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bres, parce qu'il est évident que la sécurité de ces biens ne peut pas être garantie par la perte de tout ce qui doit être garanti. La guerre ne doit pas être regardée comme un mal absolu, et comme un accident dont l'origine peut être attribuée aux passions des princes et des peuples, aux actes d'injustice, etc., en un mot à ce qui ne doit pas arriver. La guerre est un état de choses dans lequel la phrase banale de la vanité des choses humaines devient une réalité, un état de choses où la santé morale des nations est conservée par l'action, comme le mouvement des vents préserve la mer de cette stagnation complète dans laquelle un calme perpétuel l'entretiendrait. La paix perpétuelle, si elle pouvait être réalisée, serait un pareil état de stagnation morale pour les peuples. L'histoire témoigne que la guerre fortifie les forces intérieures d'un état, en dirigeant son activité vers l'extérieur, et en empêchant de cette manière les troubles domestiques. La paix perpétuelle est souvent proposée comme un idéal vers lequel l'humanité doit toujours chercher à se rapprocher. C'est dans ce but que Kant, entre autres, a proposé une ligue des princes pour arranger les différends entre les états souverains. La Sainte-Alliance, continue Hegel, a été fondée de nos jours dans cette intention. Mais, dit-il, un état, c'est un individu, et la négation est essentiellement renfermée dans l'individualité. Donc, lorsqu'un nombre considérable d'états s'unit dans une grande famille, cette association, comme individualité, doit nécessairement se créer un opposé et un ennemi. Le cercle pourra être élargi, mais il rencontrera toujours des obstacles et de la résistance. On entend souvent déclamer de la chaire contre la vanité et l'instabilité des choses humaines; mais quelque touché qu'on soit de ces déclamations, chacun se dit qu'il gardera au moins ce qui lui appartient. Mais laissez arriver cette instabilité des choses humaines sous la forme des hussards avec leurs armes blanches, et l'humble adhésion se change en imprécations contre l'injustice et la cruauté des

conquérants. Les guerres n'en arrivent pas moins, quand les occasions s'en présentent; et les déclamations des prédicateurs, et les rêves des philosophes, sont démentis par l'histoire, dont les leçons se renouvellent sans cesse.

Dans presque tous les états européens, dit l'auteur que j'analyse, la direction des relations extérieures de l'état ressort du prince souverain. Comme chef de l'état il est chargé de maintenir ces relations, de déclarer la guerre, d'en diriger les opérations, et de conclure la paix. Il est vrai de dire, cependant, que dans les états constitutionnels les chambres peuvent participer directement à l'exercice des pouvoirs de déclarer la guerre et de conclure la paix, et elles auront toujours leur influence indirecte sur ces questions en votant le budget. En Angleterre, par exemple, où la couronne exerce ces pouvoirs souverains, néanmoins aucune guerre ne peut être commencée ou continuée sans l'approbation du parlement. Mais, si on veut soutenir que les princes et les cabinets sont plus dominés par les passions et les préjugés que les chambres, et si on voulait pour cette raison confier exclusivement à ces dernières le pouvoir de déclarer la guerre, on peut répondre que des nations entières sont tout aussi susceptibles d'être égarées par la passion que leurs princes. La nation anglaise a souvent forcé la main à son gouvernement pour le contraindre à faire la guerre contre les véritables intérêts du pays. La popularité de Pitt a été fondée sur son habileté à se plier aux désirs de la nation. Ce ne fut que plus tard, lorsque les passions se calmèrent, que l'on se convainquit que la guerre avait été entreprise sans nécessité et sans avantage.

La fidèle observation des traités est, d'après Hegel, le principe fondamental qui lie les états entre eux. Cependant les relations mutuelles de ces états étant fondées sur leur souveraineté, ils sont encore, les uns envers les autres, dans ce qu'on appelle l'état naturel. Leurs droits mutuels ne sont pas garantis par une puissance supérieure. Ces droits dépendent

de leurs volontés séparées. Il n'y a pas de juge suprême et souverain arbitre entre les états. Un tel juge suprême et souverain arbitre ne pourrait être constitué que par des conventions spéciales qui dépendraient pour leur exécution de volontés séparées. La conception de Kant d'une paix perpétuelle, reposant sur une association d'états pour décider, comme autorité reconnue de tous les membres de l'union, de chaque dissentiment entre eux, et pour en empêcher la décision par la guerre, suppose nécessairement le consentement des états associés. Mais, dit, Hegel, comme la durée de ce consentement, quelles que soient les considérations morales et religieuses. sur lesquelles elle repose, dépendrait des volontés séparées de ces états, elle est toujours sujette à être interrompue. Les dissentiments entre les états souverains ne peuvent donc être vidés que par la guerre, à moins que les volontés séparées ne tombent d'accord pour les arranger. La grande difficulté sera toujours de déterminer quels sont les actes qui dans les relations multipliées des nations doivent être regardés comme violant les traités, l'indépendance reconnue, ou l'honneur national d'un état. Chaque état peut faire dépendre sa sûreté et son honneur de circonstances infiniment variées, dont il est le seul juge compétent, et qui sont souvent aggravées par la susceptibilité de la nation et le besoin qu'elle sent de diriger son activité vers l'extérieur. La réalité de la provocation qui donne lieu à des hostilités peut souvent reposer sur de simples conjectures, ou bien on peut se mettre en garde contre un danger éventuel qu'on considère comme probable.

Hegel termine cette partie de son ouvrage, en énonçant le principe que la reconnaissance mutuelle des états souverains continue, même en temps de guerre. La relation d'ennemis est transitoire, et le droit des gens suppose toujours la possibilité et même l'espoir du rétablissement de la paix. De cette supposition dérive l'usage de limiter l'exercice des droits de la guerre aux seuls combattants, et d'en exempter les per

sonnes et les propriétés des particuliers. Cet usage, ainsi que ceux de ne pas tuer les prisonniers, de respecter les droits des ambassadeurs, et d'observer les conventions de trêve, a pris son origine dans cette indentité de mœurs, de culture et de législation qui a formé des nations de l'Europe une seule grande famille. C'est de cette manière que la conduite de ces nations entre elles est modifiée en temps de guerre, car, ne fussent ces règles, il n'y en aurait plus d'autre que de se faire mutuellement le plus de mal possible. Le commerce mutuel des citoyens de divers pays en temps de paix est réglé d'après le même principe. Cependant ces relations sont sujettes à des fluctuations continuelles, et peuvent être interrompues par des accidents imprévus. Dans ce cas, il n'y a pas d'autre juge suprême entre les états souverains que l'Être suprême 1. Nous avons remarqué qu'aucun des publicistes qui ont traité des instituts du droit des gens depuis Vattel ne mérite la réputation de classique. Le nom de Mackintosh pourrait de la nature bien faire exception à cette remarque, s'il avait complété le magnifique plan d'un cours d'enseignement du droit de la nature et des gens qu'il a tracé dans un discours public prononcé en 1797. L'auteur de ce discours avait déjà acquis une immense réputation comme publiciste, par sa réponse à l'ouvrage célèbre de Burke contre la révolution française, publiée en 1791, sous le titre de Vindicia Gallica. Le discours en question devait servir d'introduction à un cours complet sur cette science, qui a été prononcé, mais qui n'a jamais été livré à l'impression. Nous croyons ne pouvoir mieux terminer notre ouvrage que par une courte analyse de ce discours sur l'étude du droit de la nature et des gens.

Le savant auteur commence en donnant une définition de la science dont il s'occupe. « La science, dit-il, qui fait connaître les droits et les devoirs des hommes et des états, a été

1 HEGEL, Grundlinien der Philosophie des Rechts, von GANS, §§ 321-339.

S 44. Mackintosh,

sur l'étude

du droit

et des gens.

appelée dans les temps modernes le droit de la nature et des gens. Sous ce titre sont compris tous les principes de la morale, en tant qu'ils règlent la conduite des individus entre eux dans les différentes relations de la vie; en tant qu'ils déterminent la soumission des citoyens aux lois, et l'autorité des magistrats, soit dans la législation, soit dans le gouvernement; en tant qu'ils fixent les rapports des nations indépendantes dans la paix, et qu'ils mettent des bornes à leurs hostilités dans la guerre. »

Il justifie la dénomination reconnue de « droit de la nature et des gens,» comme étant fondée sur le principe que les mêmes règles de morale qui lient les hommes entre eux dans les familles, et qui réunissent les familles en nations, obligent également les nations entre elles, comme membres de la grande société humaine. « C'est donc avec justice, dit-il, qu'une partie de cette science a été appelée le Droit naturel des individus, comme l'autre est nommée le Droit naturel des états. Une chose, au surplus, qui se comprend assez d'elle-même pour qu'il soit inutile de s'y arrêter, c'est que ces deux droits sont également sujets à toutes sortes de modifications et de variétés, suivant les mœurs, les conventions, le caractère et les circonstances. En égard à ces principes, les écrivains qui ont traité de la jurisprudence générale ont considéré les états comme des personnes morales. Ce mot, qu'on a appelé une fiction de la loi, mais qui peut être plutôt regardé comme une métaphore hardie, n'est autre chose que l'expression de cette vérité importante, que les nations, quoique ne reconnaissant aucun supérieur commun, quoique ne pouvant et ne devant être soumises à aucun châtiment humain, sont néanmoins assujetties à pratiquer entre elles les devoirs de la probité et de l'humanité, absolument comme les individus y seraient astreints, lors même qu'on les supposerait vivant affranchis des entraves protectrices des gouvernements, lors même qu'ils ne seraient pas forcés à l'accomplissement de leurs obligations

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