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"Comme ils finissaient et qu'ils étoient au moment de se retirer en ville, il parut au Barruchois et dans les vallons des hauteurs plusieurs pelotons de l'armée ennemie, il y eût même quelques coups de fusils de tirés par ceux qui étoient les plus près; nous n'eûmes personne de tué ni de blessé, et nos gens virent tomber deux hommes de l'ennemy.

"L'ennemy s'est emparé de la batterie Royale, le 13, et le lendemain il tira sur la ville plusieurs coups de canon de deux qu'il avoit désencloué.

"Le même jour l'ennemy commença aussi à nous tirer plusieurs bombes de 12 pouches, pesant 180 1. et de 9 pouces d'une batterie de quatre mortiers qu'ils avoient estably sur la hauteur derrière les plaines, vis-à-vis le bastion du Roy.

"Cette batterie de mortiers n'a pas cessé de tirer de distance en distance, ainsi que douze mortiers à grenades royales que l'ennemy y avoit placés, et deux autres canons qu'ils ont désencloués à la batterie royale, mais ce feu n'a fait aucun progrès jusqu'au 18, et n'a tué ni blessé personne.

"Le 16, je fis partir un exprès en chaloupe pour porter une lettre à monsieur Marin, officier de Canada, qui commandoit un détachement de Canadiens et des Sauvages à l'Acadie, avec ordre de partir pour se rendre en toute diligence à Louisbourg, avec son détachement; c'étoit une course de 20 à 25 jours au plus, s'il avoit été aux mines, ainsi que l'on m'avoit assuré; mais ce detachement étoit parti pour le port Royal lorsque l'exprès y arriva.

"Cet exprès fut obligé d'y aller: il lui remit la lettre dont il étoit chargé, il tint conseil, plusieurs de son party ne voulurent pas le suivre, mais lui s'étant mis en chemin avec ceux de bonne volonté qui voulurent le suivre, il eût toutes les peines imaginables, à ce qu'on m'a assuré, de trouver des voitures dans toute l'Acadie, propres pour son transport.

"Ils s'y embarquèrent environ 3 à 400 dans un bateau de 25 tonneaux et dans environ une centaine de canots. Comme ils étoient dans la baie à doubler une pointe, ils furent attaqués par un bateau corsaire de 14 canons et autant de pierriers; cet officier soutint l'attaque avec vigueur, et dans le temps qu'il étoit au moment d'aborder le corsaire pour l'enlever, un autre corsaire de la même force vint au secours de son camarade, ce qui obligea le dit Sieur Marin d'abandonner la partie et de faire côte.

"Cette rencontre lui a fait perdre plusieurs jours et il n'a pu se rendre sur les terres de l'Isle Royale qu'au commencement de juillet, après que Louisbourg a été rendu; si ce détachement s'étoit rendu quinze ou vingt jours avant la reddition de la ville, je suis plus que persuadé que l'ennemy auroit été contraint de lever le siège de terre, par la terreur qu'il avoit de ce détachement qu'il pensoit être au nombre de plus de 2500.

"Je dois aussi informer Sa Grandeur que ce détachement a tué et pris, comme il se retiroit du passage de Fronsac, pour aller à l'Acadie, après notre départ, treize hommes d'un corsaire anglois qui étoit à leur passage pour les empêcher de passer, ces hommes ayant été avec leurs canots pour faire de l'eau, ils sont tombés entre les mains de ceux de ce détachement.

"Le 18, messieurs les généraux anglois me sommèrent de rendre la ville, forteresses et terres en dépendant, avec l'artillerie, les armes et les munitions de guerre qui en dépendent sous l'obéissance de la Grande Bretagne, en conséquence de quoy, promettoient de traiter humainement tous les sujets du Roy mon maître qui y étoient dedans, que leurs biens leur seroient assurés, et qu'ils auraient la liberté de se transporter avec leurs effets dans quelque partie de la domination du Roy de France, en Europe, qu'ils jugeroit à propos. "Je répondis sur le champ à cette sommation que le Roy

mon maître m'ayant confié la défense de la place, je ne pouvois qu'après la plus rigoureuse attaque écouter une semblable proposition, et que je n'avois d'autre réponse à faire à cette demande que par les bouches des canons.

"L'ennemy commença à établir, le 19, une batterie de sept pièces de canon dans les plaines et derrière un petit étang, vis-à-vis la face du bastion du Roy, laquelle batterie n'a pas cessé de tirer des boulets de 12, 18 et 24 depuis ce jour jusqu'à la reddition de la place, sur le casernes, le mur du bastion du Roy et sur la ville; cette batterie étoit, Monseigneur, la plus dangereuse de l'ennemy pour détruire le monde; tous les boulets enfiloient toutes les rues jusqu'à la porte Maurepas et au mur crénelé; personne ne pouvoit rester dans la ville, soit dans les maisons ou dans les rues.

"Aussy pour éteindre le feu de l'ennemy, je fis établir deux pièces de canon de 18 sur le cavalier du dit Bastion du Roy: on fit pour cet effet deux coffres en planches qu'on remplit de fascines et de terres qui formoient deux embrasures par le moyen desquelles les canonniers et ceux qui servirent ces canons étoient à l'abry du feu de l'ennemy.

"Je fis aussy percer en même temps deux embrasures au mur du parapet de la face droite du dit bastion; on y mit deux autre canons de 24.

"Ces quatre canons ont été si bien servis que le feu de l'ennemy de la dite batterie de la plaine a été éteint, puisqu'ils ne tiroient lors de la reddition de la place qu'un canon, et qu'ils ont eu les autres démontés à la dite batterie, ainsy que ceux de nos gens qui ont été voir cette batterie, après la reddition de la place, m'en ont rendu compte.

"Le matin du 20, je fis assembler messieurs les capitaines des compagnies pour prendre un party s'il convenoit de faire des sorties sur l'ennemy. Il fut résolu que la ville étoit entièrement dénuée de monde, qu'il étoit préjudiciable d'en faire, qu'à peine on pourroit garder les remparts avec les 1300

hommes qu'il y avoit dans la ville y compris les deux cent de la batterie royale.

"Je fis masquer la porte Dauphine en pierre de taille, fascines et terre de l'épaisseur d'environ dix-huit pieds, ainsi que les deux corps de garde qui sont joints. Sans cet ouvrage l'ennemy auroit pu entrer en ville dés le lendemain qu'il auroit tiré de la batterie de Francœur; cette porte n'etoit pas plus forte que celle d'une porte cochère, les murs de la dite porte et des corps de garde n'avoient que trois pieds ou environ d'épaisseur. La dite porte n'étoit pas non plus flanquée et n'avoit pour toute défense que quelques créneaux aux corps de garde, desquels on ne pouvoit plus se servir sitôt qu'on étoit obligé de garnir les dits corps de garde de pierres, de terre.

"J'ordonnai qu'on fit des embrasures de gazon et de terre, n'ayant pas le temps d'en faire de pierre, aux quatre canons qui étoient sur la batterie du bastion Dauphin, sur le corps de garde des soldats, joignant la porte du dit bastion, afin d'empêcher l'ennemy en ses travaux sur les hauteurs qui étoient devant la dite porte; lesquelles embrasures furent faites.

"Tous les flancs des bastions de la ville furent aussy garnis des canons des corsaires et autres qui se sont trouvés en ville.

"L'ennemy ayant calfeutré une goelette qui étoit échouée au fond de la baye depuis l'année dernière, il l'a remplit de bois, goudron et autres matières combustibles, et à la faveur d'une nuit obscure et d'un vent frais du nord-nord-est qu'il fit le 24, il nous l'envoya en brûlot sur la ville.

Tout le monde passoit toutes les nuits sur les remparts, nous attendions de pied ferme l'ennemy, plustôt que des artifices de cette nature, et ce brûlot ayant été s'échouer au dehors de la ville vis-à-vis du terrain du St Ste Marie ne fit pas l'effet que l'ennemy s'attendoit.

"L'ennemy s'étant emparé de la hauteur de Francœur qui est à la queue du glacis de la porte Dauphine, il a commencé à ouvrir des boyaux et former deux batteries malgré le feu continuel de nos canons de la barbette et du bastion Dauphin et du flanc droit du bastion du Roy et de la mousqueterie, et ces deux batteries n'ont point cessé de tirer depuis le 29 jusqu'à la reddition de la place des boulets de 18, 24, 36 et 42, pour battre en brèche la porte Dauphine et la flanc droit du bastion du Roy.

"L'ennemy, faisant plusieurs mouvements au fond de la baye et à la hauteur de la Lanterne, monsieur Vallé, lieutenant de la Compagnie des Canonniers, vint m'avertir que l'ennemy pourroit faire ces mouvements à l'occasion de plusieurs canons de dix-huit et de vingt-quatre qui avoient été mis au carénage pour servir de corps de garde depuis environ dix ans. Que parmy ces canons il y en avoit plusieurs en état de servir, qu'il avoit informé les Gouverneurs de cy-devant plusieurs fois que l'ennemy pourroit les transporter à la tour, établir une batterie pour battre l'isle de l'entree et les vaisseaux qui voudroient entrer.

"Sur un avis aussy important, et l'ennemy ayant aboré pavillon à la tour de la Lanterne, je fis faire un détachement de cinq cent jeunes gens du pays et autres de la milice et des flibustiers, sous les ordres du Sieur de Beaubassin, pour aller voir si cela étoit vrai, tâcher de suprendre l'ennemy ou empêcher de faire leurs travaux en cet endroit.

"Ce dêtachement partit en trois chaloupes le 27 may avec chacun douze jours de vivres et les munitions de guerre nécessaires qui leur furent fournies des magasins du Roy; il mit pied à terre au grand Lorem bec.

"Le lendemain, faisant son approche à la tour, il fut découvert par l'ennemy qui étoit au nombre d'environ 300.

"Ils se tirèrent quelques volées de mousqueterye, et se séparèrent, ce détachement ne voyant pas son avantage et

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