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CHAPITRE VIII.

DES DEVOIRS ET DES FONCTIONS DE L'AGENT

DIPLOMATIQUE.

$51.

Avant de partir pour le lieu de sa destination.

Le premier soin de l'agent diplomatique, immédiatement après sa nomination, doit être de prendre une connaissance parfaite des affaires dont il doit étre chargé.

Pour cela il faut qu'avant son départ pour le lieu de sa destination, il prenne, autant que possible, connaissance des dépêches de ses devanciers qui se trouvent déposées aux archives du ministère des relations extérieures. Elles serviront à lui faire connaître l'état des affaires dont il doit reprendre le fil; à lui donner des éclaircissemens sur le caractère des personnes influentes à la cour où il va résider ; à lui signaler les écueils qu'il devra y éviter, et les facilités qu'il y trouvera pour réussir; à l'instruire du cérémonial qui s'y observe, des prérogatives auxquelles il peut prétendre, et enfin de mille détails qui regardent sa mission.

Il devra lire cette correspondance avec une attention suivie et la plume à la main, tant pour en extraire les articles les plus intéressans que pour pouvoir demander au ministre, et même à son souverain, des éclaircissemens sur les objets qui lui paraîtraient douteux. Quant aux instructions que reçoit l'agent diplomatique de son

gouvernement, sur les principaux objets de sa mission, nous prions le lecteur de relire ce que nous en avons dit, § 20.

$ 52.

A son arrivée à l'endroit de sa destination.

Aussitôt que le ministre est arrivé à sa destination, il doit, s'il n'en est pas déjà instruit d'avance, s'informer auprès d'un de ses collègues, ministre d'une puissance amie, accrédité à la même cour, de l'étiquette et des usages reçus pour le cérémonial des audiences, et les visites à faire ou à recevoir. Ces usages varient dans presque toutes les cours, et c'est à l'agent diplomatique à les suivre, sans former des prétentions propres à faire naître des préventions désavantageuses contre sa personne. Le caractère dont il est revêtu, le rang de son souverain et les instructions particulières qu'il peut avoir reçues à ce sujet, doivent servir de règle à sa conduite.

Les premières civilités d'un agent politique sont dues au ministre secrétaire d'État ayant le département des affaires étrangères, soit qu'il lui fasse savoir son arrivée par une personne qualifiée de sa suite, soit, lorsque l'usage le demande, qu'il lui fasse lui-même sa visite (1).

L'agent politique ne doit point négliger de profiter de ces premiers temps consacrés aux devoirs de bienséance, pour apprendre à juger les personnes avec lesquelles il aura à traiter. Ces visites faites et rendues lui fourniront encore l'occasion de se faire connaître lui-même. L'usage du monde contribue sans doute à nous donner le talent de connaître les hommes; mais la sagacité et le discernement naturel ne suffisent cependant pas seuls pour cela : il faut encore de l'expérience, et c'est surtout à l'agent

(1) V. ce qui a été dit § 43.

diplomatique qu'il importe d'acquérir de bonne heure ce tact prompt et sûr qui apprend à juger les hommes et à apprécier à leur juste valeur ceux avec qui l'on est appelé à traiter.

§ 53.

De la conduite de l'agent diplomatique pendant la durée de sa mission.

L'agent diplomatique envoyé auprès d'un gouvernement étranger, devant toujours agir comme ministre de paix, le maintien de la bonne harmonie doit être l'objet constant de ses efforts; il y parviendra facilement, en rendant sa personne agréable par ses formes, son maintien, son langage. Si cependant il existe entre les deux cours quelque sujet de mésintelligence, il doit porter tous ses soins à en dissiper les motifs, à éloigner tout sujet de mécontentement, à justifier sa cour des torts que l'on croit pouvoir lui imputer, et enfin à faire sentir à son tour ceux dont la sienne pourrait avoir lieu de se plaindre. L'agent habile ne se bornera pas seulement à calmer les esprits, à détruire des craintes mal fondées; mais il saura au besoin en inspirer de son côté, pour arrêter des mesures contraires aux intérêts de son gouvernement. Aussi l'agent qui, par ses soins assidus, est parvenu à rétablir la bonne intelligence entre deux gouvernemens, a rendu à son souverain et à sa patrie un service souvent aussi essentiel que lorsque, chargé d'une négociation en forme, il est parvenu à la terminer à la satisfaction de son maître.

Pour que l'agent diplomatique parvienne à inspirer cette confiance si nécessaire au succès des affaires, il faut que, sans sortir des bornes d'une sage discrétion, son caractère annonce la loyauté et la franchise. Le

soupçon de mauvaise foi inspire de la réserve et de la défiance, et la marche des affaires devient excessivement pénible. Mais il ne lui suffit point d'avoir un caractère franc, noble, loyal; il faut encore que sa marche soit guidée par la prudence : cette qualité lui est tellement indispensable, que sans elle il court à tout moment le risque de se compromettre. On ne confond que trop souvent la prudence avec la ruse, mais c'est à l'agent diplomatique à bien distinguer l'une de l'autre (1).

Les lois de la bienséance, non moins que celles du droit, faisant un devoir à l'agent diplomatique de toujours se conduire de manière à entretenir des rapports d'amitié, il doit, même dans le cas de mésintelligence, ne jamais cesser d'observer le respect dû au souverain et au gouvernement près duquel il réside. C'est pourquoi il est de principe que les ministres étrangers participent extérieurement aux événemens heureux ou tristes qui ont rapport au souverain près duquel ils sont accrédités, et à sa famille.

L'histoire de la diplomatie offre un grand nombre d'exemples où le défaut de principes fixes a donné naissance à des différends sérieux entre deux nations, parce que des ministres étrangers se sont refusés à des actes extérieurs que semblaient exiger, soit le respect dû au souverain et les égards pour la religion du pays, soit l'état de l'opinion publique et la nécessité de prévenir, de la part d'une populace en rumeur, des insultes qu'il n'était pas au pouvoir du gouvernement d'empêcher ou de réprimer (2). On n'a pas manqué, dans de semblables circonstances, d'exposer de part et

(1) La prudence a toujours servi à faire la réputation des diplomates; la ruse n'a servi qu'à la ternir.

(2) V. la note (2) du § 30.

d'autre les motifs de la conduite que chacun a cru devoir tenir. Jamais on n'a pu ou voulu s'entendre, et la diversité d'opinion est restée.

A l'exception de certains actes extérieurs dont la pratique se trouve établie dans le corps diplomatique, sans qu'on sache en assigner l'origine, il arrive presque toujours qu'à chaque occasion nouvelle qui présente quelques différences des cas ordinaires, tels ou tels ministres, et souvent tous les membres du corps diplomatique à une cour, se refusent aux actes qu'on leur demande, soit en alléguant que ces actes dérogeraient à leur caractère public, ou qu'ils les regardent comme offensans pour leur souverain ou injurieux pour leur religion; soit en se fondant sur les dépenses et l'embarras qui en résulteraient pour eux, et qu'ils ne se croient pas obligés de supporter.

Nous allons essayer d'énoncer les principes qui nous semblent les plus propres à prévenir des discussions de ce genre, lesquelles sont d'autant plus fâcheuses, que, quoique fondées souvent sur les motifs les plus frivoles, elles produisent dans les rapports entre les gouvernemens une aigreur dont on ne saurait toujours prévoir les conséquences:

Il y a, relativement au sujet que nous allons traiter, deux sortes de circonstances dans lesquelles il est bon d'avoir des règles précises sur la conduite que les agens étrangers doivent tenir. Les unes sont tellement connues, elles se représentent si indubitablement à des époques déterminées, que si l'on n'a pas d'avance statué ce que les ministres étrangers doivent faire dans ces occasions, il est facile d'y suppléer et de prendre des arrangemens qui concilient, avec les prérogatives des agens diplomatiques, les égards dus à la religion et aux usages du pays. Mais il est d'autres circonstances qu'on ne saurait prévoir et pour lesquelles il convient d'éta

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