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La nuance également proposée par la Prusse de regarder le traité du 15 novembre comme un acte préliminaire, ne me paraît d'un autre côté point pratique.

Nous proposons que les cinq Cabinets suspendent les ratifications du traité du 15 novembre et qu'ils s'appliquent dans l'entre-temps, avec sollicitude, à rapprocher les deux parties contendantes. Nous croyons cette forme pratique et utile, en ce qu'elle maintient les Cours sur un même terrain, et qu'elle n'écarte pas l'action de la conférence de Londres du point central de l'affaire, et qui devra rester tel, malgré les graves fautes qui tombent à sa charge.

L'esprit éclairé de M. le comte Pozzo devra lui faire comprendre que dans notre attitude il ne se trouve rien qui nous éloignerait du vœu de voir avant tout la Russie, la Prusse et l'Autriche se maintenir sur une seule et même ligne de pensées et d'action, et d'empêcher qu'il ne s'établisse, à l'égard de l'affaire belge, quelque divergence dans l'attitude politique, pour le moins dans l'attitude ostensible des cinq Cours.

Il nous est impossible de faire une proposition positive avant de savoir ce qui se sera passé à Londres, à la suite de la connaissance que l'on y aura acquise du refus catégorique de l'Empereur de Russie de consentir à quoi que ce soit avant le Roi des Pays-Bas. Mais si je ne me trompe, notre idée convient à toutes les éventualités, et si le Roi des Belges devait se plaindre, sa voix serait sans valeur le jour où les cinq Cours se seraient prononcées sur une marche uniforme à suivre par elles.

Je m'adresse à M. le comte Pozzo, parce que je ne doute pas qu'il ne partage ma façon de voir dans l'affaire sans fin que nous débattons. Il est impossible que les ministres français ne soient pas effrayés de la tournure qu'elle vient de prendre, et de bons conseils peuvent ainsi leur devenir utiles. Nous ressentons dans cette affaire le mal des grandes distances; si les Cabinets de Vienne et de Berlin étaient plus rapprochés de celui de Saint-Pétersbourg, bien des choses difficiles à traiter à distance changeraient de caractère. Il m'est prouvé qu'entre les trois Cours il n'existe pas une nuance qui ait la

valeur d'une divergence entre leurs sentiments et leur jugement sur l'affaire belge, et il n'est pas moins difficile pour elles de ne pas prêter au préjugé du contraire. Le fait tire uniquement sa source de la distance qui les sépare. Une question qui devra bientôt fixer l'attention des Cabinets d'une manière sérieuse, c'est l'épouvantable anarchie morale à laquelle se trouve exposée la Suisse. Je vous ai déjà parlé de ce pays, j'y reviendrai incessamment. Si, comme je n'en doute pas, l'affaire romaine est bientôt terminée, le moment sera opportun pour s'occuper de la Suisse. Les intérêts révolutionnaires sont tellement liés entre eux, qu'une défaite à droite retombe sur le centre et sur la gauche. Nous avançons dans les affaires allemandes, et j'espère que le succès ne nous manquera pàs.

Vu la gravité de tant d'intérêts, je vous prie de bien faire comprendre à M. le comte Pozzo que nous devons tous attacher un grand intérêt à ce que l'attitude générale des puissances ne subisse pas un échec.

L'EXALTATION DE GRÉGOIRE XVI AU TRÔNE PONTIFICAL.

1016. Metternich à Lützow, à Rome (E. D.). Vienne, le 12 février 1831.

1016. Vos derniers rapports m'annoncent la nouvelle de l'exaltation de Mgr le cardinal Capellari à la papauté.

Je n'ai pas besoin de vous assurer, Monsieur le Comte, qu'aucun choix qu'eût pu faire le Sacré Collége n'aurait été plus agréable à notre auguste Maître que celui qui vient d'avoir lieu. Votre Excellence en a la preuve en main, et elle n'ignore pas que si notre Cour, par un effet de son respect pour la liberté des suffrages, ainsi que de sa confiance dans la sagesse du conclave, s'est abstenue scrupuleusement de toute manifestation d'une prédilection personnelle quelconque, le nom de Capellari se trouvait néanmoins au fond de nos espérances et de nos vœux.

Au reste, on se tromperait si l'on pouvait penser que la

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circonstance que Grégoire XVI appartient à l'Autriche par sa naissance, soit ce qui nous fait surtout applaudir à son exaltation. Un Souverain Pontife tel que lui sait trop bien, — et nous sommes trop justes pour désirer qu'il l'oublie jamais, — que, comme prince temporel, ses premières affections appartiennent à son peuple, et que, comme chef de l'Église, les fidèles, de quelque nation qu'ils soient, sont tous indistinctement ses enfants. Ainsi donc, exempts de toute arrière-pensée, s'il pouvait y avoir dans la circonstance susdite quelque chose dont nous pussions nous féliciter, ce serait uniquement d'y trouver une preuve éclatante de la justice que le Sacré Collége a rendue aux vues pures et généreuses de notre Cour, en même temps qu'aux vertus de celui qu'il vient d'élever à la papauté, en reconnaissant dans les unes et les autres des garanties devant lesquelles doivent se taire l'esprit de parti et ses injustes préventions.

Votre Excellence a eu une trop grande part dans cet hommage rendu à la politique franche et loyale de l'Autriche, par la manière dont elle a su se rendre dans cette occasion l'organe fidèle des sentiments de notre auguste Maitre, pour que je ne sois pas heureux d'avoir à lui en témoigner ici la satisfaction de Sa Majesté...........

La lettre ci-jointe, que je prie Votre Excellence de vouloir bien remettre à Mgr le cardinal Albani, est une réponse à celle que vous m'avez transmise de sa part. Je conçois que sa position ait été difficile et souvent pénible dans le conclave, et je rends une entière justice à la manière dont il a su remplir encore cette fois la commission délicate qui lui a été conférée, et dans laquelle il a été si bien secondé par son digne collègue Mgr le cardinal Gaisruck *.

* Les cardinaux Albani et Gaisruck avaient été chargés de soutenir les intérêts de l'Autriche. Leur tâche principale pendant le conclave consistait à empêcher, le cas échéant, le choix d'un cardinal désagréable, en usant du droit d'exclusion. (Note de l'Éditeur.)

EXPLOSION ET CARACTÈRE BONAPARTISTE DE LA RÉVOLUTION A MODÈNE ET DANS LES ÉTATS DE L'ÉGLISE.

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1017. Historique des mouvements révolutionnaires qui se sont produits à Modène et dans les États de l'Église. Vienne, le 14 février 1831 ( Annexe du no 1018). 1018. Metternich à Apponyi, à Paris (D. rés.). Vienne, le 15 février 1831. — 1019. Metternich à Apponyi, à Paris (D. secr.). Vienne, le 15 février 1831. — 1020. Metternich à Apponyi (D.). Vienne, le 19 février 1831. — 1021. Joseph Bonaparte à Metternich (Lettre). PointeBreye, le 9 octobre 1830 (Annexe du no 1020).

1017. L'Italie, tranquille jusqu'au commencement de février, vient enfin de payer son tribut au principe révolutionnaire; ce sont le duché de Modène et les États du Pape qui ont les premiers levé l'étendard de la rébellion.

A Modène, le Gouvernement était informé d'une conspiration dirigée contre la personne du duc; il fut averti que le complot devait éclater le jeudi 3 février, et les mesures de précaution furent prises en conséquence. Effectivement, vers sept heures du soir, des coups de sifflet se firent entendre sur divers points, et les conjurés, étrangers pour la plupart à la ville de Modène, se dirigerent en silence vers la maison Menotti. Mgr le duc de Modène pouvait compter sur la fidélité et le dévouement de la troupe; aussi, après avoir placé dans la citadelle une force suffisante pour la garantir d'un coup de main, Son Altesse Royale fit avancer sans bruit un détachement de dragons et de pionniers, qui cerna la maison Menotti. Dès qu'elle fut investie, les conjurés furent sommés de se rendre; ils répondirent à cette sommation en faisant un feu très-vif de toutes les fenêtres. Les dragons et les pionniers ripostèrent, et táchèrent d'enfoncer la porte. Une compagnie du bataillon de ligne vint à leur secours, mais le feu des conjurés continuait toujours, lorsque Mgr le duc de Modène arriva en personne sur les lieux et somma de nouveau les rebelles, à quoi ces derniers ayant répondu par des coups de fusil, Son Altesse Royale fit tirer le canon contre la maison, dont les murs menaçaient déjà de crouler, lorsque les conjurés s'écrièrent: Mise

ricordia e vita in dono! La réponse de Mgr l'archiduc fut : Con rebelli non tratto. Les conspirateurs se rendirent alors à discrétion, au nombre de quarante-quatre.

La population de Modène était restée parfaitement étrangère à cette entreprise; mais la conspiration avait des ramifications très-étendues dans plusieurs villes et bourgades du pays. Une tentative avait été faite quelques jours auparavant, mais comprimée par la troupe, à Reggio; dès le 4, cette ville était en pleine révolution. A Sassuolo, à Carpi, les conspirateurs comptaient beaucoup d'adhérents, qui prirent les armes contre la troupe ; ils furent déroutés en ne voyant pas le signal convenu avec les conjurés de Modène, et ne purent empêcher l'arrestation de plusieurs coupables. Le duc de Modène apprenant toutefois que l'esprit révolutionnaire se propageait dans les campagnes et avait éclaté à Mirandola, à Bastiglia et surtout à Reggio, sachant enfin que Bologne et la Romagne allaient se soulever, Son Altesse Royale sentit que l'exiguïté de ses forces ne pouvait faire tête à l'orage, et elle se retira à Mantoue avec sa famille, après avoir assigné aux différents corps les meilleures positions à occuper dans la direction des frontières autrichiennes en attendant des secours suffisants. Le 6, tout était tranquille dans Modène; mais il paraît que sur d'autres points du duché on aurait essayé d'organiser un soi-disant Gouvernement provisoire degli Stati Estensi.

La révolution de Modène n'est point un fait isolé; c'est un épisode de la vaste conspiration qui embrasse l'Italie entière; c'est le signal d'un embrasement que leurs auteurs veulent rendre général. On pourrait en fournir une foule de preuves, mais la simultanéité des révoltes qui viennent d'éclater dans les États du Pape rend toute preuve superflue.

A Bologne, la conspiration a fait son explosion une heure après la nouvelle de l'élection de Grégoire XVI. Le pro-légat a été forcé de céder, et un Gouvernement provisoire, composé du comte Pepoli (gendre de Murat), de MM. Confalonieri, Bevilacqua, Ocioli, Vicini et Salviani, s'est organisé et a arboré la cocarde tricolore (rouge, verte et blanche). Ferrare s'est empressée de suivre cet exemple; la troupe

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