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des notions les plus détaillées sur tout ce qui chez nous est déjà exécuté et sur ce qui va l'être. Les nouvelles les plus satisfaisantes nous arrivent de la Galicie. Cette grande province (elle renferme aujourd'hui une population de plus de cinq millions d'ames) est parfaitement tranquille, et pas un symptôme d'insurrection ne se fait sentir jusqu'à ce jour. Il en est de même des régiments galiciens. Il est permis d'espérer qu'à l'approche des forces russes, et par suite du découragement qui semble gagner les habitants du Royaume insurgé, les pays adjacents échapperont à des scènes de désolation.

Il est arrivé ici dans la journée beaucoup de lettres du commerce polonais, qui décommandent les envois de marchandises de toute espèce dans le Royaume. Elles affirment toutes que l'Empereur Nicolas a pris en fort mauvaise part les événements de Varsovie (expression assez curieuse pour signaler le fait), et s'inquiètent des dangers que, par suite de ces dispositions du Monarque, devra courir la Pologne.

Ce qui sera d'une haute importance, c'est que les Cabinets se rendent en temps utile un compte exact de ce qu'ils devront arrêter et faire, dans le cas du succès complet (et pour être tel, il devra être prompt) des opérations militaires russes.

Ce que la folie et l'audace aveugle auront enfanté, et ce que la force matérielle aura vaincu, devra consolider la force morale de la cause du bon ordre. Pour qu'il en soit ainsi, il faudra néanmoins, et il sera même de toute nécessité, que les Cours arrêtent leur marche d'une manière claire et précise; pour cela, elles devront avant tout faire choix d'une base.

J'aurai l'honneur de donner le développement requis à cette pensée et de la soumettre au jugement éclairé et bienveillant du Cabinet prussien. Il n'en existe aucun dont la situation offre une plus entière similitude avec la nôtre; et j'ose en même temps me flatter qu'en aucun lieu nos impressions et nos vues ne sont mieux saisies qu'à Berlin.

Metternich à Ficquelmont, à Saint-Pétersbourg (D.).
Vienne, le 31 décembre 1830.

990. J'ai reçu le 24 vos rapports du 14 décembre. Un immense et déplorable événement a signalé l'époque la plus récente. L'Empereur Nicolas l'a qualifié en peu de mots : il est le fruit de l'enseignement mutuel.

J'ai jugé devoir laisser s'écouler les tout premiers moments avant de vous adresser une expédition en règle. L'impression que l'insurrection de la Pologne ferait sur l'Empereur notre Maitre, l'attitude que, par suite de la catastrophe, prendrait Sa Majesté Impériale, et les décisions auxquelles on la trouverait toujours prête, ces faits, Monsieur l'ambassadeur, n'ont pu être mis en doute à Saint-Pétersbourg. Notre ligne de correspondance directe se trouvant coupée ou menacée, et Berlin offrant à la Cour de Russie la ligne d'informations la plus assurée, nous avons pu nous reposer sur l'exactitude de celles qui ne pouvaient manquer de vous parvenir par cette

voie.

La première nouvelle des événements de Varsovie dans la soirée du 29 novembre nous parvint le 3 décembre par la voie de Cracovie. Quelques jours plus tard, nous arriva le courrier Renard, qui, par un singulier hasard, était entré dans Varsovie le 29 novembre, au moment même où l'insurrection venait de commencer. Retenu pendant six jours dans cette ville, il avait néanmoins trouvé le moyen de sauver l'expédition dont il était porteur. Il nous l'a remise intacte. C'est par cette occasion que nous apprîmes les détails circonstanciés de l'événement et de ses premières suites.

Ces détails ne purent guère nous laisser un doute sur le fait que la révolution était l'œuvre d'un complot, un incendie occasionné par une mèche allumée jetée au milieu d'une masse inflammable de sa nature. Les pompiers ont été surpris, et ils nous semblent ne pas avoir fait leur devoir.

Tout ce qui depuis le premier moment, et dans une direction quelconque, est parvenu à notre connaissance, a été con

stamment porté par moi et sans retard à la connaissance de M. l'ambassadeur de Russie. Il n'aura pas manqué d'en rendre compte à sa Cour.

Vos rapports du 13 et du 14 décembre nous ont enfin fait connaître l'impression que l'œuvre criminelle a produite sur le Monarque, qui, en toute conscience, peut se livrer au sentiment d'avoir, dans une aussi déplorable occurrence, la raison et le bon droit en sa faveur. Ce que, dès le premier jour, l'élévation des sentiments de l'Empereur Nicolas a si énergiquement su exprimer, le succès de la plus juste des résolutions saura l'achever. Une catastrophe épouvantable devra ainsi finir par servir la cause des Rois et des peuples, si étrangement compromise dans nos temps de faiblesse, et par suite de calamités publiques et privées.

Je vous communique, Monsieur l'ambassadeur, les points les plus saillants d'un rapport de M. le baron d'Oechsner *, en date du 15 décembre. Il pourra avoir pour le Cabinet russe la valeur d'un contrôle pour les notions qui lui seront parvenues de divers côtés sur le développement progressif des événements. Je vous transmets aussi la traduction d'un aveu inséré dans les gazettes polonaises, et qui imprime à l'origine de la révolution un cachet conforme aux événements des années 1820 et 1821, en Espagne, à Naples et en Piémont. Les révolutions paraissent déchoir par rapport au rang de leurs fauteurs immédiats. Ce qui dans les années antérieures avait été entrepris et exécuté par trois lieutenants-colonels et par des hommes faits, a été en 1830 l'œuvre d'un sous-lieutenant et d'une tourbe d'écoliers et de cadets. La découverte que les événements du 29 et du 30 novembre dernier n'étaient pas le fruit d'une vaste conspiration nationale, a dù nous rassurer bientôt sur l'extension immédiate du feu de la révolution dans d'autres parties de l'ancien Royaume de Pologne. En effet, il ne nous est pas parvenu encore une seule nouvelle de quelque insurrection en dehors des frontières du nouveau Royaume. La Galicie en particulier se maintient dans un état (Note de l'Éditeur.)

* Consul général d'Autriche à Varsovie.

de complète tranquillité, et, sauf l'effet tout naturel que l'événement dans le pays voisin a dû produire sur cette province, nous n'avons jusqu'à présent découvert aucune trace, ni de complicité avec le mouvement étranger, ni de propension à l'imiter.

L'Empereur notre auguste Maître n'a pas perdu un moment pour ordonner les mesures les plus promptes et les plus propres à assurer le repos de ses États et à enrayer le mouvement dans les pays insurgés.

L'événement, pris dans son ensemble, est le résultat de mainte faute commise à l'époque de la pacification matérielle de l'Europe, et de l'esprit du temps présent. Ces fautes, Monsieur l'ambassadeur, personne n'en est exempt, et aujourd'hui les puissances ne doivent prendre à tache que de s'en souvenir, dans le but de se mettre en garde contre de nouvelles erreurs et de sauver tout ce qui leur appartient encore, à moins que la destruction de l'ancien ordre politique et administratif de la vieille Europe ne soit immuablement décrétée par la Providence.

LOUIS-PHILIPPE, ROI DES FRANÇAIS.

991. Notes autographes de Metternich. (Sans date. )

991. Le règne de Henri IV a été le dernier de l'ancien ordre de choses.

Une ère nouvelle a commencé sous celui de Louis XIII. Le cardinal de Richelieu a sapé l'aristocratie dans ses fondements et préparé le triomphe de l'absolutisme sous Louis XIV.

L'aristocratie foncière s'est transformée, sous le règne de ce prince, en noblesse de Cour. La lutte engagée avec les parlements a également tourné au désavantage de la magistrature. Vers la fin de son règne, Louis XIV avait fait disparaitre les classes intermédiaires qui se trouvaient entre le trône et les

couches inférieures du corps social en France. De cette manière, le Roi était placé directement en face du peuple.

La longue minorité de Louis XV a porté les fruits que la nature d'un tel régime contenait en germe. Une nouvelle puissance a commencé à s'élever, celle du tiers état. Elle a fondé ses droits sur l'intelligence. La France, fatiguée par les luttes matérielles, par les luttes de la Ligue et de la Fronde aussi bien que par les guerres politiques, a fait ce que les hommes ne sont que trop portés à faire par suite de la fatigue: elle s'est livrée au repos matériel pour se jeter avec d'autant plus d'ardeur dans le mouvement des idées. C'est ainsi que les systèmes philosophiques et financiers ont gagné du terrain pendant la Régence et pendant le long règne de Louis XV, et qu'ils ont préparé la Révolution de 1789.

Le règne de Louis XVI n'a été qu'une période de transition; il a conduit la France de l'ordre de choses fondé ou plutôt complété par Louis XIV à la grande révolution sociale.

L'ère de cette révolution a commencé par l'application pratique des théories qu'avait enfantées le dix-huitième siècle. Son règne a été de courte durée. Une épouvantable anarchie n'a pas tardé à se déchaîner et à couvrir la France de sang et de ruines. Ce que les années 1789, 1790 et 1791 avaient encore laissé debout de l'ancienne France, s'est écroulé complétement pendant les années 1792, 1793 et 1794. La République sous le Directoire fut une époque de lassitude révolutionnaire, de même que la Régence et le règne de Louis XV avaient été caractérisés par une sorte de lassitude monarchique.

Un homme d'une puissance intellectuelle considérable a surgi alors; il s'est trouvé placé dans des conditions sociales telles, qu'elles lui faisaient reconnaitre le salut dans les principes de l'ordre. Le succès ne lui a pas fait défaut; trois causes différentes l'ont fait réussir son génie, la lassitude révolutionnaire, et le besoin d'ordre particulier à la société humaine. La tâche de Bonaparte était grande, mais elle n'était pas difficile. L'Europe a vu comment il a su résoudre le problème, et, si ses passions n'avaient pas obscurci son intelligence, son règne n'aurait fini qu'avec son existence. Mais

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