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attendant ils donneraient les ordres nécessaires pour que leurs troupes fussent à portée de se mettre en activité.

On prétend que des articles secrets, au nombre de six, furent ajoutés à cette déclaration, par lesquels les parties contractantes stipulèrent de convenir des mesures nécessaires pour le maintien des traités subsistant avec la France, et pour les représentations à faire à la nation française, auxquelles l'empire entier serait invité à adhérer 1.

L'alliance proposée fut enfin signée à Berlin, le 7 février 1792, entre l'Autriche et la Prusse, garantissant mutuellement leurs possessions respectives, stipulant des secours mutuels d'hommes et d'argent, et déclarant le maintien de la constitution germanique comme le but de l'alliance'.

En attendant, Louis XVI avait accepté la nouvelle constitution française, le 14 septembre 1794, et il avait déclaré aux puissances étrangères son intention de la soutenir. Léopold II écrivit, le 21 novembre, à toutes les cours auxquelles sa circulaire avait été adressée, telle que la Suède, le Danemark, la Hollande, et le Portugal, qu'on pouvait dès à présent regarder le roi de France comme libre, et son acceptation de la constitution comme valide; exprimant l'espoir que cette acceptation rétablirait la tranquillité en France; que la prudence cependant exigeait qu'on ne renonçât point aux mesures concertées, mais qu'il regardait comme nécessaire que les puissances déclarassent, par leurs envoyés à Paris, que la ligue subsistait encore, et que les souverains alliés étaient prêts, en cas de besoin, à soutenir les droits sacrés du roi et de la monarchie française.

Les vues pacifiques de Léopold ne furent point partagées par tous les souverains. Gustave III de Suède s'était déclaré, depuis le commencement de la révolution, le défenseur des droits des souverains, et aspirait à l'honneur de commander

1 MARTENS, Nouveau recueil des traités, vol. V, pp. 260–261. IBID., Ibid., vol. V, p. 301.

les armées combinées destinées à rétablir la monarchie française. Il conclut une alliance avec Catherine II à Drottingholm, le 29 octobre 1794, dont les articles secrets n'ont jamais été publiés, mais qui regardaient sans doute les affaires de la France. Ces deux puissances du Nord refusèrent de recevoir la notification que Louis XVI avait accepté la constitution, soutenant qu'ils ne pouvaient regarder le roi comme libre. La politique de Léopold visait à continuer les négociations, à surveiller le progrès des mouvements révolutionnaires en France, et à soumettre les affaires de ce pays à la décision d'un congrès européen, par lequel il espérait obtenir une modification dans la constitution française par l'établissement de deux chambres législatives. L'assemblée nationale répondit à ce dernier projet par un décret déclarant comme traîtres à leur pays tous les Français qui consentiraient à soumettre l'indépendance de leur patrie à la décision d'un congrès étranger.

Il est impossible de dire quel eût pu être l'effet de ce décret sur la conduite de Léopold, qui mourut le 1er mars. Son fils et successeur, François II, ratifia immédiatement le traité d'alliance avec la Prusse, du 7 février, et déclara au gouvernement français qu'il ne romprait point ses engagements avec ses alliés, jusqu'à ce que la France eût fait cesser les causes qui les avaient rendus nécessaires. Frédéric-Guillaume II regarda la guerre comme inévitable, et, trompé par l'exemple du succès de l'intervention armée de la triple alliance dans les affaires de la Hollande et de la Belgique, se flatta de pouvoir arrêter le progrès de la révolution française par la force des armes. En attendant, le parti qui en France était favorable à la guerre avait gagné de l'ascendant par l'avénement au ministère de Dumouriez et des Girondins. Les négociations continuèrent, par suite de la demande de la France, que les émigrés dans les électorats fussent désarmés et dispersés, ce qui d'un côté était censé être déjà accompli, tandis que de l'autre on niait qu'il le fût. Toute indécision, quant à la question de

paix ou de guerre, fut enfin terminée par l'ultimatum de l'Autriche du 7 avril, exigeant le rétablissement de la monarchie française sur les bases de la déclaration royale du 23 juin 1789; la restitution du comtat Venaissin au pape, et le rétablissement dans leurs possessions des princes de l'Empire dans l'Alsace, avec les priviléges féodaux dont ils avaient autrefois joui. Armé de ce document, le ministère français conseilla au roi de proposer à l'assemblée nationale, suivant les formes de la constitution, un décret proclamant que la France était en état de guerre avec le roi de Hongrie et de Bohême. Louis XVI consentit avec répugnance à cette proposition, et la loi fut adoptée à une grande majorité, le 20 avril 2.

Dans l'exposé des motifs, rédigé à cette occasion par Condorcet, l'assemblée nationale tâcha de réfuter l'imputation, qu'elle savait devoir être dirigée contre sa conduite, comme ayant volontairement accéléré et provoqué la guerre ainsi déclarée. Ce document développe le principe que chaque nation a le pouvoir exclusif de se donner des lois et le droit inaliénable de les changer. Ce droit, s'il existe pour une nation, existe pour toutes. L'attaquer dans une seule, c'est déclarer qu'on ne le reconnaît dans aucune autre; vouloir le ravir par la force à un peuple étranger, c'était annoncer qu'on ne le respecte pas dans celui dont on est le citoyen ou le chef. La nation française devait croire que des vérités si simples seraient senties par tous les princes, et que dans le dix-huitième siècle personne n'oserait leur opposer les vieilles maximes de la tyrannie. Son espérance avait été trompée : une ligue avait été formée contre son indépendance; elle n'avait eu que le choix d'éclairer ses ennemis sur la justice de sa cause, ou de leur opposer la force des armes.

1 François II n'était pas encore élu empereur.

2 SÉGUR, Histoire de Frédéric-Guillaume II, vol. II, sp. 246-223. MIGNET, Histoire de la révolution française, chap. 5. THIERS, vol. I, p. 252.

Instruite de cette ligue menaçante, mais jalouse de conserver la paix, l'assemblée nationale avait d'abord demandé quel était l'objet de ce concert entre les puissances si long-temps rivales; et on lui avait répondu qu'il avait pour motif le maintien de la tranquillité générale, la sûreté et l'honneur des couronnes, la crainte de voir renouveler les événements qu'avaient présentés quelques époques de la révolution française.

Mais, demandait-on, comment pouvait-on dire que la France avait menacé la tranquillité générale, quand elle avait pris la résolution solennelle de n'attaquer la liberté d'aucun peuple, et quand au milieu de cette lutte longue et sanglante qui s'est élevée dans les Pays-Bas et dans les états de Liége, entre les gouvernements et les citoyens, elle avait gardé la neutralité la plus rigoureuse?

Sans doute la nation française avait prononcé hautement que la souveraineté n'appartient qu'au peuple, qui, borné dans l'exercice de sa volonté suprême par les droits de la postérité, ne peut déléguer de pouvoir irrévocable; sans doute elle avait hautement reconnu qu'aucun usage, aucune loi expresse, aucun consentement, aucune convention, ne peuvent soumettre une société d'hommes à une autorité qu'elle n'aurait pas le droit de reprendre. Mais l'énonciation de ces maximes ne pouvait être regardée comme troublant la tranquillité d'autres états; et exiger la suppression des écrits par lesquels ils étaient propagés, ce serait faire une loi contre la liberté de la presse, et déclarer la guerre aux progrès de la raison humaine. Quant aux prétendues tentatives des Français d'exciter d'autres nations à l'insurrection, aucune preuve n'avait été offerte pour appuyer cette allégation et ces tentatives eussent-elles été réelles, les puissances qui avaient souffert les rassemblements des émigrés français, qui leur avaient donné les secours, qui avaient reçu lears ambassadeurs, qui les avaient publiquement admis dans leurs conférences, qui ne rougissaient point d'appeler les Français à la guerre civile,

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n'auraient pas conservé le droit de se plaindre; ou bien il faudrait dire qu'il est permis d'étendre la servitude, et criminel de propager la liberté; que tout est légitime contre les peuples, et que les rois seuls ont de véritables droits.

Si des violences, si des crimes avaient accompagné quelques époques de la révolution française, c'était aux seuls dépositaires de la volonté nationale qu'appartenait le pouvoir de les punir ou de les ensevelir dans l'oubli : tout citoyen, tout magistrat, quel que fût son titre, ne devait demander justice qu'aux lois de son pays, ne pouvait l'attendre que d'elles. Les puissances étrangères, tant que leurs sujets n'ont pas souffert de ces événements, ne pouvaient avoir un juste motif ni de s'en plaindre, ni de prendre des mesures hostiles pour en empêcher le retour.

Quant aux réclamations des princes allemands dans l'Alsace et à celles du pape dans le Comtat, on répondit que la souveraineté de la première province avait été transférée à la France, avec la réserve de certains droits qui n'étaient que des priviléges. Le vrai sens de cette réserve était que ces priviléges seraient conservés autant que les lois générales de la France reconnaîtraient le système féodal dans ses différentes formes, et que quand celui-ci serait aboli, la nation devrait une indemnité aux anciens possesseurs pour les véritables pertes qu'ils auraient essuyées. C'était tout ce que le respect pour le droit de propriété pouvait exiger, quand il se trouvait en opposition avec la loi, en contradiction avec l'intérêt public. Les citoyens de l'Alsace étaient des Français, et la nation ne pouvait, sans injustice, les voir privés de la moindre partie des droits communs à tous ceux que ce titre devait également protéger.

Les citoyens du Comtat étaient les maîtres de se donner une constitution; ils pouvaient se déclarer indépendants : ils avaient préféré être Français, et la France ne les abandonnerait point après les avoir adoptés. Eût-elle refusé d'accéder à

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