traités précédents entre les deux puissances furent renouvelés. En 1809 les hostilités recommencèrent entre la Russie et la Turquie; elles ne furent définitivement terminées qu'en 1812, par le traité de cette année. D'après l'article 4 de ce traité, la frontière de l'empire russe du côté de la Turquie d'Europe fut étendue jusqu'au Pruth, depuis le point où ce fleuve entre en Moldavie jusqu'à son confluent avec le Danube, et de là, le long de la rive gauche de ce fleuve jusqu'à son embouchure à Kilia sur la mer Noire. La Porte céda ainsi à la Russie un tiers de la Moldavie, ainsi que les forteresses de Choczim et de Bender, et la Bessarabie tout entière, avec Ismael et Kilia, D'après ce même article, la navigation du Danube devait être libre aux deux nations. Les îles situées sur ce fleuve devaient demeurer inhabitées, mais les deux nations devaient avoir le droit d'y établir des pêcheries ou d'y couper du bois.

Les stipulations des traités précédents au sujet des privilégés nationaux de la Moldavie et de la Valachie furent maintenues.

Le traité de Bucharest contenait aussi des stipulations relatives aux Serviens révoltés qui avaient été les alliés de la Russie pendant la guerre. Pour bien comprendre ces stipulations, il faut se rappeler que le pays appelé Servie contient tout au plus un million d'habitants, tandis que toute la race serbe se compose d'au moins cinq millions d'hommes qui occupent un tiers du territoire de la Turquie d'Europe, et tout le midi de la Hongrie. En Turquie, ils sont disséminés dans la Servie proprement dite, en Bosnie, en Hertegovitie, et dans des parties de l'Albanie et de la Macédoine. Dans l'empire d'Autriche, ils habitent la Dalmatie, la Sclavonie, la Croatie, une partie de l'Istrie, le Banat de Temeswar, la Syrmie et les rives du Danube depuis la Batscha jusqu'aux environs de

Bude. Pendant le moyen âge cette race belliqueuse devint assez puissante pour justifier l'orgueil de ses chefs qui prenaient le titre d'empereur d'Orient, et il fallut une coalition puissante de toutes les nations voisines pour la soumettre. Les portions de territoire possédées par les Serviens furent finalement partagées entre l'Autriche et l'empire ottoman. A la paix de Passarowitz, en 1718, les Turcs furent forcés, par suite des brillants succès du prince Eugène, de céder le nord de la Servie, avec Belgrade, à l'Autriche. Mais par la paix de Belgrade, en 1739, ce territoire fut de nouveau réuni à l'empire ottoman. En 4801, les Serviens se révoltèrent contre l'oppression des Turcs, sous la conduite de George Petrowitsch, appelé Czerny George, un de leurs chefs nationaux. Les révoltés furent, d'abord secrètement et plus tard ouvertement, soutenus par les Russes. L'insurrection continua avec des succès variés jusqu'en 1809, lorsque les Serviens firent cause commune avec les Russes, dans la guerre que ces derniers eurent à soutenir contre les Turcs. Ils furent compris dans le traité de paix signé en 1812 à Bucharest.

Par l'article 8 de ce traité, il fut convenu que la sublime Porte accorderait aux Serviens une amnistie générale; que les forteresses construites par eux dans la dernière guerre seraient démolies, et que celles qui existaient préalablement rentreraient sous la domination de la Porte et recevraient telle garnison qu'il lui paraîtrait convenable. Mais pour empêcher l'oppression des Serviens par ces garnisons, il fut convenu qu'ils jouiraient des mêmes avantages dont jouissaient les sujets grecs de la Porte dans l'Archipel; qu'il ne leur serait imposé que des contributions peu onéreuses, et que les affaires intérieures du pays seraient confiées à des habitants mêmes du pays, qui seuls auraient le droit de prélever les impôts.

Une nouvelle insurrection éclata en Servie en 1813, par suite de nouvelles vexations auxquelles les habitants avaient été en butte de la part des Turcs; mais il n'était plus dans les

desseins de la Russie de protéger cette insurrection; elle fut donc bientôt calmée, et la population chrétienne fut de nouveau soumise aux plus cruels traitements. Ce fut en vain qu'elle s'adressa au congrès de Vienne pour le supplier d'intervenir en sa faveur. En 1847, Czerny George périt dans une nouvelle tentative pour délivrer sa patrie. Milosh Obrenowitsch lui succéda comme oberknèze, ou prince; on fit une constitution pour garantir les priviléges du peuple.

Telle était la situation de la Servie lorsqu'en 1824 éclata la révolution grecque, sous la conduite d'Ypsilanti, en Valachie, dans la Morée et dans les îles de l'Archipel. Cette circonstance donna lieu à de nouvelles disputes entre le gouvernement de la Russie et celui de la Porte. La Valachie et la Moldavie furent de nouveau occupées par les troupes turques. Les puissances alliées de l'Europe refusèrent d'abord d'intervenir dans les affaires de la Grèce, mais bientôt ces affaires devinrent tellement entremêlées avec les relations de la Russie et de la Porte, et l'opinion publique se prononça si fortement en faveur des Grecs, qu'il fut impossible de s'abstenir plus longtemps d'intervenir. L'Angleterre donna la première l'exemple, en reconnaissant au gouvernement grec, comme puissance belligérante, les droits de la guerre par rapport à la visite maritime et au blocus. Sous le ministère de M. Canning, le duc de Wellington fut envoyé à Saint-Pétersbourg pour traiter avec le gouvernement russe des affaires de la Grèce. Le résultat de cette négociation fut la signature du protocole du 4 avril 1826, par lequel on proposa que la Grèce fût déclarée suzeraine de la Porte, et qu'elle lui payât un tribut annuel. La France adhéra à ce protocole, après y avoir fait faire quelques modifications, mais l'Autriche et la Prusse refusèrent de prendre part à cette transaction,

Le 7 octobre de la même année, une convention fut conclue à Ackerman entre la Russie et la Porte; cette convention rétablit l'ancien ordre de choses dans la Valachie et la Mol

$ 29. Intervention

de l'Angleterre

dans les

affaires

de la Grèce.

davie, et fit des stipulations particulières au sujet de la nomi-
nation et de la destitution de l'hospodar, qui ne devaient avoir
lieu qu'avec le double consentement de la Porte et de la Rus-
sie. Les priviléges accordés aux Serviens, par l'article 8 du
traité de Bucharest, furent aussi confirmés par cette conven-
tion, et la Porte promit de publier un firman qui accorderait le
libre exercice de la religion, l'indépendance du gouvernement
intérieur, l'établissement l'hôpitaux, d'écoles, d'imprimeries,
et qui défendrait aux Mahométans, à l'exception des garnisons
des forteresses, de s'établir en Servie 1.

Les disputes entre la Russie et la Porte furent ainsi termide la France, nées. L'opinion publique demanda alors avec tant d'instances et de la Russie l'intervention dans les affaires de la Grèce des trois grandes puissances qui avaient signé le protocole du 4 avril 1826, qu'il fut impossible d'y résister plus longtemps. Dans un âge moins civilisé, les nations chrétiennes, excitées par une sympathie généreuse et enthousiaste, se jetèrent dans les plaines de l'Asie pour recouvrer le saint sépulcre qui se trouvait alors entre les mains des infidèles. N'était-il pas naturel alors qu'elles intervinssent pour délivrer un peuple entier, non pas seulement de la persécution religieuse, mais aussi de la chance d'être arrachés à leur pays natal ou bien d'être exterminés par leurs cruels oppresseurs? Les droits de l'humanité, outragés depuis plus de six ans par cette guerre impie contre une nation chrétienne, aux aïeux de laquelle l'Europe entière devait ses lumières et sa civilisation, seraient vengés par cette intervention. Sir J. Mackintosh a dit : « Tous les droits qu'une nation peut défendre pour elle-même, elle peut aussi les soutenir pour une autre nation, si elle est appelée à intervenir.» Ceci s'appliquait parfaitement dans ce cas, et quand même les grandes puissances n'interviendraient pas par sympathie et par reconnaissance pour les Grecs, elles devaient encore intervenir pour se préserver elles-mêmes.

1 MARTENS, Nouveau recueil, tom. X, p. 1053.

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