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et appauvrie à mesure qu'elle est privée de son commerce accoutumé avec les autres états, et s'il est permis à une puissance belligérante de violer la liberté du commerce neutre à l'égard de tout article qui n'est pas de contrebande en soi, dans l'espérance de nuire à son ennemi, ou de l'amener à des conditions par la saisie de cet article et de l'empêcher d'arriver dans ses ports; pourquoi, dans le même désir de nuire, ne pourrait-elle pas couper, autant que possible, par des captures, toute communication avec l'ennemi, et ainsi abattre à la fois son pouvoir et ses ressources?

Quant au 18me article du traité de 1794 entre les ÉtatsUnis et l'Angleterre, il avait évidemment laissé la question dans l'état où il l'avait trouvée : les deux parties contractantes ne pouvant s'accorder sur une définition des cas où les provisions et les articles qui ne sont généralement pas de contrebande peuvent être regardés comme tels (le gouvernement américain voulant limiter ce principe aux seuls objets destinés aux places assiégées, bloquées ou investies, tandis que le gouvernement anglais maintenait qu'il fallait l'étendre à tous les cas où l'on peut espérer de réduire l'ennemi par la famine), ces deux parties s'entendirent pour stipuler «que lorsque lesdits objets deviennent de contrebande suivant le droit des gens, et sont pour cette raison saisis, ils ne seront pas confisqués,» mais que les propriétaires seront complètement indemnisés de la manière prévue dans ledit article. Quand le droit des gens, existant à l'époque où le cas se présente, prononce que les articles sont de contrebande, ils peuvent être saisis pour cette raison; autrement ils ne peuvent pas être saisis. De cette manière chaque partie eut la liberté de décider si le droit des gens dans ce cas se prononçait pour la contrebande ou contre, et aucun des deux n'était obligé de subir le jugement de l'autre. Si l'une des parties, sous le faux prétexte d'être autorisée par le droit des gens, faisait une

saisie, l'autre avait toute liberté de la contester, d'en appeler à ce droit des gens, et, s'il le trouvait convenable, d'avoir recours aux représailles et à la guerre.

Quant au second prétexte dont on cherchait a se prévaloir pour justifier l'ordre du conseil, c'est-à-dire la nécessité, l'Angleterre étant alors menacée d'une disette, comme on prétendait, il fut répondu qu'on ne niait pas qu'une nécessité extrême pût justifier une telle mesure; il s'agissait seulement de déterminer si cette nécessité existait réellement, et sous quelles conditions le droit qu'elle donnait pourrait être exercé.

Grotius et les autres publicistes étaient d'accord pour déclarer qu'il était indispensable que la nécessité fût réelle et pressante, et qu'alors même elle ne donne pas le droit de s'approprier les biens des autres, tant que tous les autres moyens d'y pourvoir n'ont pas été essayés et trouvés insuffisants. Il ne pourrait être douteux qu'il y avait d'autres moyens d'éloigner le malheur dont l'Angleterre était menacée. L'offre d'un marché avantageux dans les divers ports du royaume aurait dû être un moyen efficace pour y attirer les produits des nations étrangères. Les négociants n'ont pas besoin d'être contraints d'entrer dans un commerce profitable; ils savent diriger leurs expéditions où l'intérêt les attire; et si cet attrait leur est présenté à temps, ils ne manqueront pas de s'y rendre. Mais aussi longtemps que les prix des grains sur les marchés d'Angleterre étaient inférieurs à ceux offerts dans les ports de son ennemi, pouvait-on s'étonner que les neutres cherchassent de préférence les derniers? Pouvait-on dire qu'elle fût autorisée sur la seule crainte de disette non réalisée à avoir recours au moyen violent de se saisir des provisions appartenant aux neutres? Après que cet ordre fut publié et exécuté, le gouvernement anglais a eu recours au moyen qu'il aurait dû employer auparavant : il a offert des primes pour encourager l'importation des marchandises dont

il avait besoin. La conséquence en fut que les neutres sont arrivés avec des cargaisons de blés au point que les marchés furent bientôt surchargés.

Sur ces considérants, une indemnité complète fut accordée par les commissaires nommés, d'après l'article 7 du traité de 1794, aux propriétaires des vaisseaux et des cargaisons saisis en vertu de l'ordre du conseil, tant pour la perte du marché que pour les autres suites de la détention '.

Nous avons déjà vu que les États-Unis, par leur traité de 1778 avec la France, avaient adopté le principe de vaisseaux libres, marchandises libres. Au commencement de la guerre maritime en 1793, M. Genêt, l'envoyé de la république française, se plaignit auprès du gouvernement américain de ce que des marchandises appartenantes aux Français eussent été saisies à bord des vaisseaux américains par des croiseurs anglais. Dans sa réponse à cette réclamation, M. Jefferson, secrétaire d'état pour les affaires étrangères, posait en principe que, d'après le droit des gens universel, les marchandises d'un ami, trouvées à bord du vaisseau d'un ennemi, sont libres, et les marchandises d'un ennemi à bord d'un vaisseau ami, sont de bonne prise. D'après ce principe, il supposait que les croiseurs anglais avaient arrêté les propriétés des citoyens français trouvées à bord des vaisseaux américains dans les cas précités, et il avoua ne pas connaître de principe d'après lequel on pourrait réclamer contre cette saisie. Il était vrai que plusieurs nations, désirant éviter les inconvénients de soumettre leurs vaisseaux à être arrêtés en mer, visités, et amenés dans les ports étrangers pour y être jugés, sous prétexte qu'ils étaient chargés de marchandises ennemies, avaient, dans quelques occasions, introduit par des traités spéciaux un autre principe entre eux, c'est-à-dire que les vais

3 Conclusions de M. W. Pinkney, un des commissaires de la commission mixte constitué par le traité de 1794, dans le cas du navire américain le NEPTUNE, M. S. penes me.

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Discussion

entre les gouvernements américain et français à l'égard du principe de vaisseaux libres, marchandises libres.

seaux ennemis rendraient leurs cargaisons ennemies, et les vaisseaux amis rendraient leurs cargaisons amies; principe beaucoup moins embarrassant pour le commerce, et également avantageux à toutes les parties pour le gain et pour la perte. Mais ceci était tout à fait l'effet de traités particuliers, modifiant dans ces cas spéciaux le principe général du droit des gens, et n'étant applicable qu'entre nations qui avaient consenti à cette modification. L'Angleterre avait en général adhéré au principe rigoureux, n'ayant pas accordé, autant qu'on pouvait s'en souvenir, la modification de permettre la propriété des marchandises de suivre celle du vaisseau, le seul exemple excepté de son traité avec la France'. Les États-Unis avaient adopté cette modification dans leurs traités avec la France, la Hollande, et la Prusse; et par conséquent, quant à ces puissances, les vaisseaux américains couvraient les marchandises de leurs ennemis, tandis que les Américains perdaient leurs propres marchandises à bord des vaisseaux de ces ennemis. Avec l'Angleterre, l'Espagne, le Portugal, et l'Autriche, ils n'avaient pas de convention à opposer à ce que ces quatre puissances agissent d'après le droit des gens commun, en considérant les marchandises ennemies comme de bonne prise même à bord des vaisseaux d'un ami. Et il ne paraissait pas que la France souffrit de cet état de choses, puisque si d'un côté elle perdait ses propres marchandises à bord des vaisseaux américains, quand elles y étaient saisies par l'Angleterre, l'Espagne, le Portugal, ou l'Autriche; de l'autre elle gagnait les marchandises américaines trouvées à bord des vaisseaux de l'Angleterre, de l'Espagne, du Portugal, de l'Au

1 M. Jefferson a été induit en erreur dans cette assertion, puisqu'il y avait au moins deux autres traités de l'Angleterre en vigueur, quand il écrivait, par lesquels cette puissance avait concédé la maxime de vaisseaux libres, marchandises libres, celui de 1654 avec le Portugal, et celui de 1674 avec la Hollande. (Voyez première période, § 14.)

triche, de la Hollande, et de la Prusse; et il pouvait être affirmé avec certitude que les Américains avaient plus de marchandises embarquées à bord des vaisseaux de ces six puissances, que la France n'en avait sur leurs vaisseaux; et que par conséquent la France gagnait et l'Amérique perdait par le principe de leur traité. En effet les Américains perdaient de tous les côtés par l'application du principe quand il était appliqué en leur faveur, c'était pour sauver les marchandises de leurs amis; quand il opérait contre eux, c'était pour perdre leurs propres marchandises; et ils devaient continuer de perdre de cette manière aussi longtemps que la règle n'aurait pas été généralement établie. Quand ils auraient réussi à l'établir avec toutes les nations, ils ne perdraient ni ne gagneraient, mais ils seraient moins exposés à des visites vexatoires en mer. Ils faisaient des efforts pour arriver à cet état de choses, mais ce résultat dépendait de la volonté des autres nations aussi bien que de leur propre volonté; ils ne pourraient l'atteindre qu'au moment où ces autres nations seraient prêtes à y concourir1.

Par le traité de 1794 entre l'Angleterre et les États-Unis, art. 17, il fut stipulé « que dans tous les cas où des vaisseaux seront saisis ou détenus sur le juste soupçon d'avoir à bord des propriétés de l'ennemi, ou de transporter à l'ennemi des articles de contrebande, lesdits vaisseaux seront conduits au port le plus proche, ou le plus commode, et si on trouve sur ces vaisseaux des propriétés ennemies, la partie de la cargaison qui appartient à l'ennemi sera déclarée de bonne prise, le vaisseau sera relâché, et il lui sera permis de continuer son voyage avec le reste de sa cargaison2. >>

Le gouvernement français se plaignait, non-seulement, comme nous avons vu, que les marchandises de ses citoyens fussent enlevées des vaisseaux américains sans opposition de

1 American State Papers, vol. I, p. 134.

2 ELLIOT'S Diplomatic Code, vol. I, p. 254.

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