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CHAPITRE VII.

SEPARATION DU BRÉSIL ET DU PORTUGAL
(de 1822 à 1825).

Lorsque l'Angleterre rompit, sans déclaration préalable de guerre, la paix qui avait été signée à Amiens 1), le premier consul de la république française exigea que le prince-régent de Portugal (depuis roi, sous le nom de Jean VI.)2) fermât ses ports aux bâtiments anglais, menaçant le Portugal d'une invasion militaire s'il n'obtempérait pas à cette injonction; de son côté, le cabinet britannique fit offrir à ce prince de lui fournir tous les moyens de se retirer au Brésil, déclarant, d'ailleurs, que s'il refusait, l'Angleterre ferait prendre possession par la force de la ville et du port de Lisbonne. Le princerégent, bien qu'il eût renouvelé l'alliance avec l'Angleterre et recherché celle de la Russie, n'accepta pas les propositions du cabinet britannique et ne parut pas intimidé de ses menaces: il songea, au contraire, à se maintenir dans de bons rapports avec la France, et, par une convention signée le 6 Octobre 1803, il obtint du premier-consul que le Portugal

4) Le 27 Mars 1802: les puissances signataires étaient la France, l'Espagne et la Hollande, d'une part, et l'Angleterre d'autre part.

2) La reine Marie, mère du prince-régent de Portugal mourut le 20 Mars 1846.

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conservât sa neutralité: cette situation, toutefois, ne fut pas de longue durée.

Le 14 Octobre 1807, l'empereur Napoléon, dont le décret de Berlin du 21 Novembre 1806, avait établi le système continental qui pouvait atteindre d'une manière funeste l'industrie manufacturière de la Grande-Bretagne1) déclara qu'il ne souffrirait plus aucune relation commerciale ou politique entre le Portugal et les îles britanniques, et que si, dans le délai de deux mois, le régent de Portugal ne rompait pas ses rapports avec l'Angleterre, la maison de Bragance perdrait le trône; l'empereur enjoignit même, peu de temps après, au prince-régent de Portugal non-seulement de fermer tous ses ports aux Anglais, mais aussi de faire arrêter tous les sujets de S. M. britannique qui se trouveraient dans ses états et de confisquer toutes les propriétés anglaises. Le régent consentit à interdire l'entrée de ses ports aux bâtiments anglais, mais il réclama du temps pour satisfaire aux autres demandes de la France.

Placé entre les colères de Napoléon et les exigences d'une flotte anglaise qui bloquait le port de Lisbonne, le régent se décida à se rendre au Brésil. Il établit une régence et s'embarqua avec sa famille, le 27 Novembre 1807: l'escadre portugaise, retenue par les vents contraires, ne put surmonter la barre2) et n'entra dans l'Océan qu'au moment même où l'armée française commandée par le général Junot3) arrivait, le 29, à Sacaven, à deux lieues de Lisbonne.

L'escadre portugaise arriva à Bahia le 21 Janvier 1808: le 28, une ordonnance ouvrait les ports du Brésil à toutes les

1) V. Causes célèbres du droit maritime des nations (T. II. chap. XXVI, p. 247) par l'auteur de ce Précis.

2) A l'embouchure du Tage, il y a deux grands bancs de sable dont, la réunion forme une barre difficile à franchir, selon la force des vents et celle de la marée: sur le banc du Sud et le fort de Bougie. 3) Depuis duc d'Abrantės.

nations amies. Le 7 Mars la famille royale vint s'établir à Rio - Janeiro.

Le 19 Février 1810, un traité d'amitié et d'alliance fut signé à Rio-Janeiro avec l'Angleterre, et, le même jour, un traité de commerce et de navigation déclaré perpétuel') par l'art. XXXII.

Il est superflu de retracer ici les événements qui s'accomplirent en Portugal jusqu'à l'année 1844.

Le congrès de Vienne s'ouvrit en 18152); la royale famille de Bragance qui, sans quitter le Brésil, avait repris possession, en 1814, du royaume de Portugal, fut représentée au congrès de Vienne par le comte, (depuis duc) de Palmella, don Antonio de Salhando de Gama, et don Joachim Lobo, (depuis, comte d'Oriola).

Le 20 Mars 1816, après la mort de la reine Marie, sa mère, le prince-régent, devenu Jean VI, prit le titre de roi des royaumes unis du Portugal, du Brésil et des Algarves, et, le 6 Février 1818, il se fit couronner en cette qualité à Rio-Janeiro par lettres patentes du 16 Décembre 1847, le Brésil avait été élevé au rang de royaume.

Le Portugal désirait et réclamait le retour du roi; mais le souverain souvent sollicité de se rendre en Europe, s'y refusait toujours.

Le mécontentement grandissait; au retentissement des révolutions d'Espagne3) et de Naples), une insurrection éclata à Porto le 24 Août 1820: la régence fut renversée, une junte fut établie qui décréta que la constitution des cortès d'Espagne serait proclamée").

Le roi Jean VI sanctionna la convocation des cortès

1) V. Recueil manuel des traités etc., T, II, p. 352 à 378.

por

2) V. Même ouvr., T. III.

3) V. Chap. IV.

4) V. Chap. V.
5) V. Chap. IV.

tugaises et s'embarqua le 26 Avril 1821 pour revenir en Portugal. Il débarqua le 4 Juillet suivant et vint prêter serment, le jour même, dans la salle des cortès, à la constitution qu'elles avaient décrétée, en son absence, le 9 Mars précédent.

Les cortès avaient commis la faute immense, irrémédiable, et dont les conséquences devaient être funestes à la famille de Bragance et au pays, de conserver au Portugal une supériorité politique sur le Brésil: jalouses pour les Portugais d'Europe de tous les droits, de tous les avantages que leur constitution pouvait leur assurer, elles en avaient refusé le bénéfice aux Brésiliens.

Bien qu'heureux des améliorations nombreuses qu'avait introduites le roi Jean VI depuis qu'il s'était retiré en Amérique, les Brésiliens étaient, cependant, mécontents, d'une part, de la préférence que le roi semblait avoir donnée aux Portugais dans la distribution des fonctions publiques, des charges de cour, et des emplois et dignités ecclésiastiques, d'autre part, de l'accueil favorable fait aux étrangers qui venaient s'établir au Brésil dans l'espérance d'y faire fortune avec l'aide et la protection de la cour. Ces circonstances avaient déjà commencé à détacher le Brésil du Portugal; mais lorsque les cortès se refusèrent à donner aux Brésiliens, dans leur assemblée, une représentation égale à celle des provinces portugaises, et que, de leur seule autorité, elles firent pour le Brésil une constitution qui plaçait «cette colonies sous l'administration directe du ministère portugais, les murmures éclatèrent et l'on fit entendre les mots de séparation de la mère-patrie, et de république brésilienne, si le princerégent du Brésil1), chargé de l'administration du pays sence du roi Jean VI, partait pour se rendre en Portugal où il

en l'ab

4) Don Pedro d'Alcantara, prince du Brésil, fils ainé de Jean VI, et

son successeur.

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avait été rappelé. Le prince s'était montré, jusqu'en 1822, docile aux décrets des cortès; mais il s'effraya des dispositions qu'il reconnaissait parmi les Brésiliens, et il craignit de voir un beau pays de plus de cinq millions d'habitants échapper à l'autorité de sa famille. Au lieu de se rendre à Lisbonne, il prit la résolution de rester à Rio-Janeiro, et le 9 Janvier 1822, il en fit une déclaration solennelle: il persista dans cette détermination malgré l'obstination des cortès qui le menaçaient de l'exclure de la succession au trône s'il n'obéissait pas à l'ordre qui lui était donné de revenir à Lisbonne. Don Pedro prit alors le titre de protecteur perpétuel du Brésil, éloigna les troupes portugaises et convoqua une assemblée nationale de cent membres pour rédiger une constitution.

Le premier Août 1822, la séparation fut prononcée, le Brésil déclaré indépendant, et, le 12 Octobre suivant, don Pédro fut déclaré empereur constitutionnel du Brésil.

Le 21 du même mois, il adressa la proclamation suivante aux Portugais d'Europe.

N. I.

Proclamation de l'empereur de Brésil, adressée aux Portugais d'Europe; datée de Rio-Janeiro, 21 Octobre 1822.

Portugais!

La force est insuffisante contre la volonté d'un peuple décidé à ne plus vivre dans l'esclavage. L'histoire du monde a confirmé cette vérité, devenue encore plus frappante par les rapides événements de ce vaste empire; d'abord séduit par les promesses flatteuses du congrès de Lisbonne, dont la fausseté n'a pas tardé à éclater, le Brésil a été trahi ensuite dans ses droits les plus sacrés, dans ses intérêts les plus chers, et on ne lui présentait pour toute perspective qu'un nouveau système de colonisation et un despotisme légal, mille fois plus CUSSY, PRÉCIS HISTORIQUE.

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