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humaine en revue devant nous, depuis la barbarie brutale et sans ressources de la Terre de Feu, et la sauvagerie douce et voluptueuse d'Otaïti, jusqu'à la civilisation paisible, mais ancienne et immobile de la Chine, qui fait part des arts qu'elle cultive à chacune des races successives de ses conquérants; jusqu'à la timide servilité des Indiens, qui conservent leur génie, leur habileté, leur instruction, pendant une longue série de siècles, sous le joug de tyrans étrangers; jusqu'à la grossière et incorrigible stupidité des Ottomans, incapables de toute amélioration, et occupés uniquement de détruire les restes de la civilisation chez leurs malheureux sujets, autrefois les peuples les plus éclairés de la terre. Nous pouvons étudier presque toutes les variétés imaginables dans le caractère, dans les mœurs, dans les opinions, dans les sentiments, dans les préjugés et dans les institutions des hommes, variétés résultant, ou de la grossièreté de la barbarie, ou de la capricieuse corruption de la civilisation, ou de ces innombrables combinaisons de circonstances qui, dans ces deux extrémités comme dans tous les points intermédiaires, influencent ou dirigent la marche des affaires humaines. L'histoire, s'il est permis de parler ainsi, est aujourd'hui un vaste musée, dans lequel on peut étudier toutes les variétés de la nature humaine. Les législateurs et les hommes d'état, mais surtout les moralistes et les philosophes politiques, peuvent trouver les plus beaux sujets d'instruction dans ce grand accroissement de la science. Ils peuvent découvrir, dans cette magnifique et utile variété de gouvernements et d'institutions, et dans cette prodigieuse multitude d'usages et de coutumes répandus parmi les hommes, les mêmes vérités générales et fondamentales, les mêmes principes sacrés qui servent de sauvegarde à la société; ils les trouveront, sauf quelques légères exceptions, reconnus et respectés par toutes les nations de la terre, et enseignés, sauf quelques exceptions encore moins nombreuses, par une série de philosophes qui se sont succédé depuis les

premiers instants de la science contemplative. Les exceptions elles-mêmes paraîtront à la réflexion plus apparentes que réelles. Si nous nous élevions à la hauteur de laquelle il convient d'envisager un vaste sujet, elles disparaîtraient tout d'un coup; la brutalité d'une horde de sauvages ne serait pas aperçue au milieu du spectacle immense de la nature humaine, et les murmures de quelques sophistes ne seraient pas assez forts pour troubler l'harmonie générale. Cet accord de tous les hommes sur les premiers principes, et cette variété infinie dans leur application, constituent la vérité la plus utile et la plus importante que nous puissions déduire de la connaissance étendue que nous avons aujourd'hui de l'histoire de l'homme. L'unité des principes donne à la vertu une grande partie de sa majesté et de son autorité; la variété dans leur application est le fondement de presque toute la sagesse pratique.

>> Depuis un siècle, il s'est opéré dans la pratique de la guerre un adoucissement essentiel, quoique lent et d'un progrès insensible; cet adoucissement ayant reçu la sanction du temps, a cessé d'être un simple usage, et est devenu une partie du droit des gens. En comparant notre manière de faire la guerre avec ce que nous dit Grotius 1, on distingue clairement les prodigieuses améliorations qui se sont faites depuis la publication de son ouvrage, durant la période la plus heureuse peut-être en tous points qu'on puisse trouver dans l'histoire du monde. Dans cette même période, on a vu discuter, tant par le raisonnement que par les armes, une foule de questions importantes de droit public, dont nous ne trouvons pas même la plus légère trace dans l'histoire des temps précédents.

>> Il est encore d'autres circonstances dont je ne parle qu'avec hésitation et avec peine, quoiqu'il soit nécessaire d'avouer

1 Surtout dans les chapitres du troisième livre, intitulés Temperamentum circa captivos, etc., etc.

II.

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qu'elles donnent à un écrivain du siècle présent un triste et un malheureux avantage sur ses devanciers. Les événements récents ont accumulé sur tous les points intéressants de la politique, une instruction pratique plus redoutable que l'expérience n'aurait pu la faire naître en d'autres temps. L'esprit des hommes, aiguisé par leurs passions, a pénétré jusqu'au fond de presque toutes les questions politiques. Il n'y a pas jusqu'aux règles fondamentales de la morale, qui pour la première fois, et malheureusement pour l'humanité, ont été révoquées en doute et soumises à la discussion. Je regarderai comme un devoir de passer sous silence ces faits déplorables, et ces fatales controverses. Mais il faudrait avoir l'esprit bien insouciant et bien indocile pour mépriser toutes ces circonstances, ou pour les examiner sans fruit.

>> De ces réflexions il résulte évidemment que depuis la publication des deux ouvrages que nous continuons à considérer comme classiques sur le droit de la nature et des gens, nous avons acquis de meilleurs instruments pour le raisonnement, et des matériaux plus abondants pour la science; que le code de la guerre a été étendu et perfectionné; enfin que de nouvelles questions se sont élevées sur les rapports des états indépendants, comme sur les premiers principes de la morale et du gouvernement civil. »

Après avoir ainsi développé le sujet, et ensuite tracé le plan qu'il propose de suivre dans son cours, il termine avec le passage suivant, qui caractérise l'auteur comme philosophe et lui fait également honneur comme homme.

« Je ne sais si un philosophe doit avouer que dans ses recherches de la vérité il a pu être égaré par quelque considération, fût-ce l'amour de la vertu. Quant à moi, persuadé qu'un vrai philosophe doit considérer la vérité elle-même sous le rapport de son utilité pour le bonheur du genre humain, je ne rougis pas d'avouer que je trouverai une grande consolation en terminant mes leçons, si, par un examen à la fois large et

exact des conditions et des relations de la nature humaine, je parviens à établir fortement cette pensée dans l'esprit d'un seul homme, que la justice est l'intérêt permanent de tous les hommes et de toutes les sociétés. Si je découvre un nouvel anneau de cette chaîne éternelle, par laquelle l'auteur de toutes choses allie le bonheur de ses créatures avec leur devoir, par laquelle il a rattaché indissolublement leurs intérêts les uns aux autres, mon cœur éprouvera un plaisir bien plus vif que jamais celui d'un sophiste éloquent n'en a ressenti de l'énonciation d'un paradoxe ingénieux.

>> Je terminerai ce discours en empruntant les paroles de deux hommes, également orateurs et philosophes, qui ont fixé en peu de mots la substance, l'objet et le résultat de toute la morale, de toute la politique et de tout le droit.

» Nihil est quod adhuc de republica putem dictum, et quo possim longius progredi, nisi sit confirmatum, non modo falsum esse illud, sine injuria non posse, sed hoc verissimum, sine summa justitia rempublicam regi non posse. Cicero, De repu— blica, livre II.

» La justice est la grande politique perpétuelle de la société civile, et chaque dérogation notable à ses principes, dans quelque circonstance que ce soit, est fondée sur ce préjugé, qu'il n'existerait aucune politique au monde. » Oeuvres de Burke, Vol. III, p. 207 1.

1 Discours sur l'étude du droit de la nature et des gens, par sir James Mackintosh, membre du parlement d'Angleterre, traduit de l'anglais par M. Royer-Collard.

RÉSUMÉ GÉNÉRAL.

Pour conclusion générale sur l'objet de notre ouvrage, nous résumons ainsi les progrès qu'a fait le droit des gens depuis la paix de Westphalie, en disant :

Que non-seulement les principes reconnus par Grotius et les publicistes de son école ont été mieux définis et constatés, mais que les progrès du droit des gens se sont démontrés par l'établissement de nouvelles lois pour régler les rapports entre les nations. Ce résultat a été obtenu, non-seulement par les travaux des publicistes méditant sur les principes de la morale internationale, mais par les discussions des questions dans les cabinets, les chambres législatives, et les tribunaux de divers états; discussions qui ont jeté une vive lumière sur les règles du droit international.

Les progrès qu'a fait ce droit depuis le siècle de Grotius sont surtout marqués par les traités.

Les traités peuvent être considérés sous plusieurs points de vue, suivant la nature des questions du droit des gens résolues par ces traités.

On peut les considérer comme répétant ou affirmant le droit des gens généralement reconnu; on peut les considérer comme faisant des exceptions à ce droit, et comme une loi particulière entre les parties contractantes; ou l'on peut les considérer comme explicatifs des principes de ce droit sur des points dont le sens est obscur ou indéterminé. Dans ce cas, les traités ont d'abord force de loi entre les parties contractantes, et ensuite ils confirment le droit international déjà existant, suivant que l'explication est plus ou moins précise,

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