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CHAPITRE XII.

GUERRE DE CRIMÉE, ET PAIX DE PARIS

(de 1854 à 1856).

La mission du prince Mentschikoff, ') en 1853, à Constantinople, avait pour motif quelques concessions que la Porte avait accordées en faveur des Latins de Terre-sainte. On reconnut bientôt que la Russie ne cherchait qu'un prétexte pour étendre une sorte de protectorat sur tous les sujets du sultan professant la religion grecque, notamment dans les provinces européennes de l'empire ottoman. La France et l'Angleterre comprirent que la Russie voulait arriver à dominer sur la mer Noire, et à diriger les résolutions du divan de Constantinople. Or, il appartenait aux deux grandes puissances occidentales de l'Europe de faire prévaloir, en cette circonstance l'empire du droit et de la justice: en ouvrant la session législative de 1854, l'empereur Napoléon III avait dit, que l'Europe ne doutait plus que si la France croyait devoir tirer l'épée c'est qu'elle y était contrainte, qu'il n'y avait chez elle aucune pensée d'agrandissement et qu'elle voulait uniquement résister à des empiétements dangereux.2)

4) Ou Menzikoff.

2) V. Phases et causes célèbres du droit maritime des nations. T. II, p. 583.

CUSSY, PRÉCIS HISTORIQUE.

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La France et l'Angleterre devinrent les alliées de la Turquie elles déclarèrent la guerre à la Russie: la Sardaigne joignit, peu de temps après, ses forces à celles que la France et la Grande-Bretagne avaient envoyées en Crimée. L'Autriche, d'accord avec la Turquie, envoya quelques divisions dans les principautés danubiennes, moldo-valaques, d'où elles ne sortirent qu'après de longues négociations: la Prusse

resta neutre.

Les résultats de cette guerre sont connus: malgré le courage admirable dont les troupes russes ont fait preuve, le succès ne couronna que bien rarement leurs efforts: plusieurs grandes victoires furent remportées par l'armée française à l'Alma, le 20 Septembre 1854, à Balaclava, le 26 Octobre, à Inkermann, le 5 Novembre, à Eupatoria dans le mois de Février 1855 (et une seconde fois, sur le même point dans le mois de Septembre suivant), à la Tchernaïa le 16 Août 1855; enfin la prise de la tour Malakoff et de Sébastopol le 8 Septembre de la même année. Cette dernière victoire détermina le nouvel empereur, Alexandre II,1) à écouter les propositions qui lui furent faites.

Un congrès pour la paix fut ouvert à Paris le 23 Mars 4856: dès le 30, le traité fut signé par les plénipotentiaires des sept puissances qui y étaient représentées, l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie, la Sardaigne et la Turquie.

4) L'empereur Nicolas Ier, son père, était mort à St.-Pétersbourg le 2 Mars 1855.

2) A cette occasion nous croyons à propos de rappeler qu'il résulte d'une circulaire du 28 Avril 1855, de Mr. le comte de Nesselrode, que le protectorat de la Russie n'a jamais été accordé à cette puissance par les traités. «Trop longtemps, écrivait ce ministre, <«<l'opinion publique a dénoncé cet état de choses » (l'intervention de la Russie dans les principautés) «à la haine de l'étranger sous «<le nom de protectorat russe.» Mais, dirons-nous, si le protectorat n'existait pas en droit, la Russie ne l'a-t-elle pas exercé de fait par la

Nous faisons suivre ici le texte de ce traité mémorable, ainsi que la déclaration du 16 Avril, y annexée.

Traité de paix entre la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Sardaigne et la Porte ottomane d'une part, et la Russie de l'autre part, signé avec la participation de la Prusse, à Paris le 30 Mars 1856.

Au nom de Dieu Tout-Puissant.

LL. MM. l'empereur des Français, la reine du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, l'empereur de toutes les Russies, le roi de Sardaigne et l'empereur des Ottomans, animés du désir de mettre un terme aux calamités de la guerre, et voulant prévenir le retour des complications qui l'ont fait naître, ont résolu de s'entendre, avec S. M. l'empereur d'Autriche, sur les bâses à donner au rétablissement et à la consolidation de la paix, en assurant, par des garanties efficaces et réciproques, l'indépendance et l'intégrité de l'empire ottoman.

A cet effet, leursdites majestés ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir:

S. M. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS:

Le sieur Alexandre, comte Colonna Walewski, etc.

Et le sieur François-Adolphe, baron de Bourqueney, etc.

S. M. L'EMPEREUR d'AUTRICHE:

Le sieur Charles-Ferdinand, comte de Buol-Schauenstein, etc.
Et le sieur Joseph-Alexandre, baron de Hübner, etc.

S. M. LA REINE DU ROYAUME-UNI DE LA GRANDE-BRETAGNE ET D'IRLANDE:

Le très-honorable George-Guillaume-Frédéric, comte de Clarendon,

baron Hyde de Hindon, etc.

Et le très-honorable Henri-Richard-Charles, baron Cowley, etc.

S. M. L'EMPEREUR DE TOUTES LES RUSSIES:

Le sieur Alexis, comte Orloff, etc.

Et le sieur Philippe, baron de Brunnow, etc.

pression que ses agents diplomatiques exerçaient sur l'administration des hospodars?

S. M. ROI De Sardaigne:

Le sieur Camille-Benso, comte de Cavour, etc.

Et le sieur Salvator, marquis de Villamarina, etc.

ET S. M. L'EMPEREUR DES OTTOMANS:

Mouhammed-Emin-Aali-Pacha, etc.

Et Mehemmed-Djemil-Bey, etc.

Lesquels se sont réunis en congrès à Paris.

L'entente ayant été heureusement établie entre eux, LL. MM. l'empereur des Français, l'empereur d'Autriche, la reine du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, l'empereur de toutes les Russies, le roi de Sardaigne et l'empereur des Ottomans, considérant que, dans un intérêt européen, S. M. le roi de Prusse, signataire de la convention du treize Juillet mil huit cent quarante et un, devait être appelée à participer aux nouveaux arrangements à prendre, et appréciant la valeur qu'ajouterait à une œuvre de pacification générale le concours de S. M., l'ont invitée à envoyer des plénipotentiaires au congrès.

En conséquence, S. M. LE ROI DE PRUSSE a nommé pour ses plénipotentiaires, savoir:

Le sieur Othon-Théodore, baron de Manteuffel, etc.

Et le sieur Maximilien-Frédéric-Charles-François, comte de HatzfeldtWildenbourg-Schoenstein, etc.

Les plénipotentiaires, après avoir échangé leurs pleins-pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants:

Art. 1er. Il y aura, à dater du jour de l'échange des ratifications du présent traité, paix et amitié entre S. M. l'empereur des Français, S. M. la reine du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, S. M. le roi de Sardaigne, S. M. impériale le sultan, d'une part, et S. M. l'empereur de toutes les Russies, de l'autre part, ainsi qu'entre leurs héritiers et successeurs, leurs états et sujets respectifs, à perpétuité.

2o La paix étant heureusement rétablie entre L. M., les territoires conquis ou occupés par leurs armées, pendant la guerre, seront réciproquement évacués.

Des arrangements spéciaux régleront le mode de l'évacuation, qui devra être aussi prompte que faire se pourra.

3o S. M. l'empereur de toutes les Russies s'engage à res

tituer à S. M. le sultan la ville et citadelle de Kars, aussi bien que les autres parties du territoire ottoman, dont les troupes russes se trouvent en possession.

4o LL. MM. l'empereur des Français, la reine du royaumeuni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, le roi de Sardaigne et le sultan s'engagent à restituer à S. M. l'empereur de toutes les Russies les villes et ports de Sébastopol, Balaklava, Kamiesch, Eupatoria, Kertch, Ieni-Kaleh, Kinburn, ainsi que tous autres territoires occupés par les troupes alliées.

5o LL. MM. l'empereur des Français, la reine du royaumeuni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, l'empereur de toutes les Russies, le roi de Sardaigne et le sultan accordent une amnistie pleine et entière à ceux de leurs sujets qui auraient été compromis par une participation quelconque aux événements de la guerre, en faveur de la cause ennemie.

Il est expressément entendu que cette amnistie s'étendra aux sujets de chacune des parties belligérantes qui auraient continué, pendant la guerre, à être employés dans le service de l'un des autres belligérants.

6o Les prisonniers de guerre seront immédiatement rendus de part et d'autre.

70 S. M. l'empereur des Français, S. M. l'empereur d'Autriche, S. M. la reine du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, S. M. le roi de Prusse, S. M. l'empereur de toutes les Russies et S. M. le roi de Sardaigne déclarent la sublime Porte admise à participer aux avantages du droit public et du concert européens. LL. MM. s'engagent, chacune de son côté, à respecter l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'empire ottoman, garantissent en commun la stricte observation de cet engagement, et considéreront, en conséquence, tout acte de nature à y porter atteinte comme une question d'intérêt général.

8o S'il survenait, entre la sublime Porte et l'une ou plusieurs des autres puissances signataires, un dissentiment qui menaçât le maintien de leurs relations, la sublime Porte et chacune de ces puissances, avant de recourir à l'emploi de la force, mettront les autres parties contractantes en mesure de prévenir cette extrémité par leur action médiatrice.

9o S. M. impériale le sultan, dans sa constante sollicitude

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