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stricte application du principe de la non-intervention peut seul donner une grande perfection à ces relations.

>> 2o Les États-Unis et l'Angleterre, aujourd'hui les deux plus grandes nations commerçantes du globe, se touchent sur mer et sur terre par des points innombrables. Les législations des deux pays ont beaucoup de rapports de ressemblance; mais leurs formes de gouvernement diffèrent essentiellement, ainsi que leur législation sur l'esclavage; et ce dernier point exerce une si grande influence sur les rapports des deux pays, que si le principe de la non-intervention dans les affaires intérieures de l'un et de l'autre n'est sévèrement appliqué, la paix des deux pays, et par conséquent la paix du monde entier, sera constamment en danger.

>> Les Bahamas, qui appartiennent à l'Angleterre, touchent presque aux rives des États-Unis. Elles sont, par conséquent, placées sur la route de ce vaste commerce qui, doublant le cap des Florides, lie les cités de l'Atlantique aux ports et rades du golfe du Mexique et à l'entrepôt commercial du Mississipi. Ces mers, où sont situées les Bahamas, sont remplies d'écueils et de bas-fonds, les vents y sont impétueux, et la navigation par conséquent difficile. Il arrivera donc souvent que des navires américains seront jetés par la tempête dans les Bahamas, et se trouveront forcés de chercher un refuge dans un port britannique. C'est pourquoi il importe de déterminer, d'une manière nette et précise, la manière dont doivent être traités, dans ces cas, les navires américains, leurs équipages et leurs cargaisons, de quelque nature qu'ils puissent être d'ailleurs.

» Vous avez eu connaissance de la correspondance qui s'est engagée, il y a quelques années, entre les deux gouvernements, relativement aux navires Encomium, Enterprise et Comet. Le sénat a adopté des résolutions concernant ces affaires. Il est probable que le gouvernement britannique les connaît. Néanmoins, je vous invite à les signaler de nouveau au gouvernement britannique, en y joignant les débats qui les ont

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précédées. Veuillez communiquer la substance de cette dépêche à lord Aberdeen. Vous recevrez des instructions ultérieures sur l'affaire de la Créole, à moins qu'elle ne soit discutée à Washington même. Veuillez faire comprendre au gouvernement britannique combien il est dangereux pour la paix des deux pays que des difficultés de ce genre s'élèvent, et combien sont délicates les questions qu'elles présentent à résoudre 1. » Les progrès qu'a faits le droit des gens européen depuis la cette période. révolution française de 1789, ont été démontrés, plutôt par des discussions polémiques des hommes d'état et des diplomates sur les diverses questions pratiques qui ont été soulevées depuis cette époque, que par les travaux systématiques des publicistes sur le droit international considéré comme science. Nous avons déjà rendu compte de l'ouvrage élémentaire sur le droit des gens positif, par Martens, dont la première édition fut publiée avant la révolution française 2. Cet auteur distingué a depuis enrichi la science du droit public de plusieurs autres ouvrages justement estimés. On pourrait citer les noms, plus ou moins célèbres, de compilateurs qui ont pris pour base de leurs écrits le système de Vattel déjà reconnu comme faisant autorité; mais on ne peut pas dire que ces auteurs aient beaucoup contribué anx véritables progrès de la science dont ils se sont occupés. S'il faut faire une exception à cette observation générale, ce serait peut-être en faveur de Klüber, également célèbre par ses immenses travaux sur le droit des gens européen et sur le droit public de l'Allemagne 3.

1 Ces discussions ont donné lieu à l'insertion d'un article dans le traité de Washington de 1842, pour régler l'extradition des personnes accusées de certains crimes dans les deux pays. De pareilles stipulations se trouvent dans des conventions conclues entre les États-Unis d'Amérique et la France en 1843, et entre les États-Unis et la Prusse, et d'autres états allemands en 1845.

2 Voyez troisième période, § 19.

3 KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, 1819. Acten des

L'ouvrage de M. Heffter, récemment publié, nous semble être un des manuels les plus instructifs du droit des gens qui aient paru en Allemagne, ce pays classique du droit public. Le savant auteur a porté à l'examen des travaux des autres publicistes ses devanciers un véritable esprit de critique, et, en même temps, il a communiqué aux lecteurs les riches fruits de ses propres méditations sur la science importante dont il traite. Placé, par ses relations avec l'école de philosophie hégélienne, ainsi que par sa position comme magistrat et comme professeur de droit public, à un point de vue favorable pour porter un jugement sain sur les diverses questions du droit des gens moderne, il a su traiter ces questions avec une grande lucidité et une connaissance profonde des sources.

Suivant M. Heffter, le droit des gens, jus gentium, dans son acception la plus ancienne et la plus étendue, telle qu'elle a été établie par la jurisprudence romaine, est un droit fondé sur l'usage général et le consentement tacite des nations; ce droit ne règle pas seulement les rapports des nations entre elles, mais aussi ceux des individus en ce qui concerne leurs droits et leurs devoirs respectifs qui ont partout le même caractère et le même effet, et dont l'origine et la forme spéciale ne dérivent point des institutions positives d'un état particulier. Ce droit, d'après l'auteur, renferme deux parties distinctes:

1o Le droit de l'humanité en général, et les droits et devoirs que les états souverains reconnaissent aux individus qui ne sont pas soumis à leur autorité.

2o Les relations directes existant entre les nations, les états, et les souverains eux-mêmes.

Dans le monde moderne cette dernière partie a exclusivement reçu la dénomination de « droit des gens. » Elle serait

Wiener Congresses in den Jahren 1814 und 1815. Öffentliches Recht des deutschen Bundes und der Bundesstaaten, 1817. Zweite Auflage, 1822.

Heffter, droit des gens actuel de l'Europe.

plus proprement appelée le « droit public externe,» par opposition au droit public interne de chaque état particulier. La première partie du droit international a été confondue avec le droit civil de chaque nation particulière, sans perdre par là son essence et son caractère originel. Cette partie de la science détermine seulement certains droits de l'humanité en général, et les relations privées qui sont regardées comme étant sous la tutelle des nations; elle a été traitée sous la dénomination de droit international privé.

L'auteur n'accepte pas le terme de droit international, nouvellement introduit et assez généralement adopté par les publicistes les plus récents. Suivant lui, ce terme n'exprime pas suffisamment l'idée du jus gentium des jurisconsultes romains. Il considère le droit des gens comme un droit général de l'humanité qu'aucun peuple ne peut refuser de reconnaître, et dont la protection peut être réclamée par tous les hommes et tous les états. Il cherche la base de ce droit dans le principe incontestable que partout où il y a une société, il doit y avoir également un droit obligatoire pour ses membres. Il doit y avoir, dans la grande société des nations, un droit analogue à celui qui existe dans chaque société particulière.

Le droit, en général, c'est la liberté extérieure de la personne morale. Ce droit peut être garanti par la protection d'une autorité supérieure, ou bien il puise sa force en luimême; le droit des gens est de cette dernière espèce. Une nation qui sort de son état d'isolement pour vivre en société avec les autres nations, reconnaît, par ce fait même, un droit qui doit régler ses relations internationales. Elle ne peut méconnaître ce droit sans s'exposer aux dangers de l'inimitié des autres nations, sans mettre en péril sa propre existence. L'obligation que chaque nation s'impose de se conformer à ce droit, dépend de la persuasion où elle est que les autres nations observeront envers elle le même droit. Le droit des gens est fondé sur la réciprocité; il n'a pas de législateur ni de juge

A

suprême, puisque les états indépendants ne reconnaissent aucune autorité humaine comme leur étant supérieure. Il dépend exclusivement des sanctions morales et de la crainte que peuvent avoir les souverains et les nations de provoquer l'inimitié des autres souverains et nations, en violant des règles généralement reconnues comme contribuant au bonheur commun des hommes. L'organe et le régulateur du droit des gens est l'opinion publique : son tribunal suprême est l'histoire, qui forme le boulevard de la justice et la Némésis vengeresse de l'injustice.

Existe-t-il réellement un tel droit des gens? Non, sans doute, entre toutes les nations et tous les états du globe. Le droit public externe a toujours été et est encore limité aux peuples civilisés et chrétiens de l'Europe ou d'origine européenne. Il y a longtemps que cette distinction entre le droit des gens européen et celui des autres races d'hommes a été remarquée par Leibnitz et par Montesquieu 2. «Toutes les nations, dit ce dernier, ont un droit des gens; les Iroquois mêmes, qui mangent leurs prisonniers, en ont un. Ils envoient et reçoivent des ambassades, ils connaissent des droits de la guerre et de la paix : le mal est que ce droit des gens n'est pas fondé sur les vrais principes. >>

1

Il n'y a donc pas de droit des gens universel, tel qu'il est décrit par Cicéron dans le magnifique fragment de son Traité de la république, si souvent cité. Nous ne pouvons pas cependant proscrire, avec M. Heffter, les nouveaux termes de jus inter gentes, « droit entre les gens, » et « droit international, »> qui ont été proposés successivement par Zouch3, d'Aguesseau et Bentham, comme exprimant d'une manière plus précise et

1 Préface du Codex jur. gent. diplom.

2 Esprit des lois, liv. I, ch. 3.

3 Jur. et jud. fecialis, sive juris inter gentes. London, 1650.

4 Oeuvres de d'Aguesseau, tom. II, p. 337.

5 Morals and legislation, Works, part. I, p. 149.

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