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aux barreaux des noms invariables, et qu'il les dénommait d'après leurs positions absolues, au lieu d'examiner leurs positions respectives; ensorte qu'au mouvement de la baguette, il n'aurait pas regardé l'endroit d'où elle vient, mais seulement celui où elle se pose. Rien ne l'avait averti qu'il dût avoir cette double attention. Il s'y trouva forcé en voyant poser l'ut à toute autre ligne noire que celle où il avait accoutumé de le mettre ; mais son système n'en fut guère dérangé, parce qu'à cause de la symétrie des couleurs, il rencontra les mêmes noms sur des couleurs telles qu'à la première clef. Il le fut davantage quand je posai l'ut à une ligne blanche; c'étaient vraiment les mêmes calculs à refaire sur cette hypothèse que sur la première, parce que tous les noms se trouvaient avoir changé de couleurs; mais enfin, il s'y habitue tous les jours, sans être obligé de s'en occuper exclusivement, et tout en continuant ses autres exercices.

Tel est environ le travail de deux mois. L'élève suit assez bien la baguette à toutes les clefs pour chanter correctement toutes sortes d'airs en mode majeur, qui ne contiennent pas de transition de ton, et dont le mouvement ne soit pas trop rapide. Je l'habitue, dans le troi

sième mois, à faire plus légèrement les mêmes choses. De plus, comme la variété des exercices ne peut que lui être agréable, je lui enseigne alors à lire l'écriture musicale. Mais qu'ai-je à faire pour cela ? à peu près rien qu'à lui mettre une page de points noirs sous les yeux. Il devinera bien, si je veux lui en laisser le plaisir, que ces points représentent des coups de baguettes, et que ce sont les traces des endroits où elle a passé (1). Mais au lieu d'em

(1) On s'aperçoit ici combien seraient dans l'erreur, sur le fond de ma méthode, ceux qui ayant vu chanter mes élèves devant des chiffres, auraient pris ces chiffres pour le moyen qui me sert à les instruire. Aucune écriture, comme je l'ai fait voir, ne peut être mon moyen d'instruction, et toutes en sont l'effet, parce que, ai-je dit, nos idées (musicales ou autres) ne sont pas contenues directement dans les signes écrits ; qu'ainsi, ce n'est pas d'eux qu'on peut les apprendre; que ces signes ne retracent directement que des mots articulés; mais que c'est dans ces mots que nos idées sont immédiatement comprises, et où, par conséquent, elles doivent être d'abord étudiées. Aussi, qu'apprend mon élève en suivant la baguette? il apprend à lier ses idées aux mots qu'il prononce. On ne peut pas dire qu'il les lie à des signes écrits, puisqu'il n'en a aucun sous les yeux.

ployer des feuilles à l'encre, je me sers d'une grande planchette rayée en portées de musique, sur laquelle j'écris à la craie les airs que je veux faire chanter. Cela donne à ma classe un aspect nouveau d'où l'élève attend de nouvelles jouissances, comme il arrive toujours d'un changement de scène. D'ailleurs, j'ai constamment observé qu'un commençant mesure l'importance des objets à la grandeur des signes : c'est pourquoi il ne faut pas épargner les dimensions si

Mais il y a plus par rapport aux chiffres; c'est qu'ils ne sont pas même dans l'analogie des idées que je viens d'exposer, et qu'en quittant l'exercice de la baguette, l'élève se trouve naturellement introduit aux notes ordinaires sur les portées, sans soupçonner que des chiffres pussent faire le même office. C'est donc de pure fantaisie que je lui enseigne cette notation; mais il faut convenir qu'elle est si commode pour l'usage particulier le de volume qu'elle occupe, par la fa, par peu cilité et la rapidité de l'écrire, tout papier y étant propre, et par l'économie de l'impression si l'on voulait faire des recueils de musique à peu de frais, qu'elle mérite bien d'être plus connue, indépendamment de celle dont on se sert. C'est par là que j'ai voulu rendre hommage à la mémoire de son illustre auteur, sans prétendre, comme lui, de la substituer à l'écriture vulgaire. Il est remarquable que ces chiffres, transportés des

l'on veut frapper ses sens, comme il est indispensable de le faire, puisque c'est par cette porte les idées lui doivent entrer dans l'esprit.

que

Quand je dis que pour lui faire lire un air je n'ai qu'à le lui mettre sous les yeux, je ne disconviens pas qu'il faut auparavant que je lui enseigne comment on représente par écrit, outre les mouvemens de la baguette, les durées

mathématiques dans la musique, ont fait naître l'idée à quelques personnes que ce dernier art n'était sans doute qu'une application de ces sciences; et l'on entend dire encore quelquefois que Rousseau a fait de la musique par les mathématiques: de quoi les uns concluent que sa méthode ne vaut rien, et les autres qu'elle vaut beaucoup. Je peux répondre à ces personnes que leurs conséquences ne portent sur rien, et que la locution d'où elles les tirent ne présente aucune idée à l'esprit; autrement il faudrait dire aussi qu'on fait de l'algèbre par la langue française, parce qu'on y voit figurer les lettres de l'alphabet. Rousseau n'a point fait de musique par les mathématiques; non plus il n'a point donné de méthode pour en faire: et si on lui en eût demandé une, il n'aurait probablement pas compris la question. Rousseau a fait un projet de nouveaux signes pour la musique ; ces signes, qu'il a proposés pour remplacer les anciens, sont des chiffres; mais ces chiffres perdent dès-lors leur qualité numérique pour en prendre

des coups qu'elle frappe. Mais cela n'est pas si difficile qu'on le pense, puisqu'il me suffit de deux ou trois leçons pour le mettre au fait de ce point. Ce qui rend la mesure difficile pour les élèves ordinaires, c'est premièrement qu'ils l'étudient sans savoir l'intonation, et qu'alors ils sont occupés de deux choses à la fois; en second lieu, c'est que les signes par lesquels

des trois,

des

une musicale ce ne sont plus des un, cing, ce sont des ut, des mi, des sol. Ceci est tellement vrai, que j'ai parmi mes élèves des enfans qui n'ont connu un 4 sous le nom de quatre, qu'après l'avoir long-temps connu sous le nom de fa. Quoiqu'il en soit, ces chiffres furent mal accueillis des musiciens de son temps, et ce fut sans doute ce qui l'empêcha de donner à la suite de son projet une méthode d'enseignement qu'il s'était proposé de faire, basée sur l'adoption de sa nouvelle écriture. Au lieu d'une méthode, il écrivit force épigrammes contre ces Messieurs, qui achevèrent de les aveugler sur le mérite de son sys

tème.

Je ferai voir plus loin quelles sont les modifications nécessaires que j'ai dû apporter à l'écriture de J. J. pour la rendre usuelle; et l'on se convaincra que son adoption dépendait essentiellement d'un nouveau système d'idées, d'un nouveau mode d'enseignement, bien loin d'en pouvoir être la base.

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