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Dès que mon élève voudra appliquer ses mains à un instrument, je lui donnerai quelques préceptes généraux qui devront le guider dans cette application. C'est ici le dernier usage que je ferai de la confiance qu'il a placée en ma méthode, et je pense avec satisfaction qu'il y correspondra, parce que j'aurai complètement déterminé sa conviction. Je lui dirai donc de ne jouer long-temps que d'imagination et sans cahier de notes sous les yeux, ou du moins de jouer de mémoire, en apprenant d'abord par cœur les morceaux qu'il voudra exécuter sur son instrument. Il peut suivre cette marche sans peine, sachant lire oralement la musique; et cette marche est fondée sur celle que j'ai suivie pour lui enseigner l'intonation; je voulus alors lier ses idées mélodieuses à des syllabes, avant de lui mettre des lignes sous les yeux; mais ici les syllabes sont remplacées par autant de doigters différens, et c'est à ces doigters que doivent préalablement se lier les idées. Le doigter général est à un instrument ce que l'alphabet ut ré mi... est à la voix : en sorte qu'on pourrait dire que ces syllabes ne sont que les divers doigters de l'instrument vocal, ou la cause occasionelle qui lui fait exprimer nos idées. Ainsi l'analogie porte à se conduire dans l'un comme dans l'autre cas.

Je lui dirai encore de ne jouer d'abord que sur le mode d'ut majeur, avec ses deux adjoints sol et fa, et sur les relatifs mineurs de ces trois tons. Ces six toniques, en deux modes, lui offriront matière à un assez long exercice, et ce n'est que lorsqu'il sentira qu'il les possède suffisamment, qu'il pourra attaquer avec confiance les autres tons et les autres modes usités.

Je veux bien qu'il s'essaye à faire des traits rapides sur son instrument, et qu'en soumettant ses doigts aux lois de la mesure il cherche à exprimer toutes les coupes du temps qu'il connaît; mais je ne voudrais pas qu'il plaçât là exclusivement l'idée du beau. Je voudrais qu'il s'accoutumât à regarder comme le nec plus ultrà de l'exécution, ce qu'on dédaigne communément sous le nom de petits airs, et qui pourtant nous charme toujours au théâtre. Ce n'est que d'un grand maître qu'il pourra apprendre de quelle manière on doit exécuter un petit air, pour produire d'agréables, de douces, de vives émotions; au lieu que le premier venu, et luimême, pourra réduire cet air tout en triples croches, sans y rien comprendre.

Je n'omettrai pas de lui exposer la théorie générale des instrumens à ton mobile, comme de ce qu'on appelle clarinettes et cors en ut,

en fa, etc. Je conviens que cette théorie serait mieux placée dans le cours de la pratique d'un *tel instrument, parce que l'élève sentirait alors que le jeu des doigts se complique davantage à mesure que la clef devient plus chargée de dièses ou de bémols, et que le but de ces diverses dimensions des cors, des flûtes, des clarinettes, etc., est de pouvoir transposer une musique ainsi chargée, dans le ton favori de l'instrument, qui est celui où le doigter en est le plus facile. Le vice d'intonation des dièses pour bémols, et des bémols pour dièses, est bien de quelque chose ici; car on sait que les tons éloignés, outre qu'ils ne sont pas faciles, ne sont pas non plus agréables, et que l'habile artiste doit remédier, par un jeu particulier des lèvres et du souffle au vice de construction de son instrument, sans quoi l'on y sentirait un peu trop cette richesse de l'art dont nous parlions tantôt. Enfin, le timbre de certains sons qui se trouvent plus clairs ou plus sourds dans un ton que dans un autre, est encore un motif de plus de construire sur plusieurs dimensions chaque espèce d'instrument. Je dois d'autant moins omettre d'expliquer cette théorie à mes élèves, que les maîtres ne sont guère dans l'usage de le faire, et que néanmoins la pratique réclame cette connaissance.

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Je lui ferai donc voir qu'il y a deux manières de se servir d'un instrument à transposition, et que ces deux manières sont également usitées : l'une est de changer les noms des cordes qui ont changé de ton, leur laissant celui qu'elles. portent dans le système général du clavier; en sorte, par exemple, que l'instrument étant réduit d'une grande à une petite dimension, le même doigter qu'on aurait appris à connaître sous le nom d'ut, doit s'envisager à présent sous le nom de sol, ou tout autre, selon le rapport qu'on a voulu établir entre les tons absolus de ces deux dimensions. C'est ainsi que la chose a lieu entre l'alto et le violon qui sont deux instrumens pareils, se tenant et se jouant de même, mais dont le premier sonne la quinte au-dessous du second (1). Alors les deux instrumens ont des clefs différentes, et chacun exige l'habitude de sa clef. La basse ou violoncelle est semblable à

(1) Quand on parle de quinte, sans autre dénomination, c'est de la quinte majeure qu'on doit l'entendre. Quand on veut parler de la quinte mineure, il faut l'exprimer. J'ai dit ailleurs qu'on l'appelle improprement fausse quinte et quinte diminuée. C'est le contraire pour la quarte simplement dite, qui signifie la quarte mineure.

l'alto, portant les mêmes cordes, mais sonnant l'octave au-dessous de celui-ci. Quand ces instrumens exécutent ensemble, leurs clefs sont armées de la même manière, par dièse ou par bémol.

La seconde manière d'employer un instrument à transposition, est de conserver les noms du doigter les mêmes sur les positions semblables, quoique les dimensions et par conséquent le ton absolu de l'instrument aient été changés ; de cette façon, les noms du doigter, sur le nouvel instrument, ne se rapportent plus au clavier général, et le son qu'on y exprime encore sous le nom de ré, peut répondre à un fa du piano ou à tout autre son, selon le rapport qui se trouvé établi entre l'ancienne dimension et la nouvelle. Ce n'est un ré que par le doigter, mais c'est un ré transposé qui est un vrai fa pour le ton. C'est ce qui a lieu, par exemple, sur les petites flûtes, faites pour sonner la tierce mineure au-dessus des flûtes ordinairės, et sur les petites clarinettes qui sonnent la quarte mineure au-dessus des autres. Il est clair que ces instrumens employés de concert avec les grands ne doivent pas avoir leur musique écrite sous la même armure de clef, si l'on veut que l'exécution produise le même ton effectif, comme

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