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nous-mêmes; non que nous l'envisagions comme le meilleur, mais parce que, après avoir pris en la plus mûre considération, d'une part la situation réelle des choses en Belgique, et de l'autre les facultés et les dispositions des deux États le plus directement et même les seuls appelés à une intervention militaire instantanée, nous avons dù le juger comme le moyen le plus pratique.

Si notre pensée a ainsi coïncidé avec celle de M. le duc de Wellington, nous ne pouvons, d'un autre côté, que regretter fortement le choix de la forme, et je dirai même le manque de forme qu'il a mis dans sa marche. Nous croyons aussi que le Gouvernement français ne saurait être écarté de la participation à des débats relatifs à la pacification de la Belgique, mais nous étions en droit de nous attendre que le Cabinet britannique ne placerait pas la France sur la première ligne de l'action, et que, pour le moins, lord Aberdeen eût été chargé d'ajourner les démarches que le Gouvernement anglais ferait à Paris, jusqu'au moment où il aurait pris en considération avec les représentants des Cours alliées à Londres le plan que le Cabinet anglais se propose de suivre.

Les rapports qui arrivent de France sont unanimes sur le fait de la terreur qu'y inspire la seule possibilité d'une brouille avec l'Angleterre. Combien n'est-il pas regrettable que ce soit justement le seul Cabinet en situation de placer un poids réel dans la balance de la conservation de la paix générale, qui n'ait pas le sentiment de son pouvoir! Cette déplorable circonstance s'explique sans doute par le manque de prévoyance et de ce véritable esprit politique qui de son essence est préventif, et dont l'Angleterre est en général dépourvue; mais le fait n'en est pas moins regrettable.

Veuillez, mon prince, vous servir du contenu de la présente dépêche dans le double but de vous pénétrer de l'esprit qui me l'a dictée, lequel est en même temps tout à fait celui de notre auguste Maître, et d'y puiser des arguments à faire valoir dans vos entretiens avec les ministres anglais.

Metternich à Wessenberg, à La Haye (D.). Presbourg, le 21 octobre 1830.

978. Je vous envoie ci-joint une expédition pour notre ambassadeur à Londres (n° 976 et 977), et je prie Votre Excellence de procurer au courrier qui en est porteur le passage le plus prompt et le plus sûr pour l'Angleterre. Je le fais passer par La Haye, dans le double but de vous mettre à même, Monsieur le baron, de prendre connaissance de l'expédition que j'adresse à M. le prince Esterhazy, et d'éviter les hasards. de la route par la France.

Les instructions que vous avez emportées d'ici, Monsieur le baron (n° 975), ne répondent plus qu'imparfaitement à la position dans laquelle se trouvent placées aujourd'hui les affaires dans le Royaume des Pays-Bas. Alors la chance d'un accommodement qui n'aurait emporté que la séparation de l'administration proprement dite des deux parties du Royaume, a pu être prise en considération par nous. Aujourd'hui que le maximum des concessions d'alors se trouve ne plus être que le minimum de celles que semblent exiger d'impérieuses circonstances, vous ne pourrez plus vous arrêter qu'aux principes fondamentaux qui ont servi de point de départ et d'arrivée au travail que vous avez emporté.

La séparation entre les deux parties du Royaume a été prononcée par les états généraux.

Le Roi a envoyé le prince d'Orange à Anvers, muni des pouvoirs les plus étendus.

La Cour de Londres a en vue une négociation à laquelle les Cours alliées et la France devront prendre part.

Je ne crois pas nécessaire de vous envoyer copie des derniers rapports que M. le prince Esterhazy nous a adressés sur les affaires de la Belgique, car l'ambassadeur d'Angleterre à La Haye sera à même de vous fournir des données plus récentes et plus complètes.

Vous voudrez bien, Monsieur le baron, vous pénétrer des points de vue suivants, et les regarder comme la règle invariable de votre conduite :

1° Dans le naufrage que vient de faire le Roi des Pays-Bas, il s'agira de sauver, dans l'intérêt de sa Couronne comme dans celui du maintien de cet état d'équilibre établi par les grandes transactions européennes, ce qui pourra être sauvé. Rechercher ce qui n'offre pas de chances de réussite, ce serait perdre un temps précieux pour le salut de la chose publique. La pensée des puissances et celle de Sa Majesté Néerlandaise elleméme devront ainsi se fixer sur le seul terrain pratique.

2° Nous regardons comme appartenant à ce terrain tout ce qui aura pour objet :

a. De conserver à la création des puissances la valeur d'un contre-poids à des vues ambitieuses de la France, et d'empêcher que la Belgique, soit la Belgique, soit par son incorporation formelle à la France, soit par une indépendance qui ne serait que nominale, ne fasse partie du domaine politique de cette puissance;

b. D'asseoir les rapports futurs entre les deux parties ci-devant unes et indivisibles du Royaume des Pays-Bas sur des bases qui puissent assurer autant que possible le repos intérieur de ces mêmes parties, et établir entre elles des liens naturels.

3° L'application de ces principes ne pouvant avoir lieu qu'au moyen d'une prise en considération impartiale, franche et sérieuse entre les puissances alliées, la France et Sa Majesté Néerlandaise elle-même, et le seul moyen possible pour arriver à une entente se trouvant dans une conférence, Votre Excellence prendra part à toute délibération qui à ce sujet serait établie à La Haye. Si une conférence devait être formée à Londres, vous aurez soin également, Monsieur le baron, de vous maintenir sur la ligne la plus serrée possible avec MM. vos collègues de Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie. C'est conjointement avec eux que vous établirez et réglerez utilement vos relations avec M. l'envoyé de France.

C'est à ces courtes maximes que je viens d'énoncer que doit se borner notre instruction supplémentaire, la seule qu'il nous soit possible de vous donner. Les vérités, dans les graves intérêts que vous êtes appelé à défendre, sont tellement claires

et patentes, que ce n'est pas à un homme d'État de votre expérience qu'il pourrait sembler nécessaire de prescrire, autrement que par une indication sommaire, la marche que vous devrez suivre pour assurer le bien encore possible, là où le mal a déjà dépassé les bornes de tout calcul antérieur. Vous savez ce que depuis longtemps, ce que de tout temps même, nous avons auguré du sort du Royaume des Pays-Bas; vous connaissez le pronostic que nous avons tiré des nombreuses erreurs auxquelles s'était abandonné le Gouvernement, et des dangers dont se trouvait menacée son existence par les éléments que le Roi s'était plu à caresser et dans lesquels il a commis l'erreur de chercher un gage pour le repos et parfois même pour l'extension de son pouvoir. Si je n'ai rien à vous apprendre sur le jugement que nous avons porté sur le passé, il en est de même des vœux que nous formons pour l'avenir.

MISSION D'ORLOFF A LA RÉSIDENCE IMPÉRIALE DE PRESBOURG*.

le

979. Mémoire de Metternich pour le comte Orloff, daté de Vienne, 6 octobre 1830. 980. Metternich à Ficquelmont, à Saint-Pétersbourg (E. D.). Vienne, le 13 octobre 1830. 981. Metternich à Ficquelmont, à Saint-Pétersbourg (E. D. confident.). Vienne, le 13 octobre 1830. 982. Metternich à Esterhazy, à Londres (E. D.). Vienne, le 21 octobre 1830.

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979. A aucune époque de l'histoire moderne, la position dans laquelle s'est trouvé le corps social n'a présenté plus de dangers que par suite du bouleversement qui vient d'avoir lieu en France. La véritable et, nous n'hésitons pas à le dire, la dernière ancre de salut qui reste encore à l'Europe, se trouve dans un accord entre les grandes puissances, fondé sur les bases conservatrices de leur grande et heureuse alliance.

Le but ostensible de cette mission était d'assister à l'acte solennel du couronnement de l'Archiduc prince héritier Ferdinand comme Roi de Hongrie, et de montrer par là d'une manière éclatante la vive part que l'Empereur de Russie prenait à un événement si heureux pour toute la Monarchie autrichienne. (Note de l'Éditeur.)

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L'existence de cet accord, pour être efficace dans ses effets, devra être clairement démontrée aux yeux de l'Europe entière. Ce n'est qu'ainsi qu'il pourra prêter des forces salutaires à ceux qui sont en état de maîtriser les dangers dont nous sommes entourés, arrêter ceux qui se voient entraînés vers l'abîme, et, en imposant aux perturbateurs, servir de frein aux factions qui, soit par folie, soit par erreur, menacent d'ensevelir sous des ruines la paix et la prospérité des Empires.

Bien qu'une entente entre les principales puissances de l'Europe n'ait point eu lieu dans les premiers moments qui ont suivi la chute de la Maison régnante en France, les Monarques n'ont pas tardé à prendre une même attitude diploinatique. Il ne reste plus ainsi qu'à assurer, par une même action morale de leur part et par une sage prévision, les chances de l'avenir. Notre pensée à ce sujet porte sur les points suivants :

1° L'influence extraordinaire que la révolution de Juillet a exercée sur les esprits bien au delà des frontières de France, est démontrée par des faits journaliers.

Cette influence est, par plus d'une raison, bien autrement décisive que ne le fut et que ne pouvait l'être celle de la révolution de 1789. Que de séductions n'ont pas été employées, depuis cette époque déjà reculée, sur la masse des peu les! La génération tout entière a été nourrie des dogmes du libéralisme; trop jeune pour avoir été témoin des désastres passés, la génération nouvelle a été induite à regarder l'ordre public, que des efforts immenses ont seuls pu rétablir, comme la conséquence naturelle d'une première révolution qui n'aurait été dirigée que contre des abus odieux, restes de temps barbares!

La Restauration n'a, en réalité, marché en France que dans les voies de la faiblesse, tandis que sous l'égide de cette même Restauration, plus d'un Gouvernement a cru pouvoir acquérir de la popularité en abandonnant, ou pour le moins en laissant flotter les rênes du pouvoir. Quelle différence, d'un autre côté, n'existe-t-il pas entre l'action de l'ancienne et absurde propagande, et le réseau que des sectaires mieux avisés ont, depuis longtemps déjà, su étendre sur l'Europe entière!

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