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Sa Majesté m'y a habitué. Je la prie de se pénétrer de la vérité que la question n'est pas celle du voyage, mais bien celle de l'époque.

Le duc d'Orléans peut être certain de la réception la plus amicale de la part de l'Empereur et de son auguste famille. C'est à la haute sagesse du Roi qu'appartient la décision.

25 février.

J'espère que la lettre que je vous adresse aujourd'hui mettra un terme au projet de voyage pour cette année, et qui gagne du temps gagne quelque chose. Que veut et que doit vouloir le Roi? Il doit viser à effacer les aspérités inhérentes à la nouvelle dynastie française, dont les bases sont en opposition flagrante avec celles des autres Maisons régnantes. Or ce miracle ne peut être opéré que par le temps; vouloir gagner sur lui n'est pas toujours au pouvoir des hommes. M. de Sainte-Aulaire part du point de vue que si nous ne voulions pas de l'arrivée du prince, nous le dirions. C'est mal juger l'attitude politique d'un Cabinet raisonnable que de croire à un aveu pareil; aussi est-il faux que nous ne voulions pas; nous ne désirons pas, voilà tout. Ce qui serait raisonnable, ce serait que l'on pensát à Paris comme à Vienne.

Dans le fond de cette pensée il n'y a rien qui ressemble à de l'inimitié ni même à de la roideur; il ne s'y trouve qu'un calcul fait à froid, et qui repose sur les chances de désagréments et de compromissions que les factions ne manqueront certainement pas d'utiliser dans leur intérêt, intérêt qui n'est ni celui de Vienne ni celui de Paris. Si, sans le craindre, nous n'aimons pas à être charivarisés, nous aimons encore moins à être l'objet d'un débat parlementaire. Que dirons-nous si nous sommes loués ou injuriés à tort? Nous tairons-nous ou parlerons-nous? Dans le premier cas, nous assumerons sur nous bien des torts; dans le second, nous aurons l'air de nous avouer coupables des imputations charivariques, etc., etc.

Que le Roi, au reste, fasse ce qu'il trouvera bon de faire. On n'a encore jamais dit à un prince: Ne venez pas.

26 février.

1183. Je suis charmé de pouvoir ajouter encore quelques bonnes nouvelles à ma dépêche de ce jour. Je vous envoie cijoint un billet que je reçois en ce moment du premier médecin de l'Empereur, et vous verrez que le troisième jour de la maladie de Sa Majesté est bien meilleur que ne l'avait été la seconde journée.

C'est l'Empereur qui a exigé qu'on lui donnât la communion. Les médecins n'y pensaient point.

J'espère que des crises salutaires mettront un terme à la maladie, qui, jusqu'à cette heure, n'a d'alarmant que le

nom.

Convaincu que la Reine prendra le plus vif intérêt à l'état de l'auguste malade, je vous prie d'assurer Sa Majesté que ce que je vous mande est conforme à la plus stricte vérité.

14 mars.

1184. Votre lettre du 7 de ce mois renfermait un exposé si clair de vos sentiments, que je n'ai pas besoin de vous assurer combien elle a trouvé d'écho dans mon âme. Quel coup la divine Providence nous a porté! Impénétrable, et toujours adorable dans ses décrets, il est du devoir des hommes de courber la tête et d'obéir. Aussi n'ai-je pas perdu un seul instant à gémir sur un malheur que nulle force humaine n'eût pu empêcher. Mon temps comme mes facultés ont été employés à servir le nouveau Monarque et l'État dans la direction qui répond à l'intérêt de l'un et de l'autre.

La Monarchie offre en ce moment un spectacle imposant. Rien n'est admirable comme le calme et la confiance universelle qui règnent dans toutes les classes de la nation. Ces sentiments reposent sur la certitude que rien dans les principes ni dans la marche ne sera changé sous le nouveau règne.

L'attitude de Vienne et celle du pays tout entier frappent d'étonnement les étrangers. Vous-même, mon cher comte, si

vous pouviez vous transporter ici, éprouveriez la même impression. Tout va comme si rien n'était arrivé, et cet heureux résultat, on le doit assurément au caractère du nouveau Monarque et à la raison qui prédomine dans l'esprit de nos peuples.

Veuillez tâcher d'empêcher, par des raisons que vous trouverez tout naturellement dans le deuil de cœur de la famille impériale, que Louis-Philippe ne nous envoie ici un prince de sa famille. Qu'il laisse prendre quelque haleine au nouvel Empereur. Je me flatte que l'idée ne lui en viendra pas; ce qui a fait naître ici celle d'un envoi pareil, c'est l'arrivée du prince Guillaume, fils du Roi de Prusse. Celui-ci a été reçu à bras ouverts; mais aussi quelle différence de position !

Je suis charmé que M. de Sainte-Aulaire nous revienne sans retard. C'est tout ce qu'il faut pour marquer l'empressement de la Cour de France.

Nous allons incessamment envoyer aux grandes Cours des personnes de marque chargées de remettre les notifications formelles de l'avénement du nouveau Monarque. La Cour de France est au nombre de celles qui recevront une mission pareille, et j'ai tout lieu de croire que le choix de Sa Majesté tombera sur M. le prince de Schoenburg. Les autres personnes déjà désignées sont le prince Louis de Liechtenstein pour Londres, le prince Adolphe de Schwarzenberg pour Berlin, et le prince Charles de Liechtenstein (le général) pour SaintPétersbourg *

* On trouvera dans le Livre VIII la suite de ces lettres confidentielles de l'année 1835. (Note de l'Éditeur.)

LA POLITIQUE DES DEUX PUISSANCES OCCIDENTALES EN ESPAGNE.

1185. Metternich à Apponyi, à Paris (E. D. rés.). Vienne, le 8 janvier 1835. 1186. Metternich à Hummelauer, à Londres (E. D.). Vienne, le 8 janvier 1835.

1185 .... M. de Sainte-Aulaire m'a demandé ce qu'il pourrait dire au Roi de mon opinion sur les affaires d'Espagne*. Je l'ai remercié de m'avoir adressé cette question, et je l'ai assuré que ma réponse serait aussi courte que précise : « Je ne sais point changer de manière de voir là où les choses ne prêtent point à un changemeut. Je trouve que l'Espagne est exposée aujourd'hui aux mêmes dangers auxquels j'ai jugé qu'elle l'était le jour où le Roi Ferdinand a commis la faute immense de changer la loi de succession, ce qu'il n'avait pas plus le droit de faire que tout autre Souverain lié par une pragmatique. L'Espagne est et continuera à être divisée en deux partis, le parti religieux et monarchique, et le parti révolutionnaire et irréligieux. C'est Don Carlos qui représente sans aucun doute le premier de ces partis; et c'est la Reine qui sert de drapeau et de masque au second, et qui par conséquent n'est personnellement rien dans la grande et malheureuse lutte à laquelle est livré le Royaume. La France, si elle est sage, n'a qu'une ligne de politique à suivre à l'égard de l'Espagne, et cette ligne est la même que celle que nous suivons à l'égard de la Porte Ottomane. Lorsqu'une grande puissance a pour voisin, du seul côté où elle peut être attaquée, État tombé dans la faiblesse et dont elle ne peut ni se faire un allié utile ni attendre des' secours, tout ce que peut désirer la puissance de premier ordre, c'est que son voisin ainsi affaibli ne soit point en situation de lui nuire. Ce but ne sera certainement jamais plus efficacement atteint que lorsque la puissance forte n'aura point à s'occuper de son faible voisin. L'Espagne monarchique, ou ce qui est équivalent, l'Espagne

un

* Sainte-Aulaire était sur le point de partir pour Paris, et c'est à l'occasion de la visite d'adieu qu'il fit au chancelier d'État, que la conversation citée ci-dessus eut lieu. (Note de l'Éditeur.)

placée sous le Gouvernement de Don Carlos, n'offre aucun danger pour la France, car en supposant même que l'avénement de ce Prince au trône de ses pères n'ait pas pour résultat immédiat la pacification du pays, ce qui est certain, c'est que le principe que défend Don Carlos a une bien autre force que celui que ne représentent même pas et que ne sauraient représenter un enfant à peine sorti du berceau et une tutrice aussi faible que la Reine Christine. Il ressort de ces vérités que le triomphe de la faction révolutionnaire en Espagne réagira pendant longtemps encore et d'une manière dangereuse sur l'intérieur de la France, et affaiblira nécessairement la position de cette puissance vis-à-vis de l'étranger. C'est dans ce sens que je me suis constamment expliqué vis-à-vis du Roi Louis-Philippe, depuis le jour où ce Prince a confié à notre ambassadeur qu'à l'égard de l'Espagne il partageait en principe ma manière de voir, mais que sa gêne provenait de l'esprit de son Conseil et des engagements qu'il avait contractés; il ne me restait d'après cela plus rien à dire à ce sujet, car il est inutile de prêcher à des convertis. »

« Mais », reprit M. de Sainte-Aulaire, « en admettant l'existence de la gêne où se trouve le Roi, que lui conseilleriezvous de faire ? »

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Si j'avais l'avantage d'être placé en face de Sa Majesté, je lui dirais qu'en partant de la base qu'en principe nous sommes d'accord, je croyais pouvoir me dispenser de revenir sur la première cause du danger auquel Elle se trouve exposée par suite de la marche politique qu'a suivie antérieurement son Cabinet. Prenons les choses telles qu'elles existent. L'Espagne est engagée dans une lutte dont on ne saurait prévoir le terme, à moins que Don Carlos ne triomphe de la Révolution, lutte qui, par contre, si ce Prince succombe, prendra immanquablement l'essor que ses meneurs n'ont point osé lui donner jusqu'à cette heure. Vous avez signé un traité et vous avez eu la sagesse de borner votre rôle à celui d'une stricte neutralité; dès lors, soyez neutre, et pour l'être en effet, défendez à votre Gouvernement de prêter à l'une des parties contendantes des secours que vous enlevez à l'autre ou

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