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la part du gouvernement américain; mais aussi que ce dernier eût, par son traité avec l'Angleterre, violé ses engagements antérieurs avec la France, d'après lesquels les principes de la neutralité armée de 1780 étaient reconnus.

A cette dernière allégation, il fut répondu de la part du gouvernement américain, qu'à l'époque de la signature du traité de 1778 la neutralité armée n'était pas encore formée, et que par conséquent l'état des choses sur lequel ce traité devait opérer ne pouvait être réglé que par le droit des gens préexistant, et indépendamment des principes de la neutralité armée. D'après ce droit préexistant, les vaisseaux libres ne rendaient pas les marchandises libres, et les vaisseaux ennemis ne rendaient pas les marchandises ennemies. La stipulation donc, contenue dans le traité de 1778, formait une exception à une règle générale, encore obligatoire dans tous les cas où elle n'était pas modifiée par des conventions particulières. Si le traité entre l'Angleterre et les États-Unis n'avait jamais été conclu, ou si ce traité n'eût contenu aucune stipulation applicable à cette matière, le droit des états belligérants n'en aurait pas moins existé. Le traité n'a pas établi un nouveau droit, il a seulement modifié et réglé l'exercice d'un droit déjà existant. Le désir d'établir le nouveau principe d'une manière universelle n'était senti plus vivement par aucune autre nation qu'il ne l'était par les États-Unis. Ces derniers ne perdaient pas de vue cet objet, et ils le poursuivraient par les moyens qu'ils jugeraient les plus convenables. Mais le désir d'établir un principe ne doit pas être confondu avec l'assertion que ce principe était déjà établi; et ils n'avaient jamais imaginé qu'ils devaient chercher à l'établir par la force, contre le gré de quelques-unes des puissances maritimes. Ils armeraient seulement pour défendre leurs propres droits : ni leur politique ni leur intérêt ne leur permettraient d'armer pour contraindre les autres à céder les leurs'.

1 Lettre des envoyés américains à Paris, MM. Marshall, Pinkney,

Le Directoire exécutif publia, le 2 mars 1796 (12 nivose an V), un arrêté par lequel il déclara que les États-Unis, par leur traité de 1794 avec l'Angleterre, avaient renoncé aux priviléges accordés par le traité de 1778 avec la France, et que les marchandises trouvées à bord des vaisseaux américains par les croiseurs français seraient de bonne prise. Cet arrêté comprit également dans la liste de contrebande les munitions navales, à l'exception du fer brut et des planches de sapin, comme il est stipulé dans le traité de 1794, en opposition aux stipulations du traité de 1778. Il confisqua tous les vaisseaux américains non munis du rôle d'équipage dans la forme voulue par le traité de 1778.

Une loi fut adoptée par les deux conseils de la république, le 18 janvier 1797 (29 nivose an VI), d'après laquelle tous les vaisseaux neutres chargés de marchandises ennemies devaient être saisis et confisqués comme de bonne prise.

Ces décrets, et d'autres ordonnances semblables, publiés sous le gouvernement du Directoire, encouragèrent la licence des corsaires français envers le commerce des neutres; cet état de choses fut encore aggravé par les abus dans l'exercice de la juridiction des tribunaux jugeant la validité des captures, jusqu'à l'établissement du conseil des prises en 1800. Les stipulations du traité de 1778 avec les États-Unis furent alors renouvelées par la convention de Morfontaine, et l'ordonnance de cette année, reconnaissant les principes qui sont devenus ensuite la base de la neutralité armée, fut établie comme la règle générale suivant laquelle les armateurs et tribunaux français devaient être guidés, quant aux nations neutres entre lesquelles et la France il n'existait point de conventions spéciales. Aussi longtemps que dura cette législation sage et modérée, et aussi longtemps que les décisions du nouveau conseil des prises furent dirigés par le savant et vertueux et Gerry, à M. de Talleyrand, 17 janvier 1798. WAITE'S State papers, vol. IV, pp. 38-47.

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magistrat dont le nom est identifié avec la formation du code civil de Napoléon, il n'y eut pas lieu de se plaindre de la part des neutres de l'application du code des prises par les tribunaux français. Mais à ce système de modération succédèrent malheureusement bientôt des mesures de violence consacrées dans les décrets impériaux de la France et les ordres du conseil de l'Angleterre, par lesquels ces deux puissances, reve-. nant aux pratiques de la guerre dans les siècles de la barbarie, prohibèrent tout commerce neutre, sous prétexte de représailles contre leur injustice mutuelle, en établissant des blocus non reconnus par les vrais principes du droit maritime. Ces principes sont si bien développés dans le discours prononcé par feu M. Portalis, à l'installation du conseil des prises en 1800, que nous allons en citer quelques passages.

<< La morale est obligatoire pour les corps de nations comme pour les simples particuliers elle est le droit commun de l'univers. Mais, entre les différents corps de nations, elle a peu de moyens de se faire observer; car ils vivent entre eux dans l'état de nature, c'est-à-dire dans cet état où chacun est arbitre souverain de ses actions, et juge suprême dans sa propre cause. De là les hostilités, les représailles, les guerres fréquentes qui ébranlent les empires et ravagent le monde.

>> Un citoyen, indépendamment du soin de veiller à son bien particulier, doit travailler au bien public de sa patrie. Un état, indépendamment du soin de son gouvernement intérieur, est encore chargé de contribuer au bonheur de la société générale du genre humain. Faire, en temps de paix, le plus de bien, et, en temps de guerre, le moins de mal possible : voilà le droit des gens. Les principes de ce droit sont simples : mais, dans des temps de barbarie et d'ignorance, ils furent méconnus par des hommes livrés à des passions aveugles et déréglées. Dans nos temps modernes, ces passions ont été adoucies par une civilisation perfectionnée, mais la multitude et la confusion des intérêts divers, que les idées d'argent, de

commerce, de richesse nationale et d'équilibre de puissances, ont introduites, sont devenues de nouvelles causes de rivalité, d'ambition, de jalousie et d'inimitié. La science des gouvernements ne s'étant point élevée en proportion des contrariétés que nous avons à concilier et des difficultés que nous avons à vaincre, il arrive que, malgré nos lumières et nos connaissances acquises, nous ne jouissons encore que très-imparfaitement des avantages que ces lumières et ces connaissances sembleraient devoir nous garantir.

>> Le droit de la guerre est fondé sur ce qu'un peuple, pour l'intérêt de sa conservation ou pour le soin de sa défense, veut, peut, ou doit faire violence à un autre peuple. C'est le rapport des choses, et non des personnes, qui constitue la guerre elle est une relation d'état à état, et non d'individu à individu. Entre deux ou plusieurs nations belligérantes, les particuliers dont ces nations se composent ne sont ennemis que par accident ils ne le sont point comme hommes, ils ne le sont même pas comme citoyens; ils le sont uniquement comme soldats.

>> Rendons justice à notre philosophic, qui, d'après ces vérités premières, a plus d'une fois invité les gouvernements de l'Europe à stipuler, dans leurs traités, la liberté et la sûreté du commerce pendant la guerre, le respect pour les productions des arts et pour toutes les propriétés particulières; mais la politique, qui n'est pas le droit politique, s'est refusée jusqu'ici aux conclusions de la philosophie.

>>Il faut même convenir que la théorie, en apparence la plus parfaite, n'est pas toujours la plus convenable dans la pratique. La maxime du sage doit être, non de chercher le mieux absolu, que les choses et les hommes ne comportent peut-être pas, mais ce mieux relatif qui est toujours à notre portée, qui est indiqué par l'expérience, et qui sort des, principes de la raison assortis aux besoins de la société.

>> Dans la nouvelle position que la boussole et la découverte

de l'Amérique ont donnée au monde, ce sont principalement nos relations commerciales qui deviennent la source de nos guerres. C'est presque toujours pour des intérêts bien ou mal entendus, pour des idées bien ou mal conçues de commerce que l'on ensanglante la terre.

>> Il faudrait donc opérer une grande révolution dans les choses et dans les opinions, avant que d'en espérer une dans la politique.

>> On peut croire, d'ailleurs, que l'interruption du commerce entre les nations belligérantes, produit le bien de lier, dans chaque gouvernement, les dangers du citoyen aux dangers de la patrie; de communiquer à l'intérêt général toute l'énergie de l'intérêt personnel; de décourager, par l'épuisement prévu des ressources, l'ambition des conquêtes ou celle d'une vaine gloire; de modérer la pétulance des projets par le sentiment des maux qu'ils entraînent; de mettre l'inquiétude des citoyens qui souffrent, aux prises avec les fantaisies des magistrats qui gouvernent; enfin, de rendre les gouvernements plus circonspects à commencer la guerre, et plus disposés à la terminer.

» Au surplus, quoi que l'on puisse penser de la question, si le commerce doit être interrompu, ou s'il doit demeurer libre entre les nations belligérantes, il est du moins certain que les nations neutres, tant qu'elles ne prennent aucune part à la guerre, doivent continuer à jouir de tous les avantages de la paix.

>> Les anciens, pour diminuer les désastres d'un des plus terribles fléaux qui puissent affliger l'humanité, établissaient des villes sacrées et libres, qui servaient d'asile au commerce, et dans lesquelles, au milieu des plus sanglantes hostilités, l'industrie trouvait une retraite assurée contre le brigandage et la mort.

>> Depuis que la civilisation a, pour ainsi dire, ajouté de nouveaux peuples au genre humain, il y a toujours, parmi les

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