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pied à terre à la Grande Terre du costé de Canceau; ils eurent le bonheur de faire quatre prisonniers anglois; et revenant avec eux, les prisonniers se rendirent maitres de nos trois François, un soir qu'ils étaient endormis, et nous n'avons pu apprendre aucune nouvelle ni des envoyés ni de l'ennemy.

"Je fus informé, le 22, par deux hommes, venus par terre du port de Toulouse, qu'on entendait tirer du canon à Canceau, et qu'ils travailloient au rétablissement de cette isle, et un troisième arrivé le soir, m'assura avoir été témoin d'un grand combat sur le navire St-Esprit, qu'il avoit vu venir du large trois vaisseaux sur quatre qui étoient pour lors à cette coste, et que le feu ayant commencé après la Jonction de ces bastimens, il avoit duré bien avant dans la nuit, ce qui nous engageoit à nous flatter que nous avions des vaisseaux sur la coste.

"Le 30 du d. nous vîmes sept vaisseaux parmy les glaces, dont il y avoit quatre vaisseaux, deux corvettes et un brigantin, et ils se sont tenus ce jour vers les isles à Dion, sans pavillon, ni flamme.

"Ces battiments continuèrent à se faire voir pendant quelques jours, depuis la Pointe Blanche jusques à Port de Noue, sous pavillon blanc, et les glaces s'étant écartées de la coste, nous apperçûmes, le 7 mai, un navire qui faisait route pour le port; il y entra heureusement; ce navire venoit de St Jean de Luz, commandé par le Sieur Janson Dufoure; il nous apprit qu'il avoit été poursuivi la veille. par trois vaisseaux, qu'une frégatte de 24 canons l'avoit joint, et qu'il s'estoit sauvé, après un combat de trois volées de canon et de mousquetterie.

"Le 8 à la pointe du jour, nous eûmes connaissance de tous les vaisseaux au vent du port dans la partie du sudouest, ce qui nous occasionna une alerte, les signaux ayant été faits, les habitans de Lorembec et de la Baleine, qui VOL. II.- -19

étoient les plus proches de la ville, s'y rangèrent aux postes qui leur étoient destinés, ainsi que les habitans de la ville et du port, le même jour ces vaisseaux prirent à notre vue deux caboteurs frettés par le Roy et qui venoient du port de Toulouse chargés de bois de corde pour le chauffage des troupes et des corps de garde, ils prirent aussy une chaloupe qui venoit des Isles Madame chargée de gibier.

"Comme nous doutions toujours si ces vaisseaux étoient anglois ou françois jusqu'à ce jour, les glaces empêchant l'entrée du port depuis qu'ils avoient paru ensemble, j'avois eu la précaution d'arrêter, conjointement avec monsieur Bigot, deux battiments pour les faire partir en cas de nécessité pour la France, pour porter les nouvelles à Sa Grandeur de la situation où se trouvoit la colonie, et sitôt que nous fûmes confirmés par le prise de ces caboteurs que c'étoit des vaisseaux anglois et qu'il y en avoit d'autres à Canceau, au rapport des équipages qui s'étoient sauvés, nous fîmes partir à la faveur de la brume et de la nuit obscure du 10 mai, La Société, capitaine Subtil, avec nos lettres pour Monseigneur, pour lui apprendre l'état de la colonie avec les circonstances de vaisseaux qui bloquèrent le port; quand à l'autre bâtiment qui avoit été fretté, nous avons été obligé de la faire couler, après la descente faite par l'ennemy, étant impossible de la faire sortir.

"Les vaisseaux ennemis qui étoient au devant du port, se servant de la chaloupe qu'ils avoient prise chargée de gibier pour descendre et mettre pied à terre à Gabarrus, à notre vue, je fis partir, le 9, un détachement de 20 soldats sous le commandement du sieur de Lavallière pour aller par terre à Gabarrus, et un autre de 39 hommes d'habitans, sous le commandement du sieur Daccarrette dans un charroye pour s'emparer de cette chaloupe, mais ces deux détachements ne purent joindre cette chaloupe; celui de terre y resta deux jours et ne rentra en ville que le onze du soir, et celui du

sieur Daccarrette rentra le 12 au matin, ayant été obligé d'abandonner le charroye à fourché où il avoit été à la sortie de Gabarrus.

"Le 11, à trois ou quatre heures du matin, nous eûmes connoissance de dessus les remparts de la ville, d'environ 100 voiles qui parurent du côté de fourché, derrière les isles à Dion, les vents étant de la partie de nord-ouest, ces battiments s'approchoient à vue d'oeil, je ne doute pas que ce ne fussent des bastiments de transport, je fis tirer les signaux qui avoient été ordonnés, plusieurs habitans et particuliers n'ont pu s'y rendre, et entr'autres ceux des havres éloignés, la campagne étant investie de l'ennemy, et même plusieurs ont été faits prisonniers voulant se rendre. en ville.

"Je fis aussy commander un détachement pour s'opposer à la descente de l'ennemy, et ce détachement au nombre de 80 hommes et 30 soldats, le surplus habitans, partit sous le commandement de Monsieur Morpain et du Sieur Mesilac, il se transporta au-dessous de la Pointe Blanche, â l'endroit où l'ennemy avoit commencé à faire sa descente, il le fit rembarquer dans les voitures, mais pendant le temps qu'il étoit en cet endroit à repousser l'ennemy, celui-cy fit faire une autre descente plus considérable de troupes de débarquement à l'anse de la Cormorandière, entre la PointePlate et Gabarrus.

"Il s'y transporta avec ses troupes, sitôt qu'il en eût connoissance, mais l'ennemy avoit mis pied à terre et s'étoit emparé des lieux les plus propres qu'il jugea pour sa défense, cela n'empêcha pas ce détachement d'aller l'attaquer, mais l'ennemy étant beaucoup plus supérieur en nombre, il fut contraint de se retirer dans le bois; nous avons eu à cette occasion 4 ou 5 soldats tués ou faits prisonniers, ainsy que 4 ou 5 habitans ou particuliers du nombre desquels fut Monsieur Laboularderie; nous eûmes encore 3 ou 4 blessés qui rentrèrent en ville.

"Depuis la retraite de ce détachement l'ennemy acheva son débarquement au nombre de 4 à 500 hommes, ainsy que des planches et autres matériaux, au rapport de ceux du détachement qui rentrèrent les derniers en ville.

"L'ennemy ayant avancé dans la campagne, se fit voir en grand nombre, mais sans ordre, à la portée du canon de la pointe Dauphine et du bastion du Roy.

"Les montagnes qui commandent cette porte étoient couvertes de monde: à deux heures après-midi les canons, qui étoient sur la Barbette, tirèrent sur plusieurs pelotons qui paroissoient défiler du côté du fond de la baye, nous nous aperçûmes aussy qu'ils défiloient en quantité le long du bois vers la batterie royale, je fis fermer les portes et je fis pourvoir sur le champ à la sûreté de la ville et placer environ 1100 hommes qui s'y sont trouvés pour la défendre.

"Sur le soir, monsieur Thiery, capitaine de compagnie qui commandoit à la batterie royale, m'écrivit une lettre par laquelle il me marquoit le mauvois état de son poste, que cela pourroit donner de grande facilités à l'ennemy s'il s'en emparoit, qu'il croyoit pour le bien du service qu'il seroit à propos de travailler à le faire sauter après avoir encloué les canons.

"Je fis à cette occasion assembler le conseil de guerre, monsieur Verrier, ingénieur en chef, ayant aussi été appelé, fit son rapport que cette batterie avoit ses épaulements du costé de la terre démolis dès l'année dernière, que les chemins couverts n'étoient pas palissadés, et qu'il étoit hors d'état de résister à une attaque par terre de trois à quatre mille homme avec 400 hommes qu'il y avoit dedans pour la défense.

"Sur ce rapport le conseil de guerre décida unanimement qu'il convenoit pour la sûreté de la ville, manquant de monde pour la défendre, de l'abandonner après en avoir encloué les canons et enlevé le plus de munitions de guerre et de bouche qu'on pourroit.

"Je ne dois pas oublier de vous informer que le même conseil de guerre vouloit faire sauter cette batterie; mais que monsieur Verrier, s'y étant opposé fortement, on la laissa subsister.

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J'envoyai l'ordre en conséquence à monsieur Thiery pour abandonner la dite batterie, après qu'il auroit encloué les canons, et enlevé le plus de munitions de guerre et de bouche qu'il pourroit; cet officier travailla le soir à faire enclouer tous les canons; il fit transporter partie des vivres et des munitions et se retira à la ville avec sa troupe vers minuit.

"La dite batterie n'ayant pas été entiérement évacuée ce soir, je fis partir le lendemain les Sieurs St. Etienne, lieutenant, et Souvigny, enseigne, avec une vingtaine d'hommes pour parachever la dite évacuation, ce qu'ils firent à l'exception de tous les boulets de canon et bombes qui y sont restés, n'ayant pas pu les emporter.

"Ayant jugé nécessaire conjointement avec monsieur Bigot de faire couler tous les bastiments qui étoient armés dans le port, pour empêcher l'ennemy de s'en emparer, je commandai, le 12, le sieur Verger, enseigne, avec 5 soldats et des matelots pour faire couler ceux qui etoient vis-à-vis la ville, et le sieur Bellemont, enseigne, avec la même opération au fond de la baye, et retirer l'huile de la tour de la lanterne, ce qu'ils exécutèrent.

"Le 13, je fis sortir toutes les compagnies de milice avec des haches et des engins pour démolir les maisons qui étoient à la porte Dauphine jusqu'au Barruchois, et pour enlever le bois en ville pour le chauffage de la garnison, n'en ayant pas, et pour faire brûler toutes celles qu'on ne pourroit pas démolir, afin d'empêcher l'ennemy de s'y loger. "Je fis soutenir ces travailleurs par 80 soldats François et Suisses commandé par monsieur Deganne, capitaine, et Rasser, officier Suisse.

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