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a été décidée par des événements auxquels le gouvernement anglais n'a eu aucune part; et nous croyons encore à présent qu'on aurait pu la prévenir, si l'on eût écouté à temps nos conseils.

Mais cette séparation a amené un état de choses sur lequel le gouvernement anglais a dû régler ses mesures comme son langage suivant ce qu'exigeaient les véritables et légitimes intérêts de la nation, dont le bien-être est confié à ses soins, et cela non avec précipitation, mais avec réflexion et prudence. Nommer possession de l'Espagne, un pays où par le fait toute occupation et tout pouvoir de ce gouvernement était anéanti, ne pouvait être d'aucune véritable utilité pour la mère-patrie, mais eut mis la paix du monde en danger. Car toutes les sociétés politiques sont responsables aux autres sociétés politiques de leur conduite; c'est-à-dire qu'elles sont tenues de suivre les obligations ordinaires imposées par le droit des gens, ainsi que de redresser et de réparer toute violation des droits des autres, commises par leurs citoyens ou leurs sujets.

Ainsi, ou la mère-patrie aurait dû rester responsable pour des actions sur lesquelles elle ne pouvait pas même exercer une ombre de pouvoir; ou les habitants de ces pays dont l'existence politique était fondée de fait, mais dont on ne voulait pas reconnaître l'indépendance, auraient été mis dans une situation telle qu'ils seraient entièrement responsables de toutes leurs actions, ou que pour celles qui auraient donné sujet de plainte à d'autres nations on aurait pu les punir comme on punit les pirates et les proscrits.

Si la première partie de cette alternative, c'est-à-dire la non responsabilité absolue des états non reconnus est trop peu solide pour être établie, et si la dernière, celle qui concerne le traitement de leurs habitants comme pirates et bandits, est trop révoltante pour être appliquée pendant un temps illimité à une partie considérable des habitants du globe, il ne restait à la Grande-Bretagne, ainsi qu'à tout autre pays en relation de commerce avec les provinces de l'Amérique espagnole, que de reconnaître à temps leur indépendance politique en qualité d'états, et de les placer ainsi dans la sphère des droits et des devoirs auxquels les nations civili

sées sont mutuellement obligées d'avoir égard, et dont elles sont en droit d'exiger réciproquement l'observation.

L'exemple de la dernière révolution de France, et l'heureux et final rétablissement de S. M. Louis XVIII sur son trône, est cité par M. Zéa à l'appui du principe des droits imprescriptibles d'un légitime souverain, et de l'obligation pour toutes les puissances étrangères de respecter ce droit; et en conséquence ce ministre invite l'Angleterre à rester d'accord avec elle-même en mettant dans sa conduite vis-à-vis des nouveaux états de l'Amérique espagnole la même réserve qu'elle a observée, d'une manière si honorable pour elle, envers la France révolutionnaire.

Mais serait-il nécessaire de rappeler à M. Zéa que toutes les puissances de l'Europe, et particulièrement l'Espagne, une des premières, ont non-seulement reconnu les différents gouvernements de fait, qui se sont succédé, et qui ont d'abord renversé du trône de France la maison de Bourbon et l'ont ensuite privée de la possession de cette couronne pendant près d'un quart de siècle; mais que l'Espagne a en outre conclu des alliances étroites avec eux, et surtout avec celui que M. Zéa désigne, avec raison, comme un gouvernement de fait dans le sens le plus strict, celui de Bonaparte, contre lequel son ambition effrénée, et non un principe de respect pour les droits de la monarchie légitime, a enfin fait liguer et entrer en lice toutes les puissances de l'Europe?

Il est inutile qu'on s'efforce de donner une autre couleur à des faits qui sont déjà du domaine de l'histoire.

Le soussigné est en conséquence obligé d'ajouter, que la Grande-Bretagne elle-même ne peut avec justice accepter l'éloge que M. Zéa veut lui donner sous ce rapport, et qu'elle ne peut pas davantage prétendre à être exceptée de l'accusation générale d'avoir négocié avec les autorités de la révolution française.

Il est vrai, que jusqu'en 1796, l'Angleterre s'est abstenue de traiter avec la France révolutionnaire, longtemps après que les puissances de l'Europe lui en avaient donné l'exemple. Mais les causes de cette réserve alléguées au parlement et dans d'autres écrits, étaient l'état subordonné du gouvernement français, et l'on ne saurait nier que la Grande-Bretagne

a deux fois, savoir, en 1796 et 1797, entamé des négocíations de paix avec le directoire français, dont la conclusion, si elles eussent réussi, aurait entraîné la reconnaissance de cette forme de gouvernement; qu'elle a conclu en 1801 la paix avec le consulat; que si, en 1806, elle n'a pas effectivement conclu un traité avec Bonaparte, empereur de France, la négociation n'a été rompue qu'à cause d'un seul point des conditions; et que si elle se refusa en 1808 et 1814, à prêter l'oreille à aucune ouverture de la part de la France, elle le fit, comme cela fut déclaré et bien connu, uniquement à cause de l'Espagne, que Bonaparte refusait obstinément d'admettre comme partie contractante à cette négociation.

On ne saurait nier en outre que, même encore en 1814, l'année à la fin de laquelle la dynastie des Bourbons fut rétablie, l'Angleterre n'eût conclu un traité de paix avec Bonaparte, si ses prétentions eussent été modérées; et l'Espagne ne peut ignorer que même après qu'on eût mis de côté Bonaparte, il n'ait été question entre les alliés de placer un autre qu'un Bourbon sur le trône de France.

En se référant à la conduite des puissances européennes relativement à la révolution de France et même à celle de la Grande-Bretagne, on ne fait que rappeler nombre d'exemples de la reconnaissance des gouvernements de fait, qui aurait eu lieu de la part de la Grande-Bretagne peut-être plus tard, et avec plus de répugnance que par d'autres gouvernements, mais elle aurait pourtant fini par l'adopter, malgré sa résistance, après que l'exemple en avait été donné par d'autres puissances européennes, et particulièrement par l'Espagne.

Dans la note de M. Zéa se trouvent encore deux autres points qui exigent une remarque particulière. M. Zéa déclare que le roi d'Espagne ne veut pas reconnaître les nouveaux états de l'Amérique espagnole, et que S. M. ne cessera pas d'employer la force des armes contre ses sujets rébelles de cette partie du monde.

Nous n'avons ni la prétention ni le désir de contrôler la conduite de S. M. C.; mais cette déclaration de M. Zéa renferme une justification complète de notre conduite, vu que nous avons saisi l'occasion qui nous paraissait mûre pour mettre sur un pied fixe et solide nos relations avec les nou

veaux états d'Amérique; car cette déclaration montre clairement que la plainte contre nous est uniquement dirigée contre le mode et l'époque de nos arrangements avec ces nouveaux états. Elle montre que la dispute de mots entre nous et l'Espagne, pour ce qui concerne la question de fait, ne roule pas sur ce point: si la situation intérieure de ces états est véritablement de nature à justifier des relations défensives avec eux; que ce qu'on demandait de nous n'était pas seulement un délai raisonnable, dans le but de vérifier les rapports contradictoires et de nous procurer l'occasion d'une négociation amicale; que les ménagements même les plus prolongés n'auraient pas satisfait l'Espagne, et que lors même que nous eussions différé aussi longtemps que possible nos arrangements avec les états nouveaux, ils n'auraient jamais eu l'adhésion de l'Espagne, parce qu'elle s'est décidément prononcée contre tout arrangement, dans toutes les circonstances et en tout temps, et qu'elle est résolue à faire une guerre sans fin à ses anciennes colonies.

M. Zéa finit par la déclaration, que S. M. C. protestera de la manière la plus solennelle contre les mesures annoncées par le gouvernement britannique, comme portant atteinte aux conventions existantes, et aux droits imprescriptibles du trône d'Espagne.

Contre quoi l'Espagne veut-elle protester? Il est prouvé que nous n'avons enfreint aucun traité, et nous accordons que par notre reconnaissance des nouveaux états d'Amérique, aucune question de droit n'est décidée. Mais si l'argument sur lequel cette déclaration se fonde est vrai, il l'est pour toujours, et l'offense dont nous nous rendons coupables, en mettant sous la protection de traités nos relations avec ces pays, est d'une telle nature, que ni le temps, ni les circonstances, ni les vues de l'Espagne ne peuvent en adoucir le

caractère.

Après avoir ainsi discuté contre son gré et avec répugnance les principaux points de la note de M. Zéa, le soussigné est chargé d'exprimer, en finissant, une espérance que son gouvernement a fort à cœur de voir réaliser; c'est qu'il lui soit permis de terminer une discussion qui est maintenant sans objet. Le soussigné est encore chargé de déclarer au

ministre d'Espagne, que ce n'est ni un sentiment de malveillance, ni même l'indifférence envers les intérêts de S. M. C. qui ont dicté les démarches qu'a faites le gouvernement anglais; que S. M. B. ne cessera de faire les voeux les plus empressés pour la prospérité de l'Espagne, et qu'elle restera toujours dans les mêmes sentiments; enfin qu'elle a ordonné au soussigné de renouveler à S. M. C. l'offre d'employer ses bons offices pour opérer un arrangement amical qui serait encore possible maintenant entre S. M. C. et les états qui se sont séparés de l'Espagne. Le soussigné saisit cette occasion, etc.

GEORGES CANNING.

Au bureau des affaires étrangères, le 25 Mars 1825.

Au moment où M. Canning faisait connaître officiellement aux puissances étrangères, le 1er Janvier 1825, l'intention du gouvernement britannique d'accréditer des Chargés d'affaires auprès des nouvelles républiques, les négociations étaient poursuivies avec activité par les plénipotentiaires de l'Angleterre en Amérique.

Le cabinet de St. James ne s'adressa pas immédiatement au Mexique à cette époque, l'Espagne continuait encore, contre le Mexique et contre le Pérou notamment, ses efforts militaires 1), malgré les échecs que ses armes avaient éprouvés, et qui obligèrent même bientôt après l'armée espagnole d'évacuer, par capitulation, le 10 Décembre 1824, tout le Pérou, et, plus tard, le 18 Novembre 1825, le territoire mexicain, à l'exception de Calao. 2)

4) V. Nouvelles Causes célèbres du droit des gens, par M. DE MARTENS, fère édit. T. II. p. 466: Discussion élevée en 1825 entre le roi de Suède et celui d'Espagne, à l'occasion de la vente faite de plusieurs vaisseaux de guerre de la marine suédoise, au commerce anglais.

2) En 1829, l'Espagne fit partir de la Havane une expédition destinée à faire rentrer le Mexique sous ses lois, mais cette tentative n'eut d'autre résultat que celui d'assurer la scission définitive de l'ancienne colonie et de la métropole.

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