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O Rome! my country! city of the soul!
The orphans of the heart must turn to thee,
Lone mother of dead empires1 !...

Il y a ici autre chose qu'une rencontre fortuite : il y a émulation généreuse d'un génie qui se mesure avec un autre; croyons-en Lamartine lui-même écrivant à Virieu : « Je suis confondu que tu ne trouves pas mes vers sur Tivoli à ton plein gré. Je trouve que c'est le seul morceau par lequel je voudrais lutter avec lord Byron: Italie! Italie! etc. Mais on se trompe sur soi-même 2.

IV

3

Il avait commis une erreur de ce genre quand il voyait dans ce Dernier chant du Pèlerinage d'Harold, commencé au lendemain de la mort de lord Byron, « le meilleur morceau de poésie qu'il eût fait, et peut-être de l'époque 3 ». Le sujet et le titre annonçaient un pastiche de la poésie byronienne, mais ce pastiche même laisse beaucoup à désirer. On y trouve un luxe de romanesque et de mise en scène qui dissimule mal la pauvreté du fond et la faiblesse de la conception psychologique. Passe pour les adieux de Harold à Léna: on pouvait y voir une transposition, -peu flatteuse d'ailleurs pour l'héroïne, des adieux de Byron à Teresa Guiccioli*.

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1. Childe Harold, IV, 78, trad. Pichot, III, p. 267: « O Rome ! patrie de mon choix, cité chère à mon âme ! mère abandonnée des empires détruits que les hommes dont le cœur est orphelin viennent te contempler, et qu'ils renferment dans leur cœur leurs légères infortunes ! que sont nos malheurs et nos souffrances? venez voir ces cyprès, venez entendre ces hiboux, venez fouler sous vos pas ces trônes brisés et les débris des temples, vous dont les agonies sont des douleurs d'un jour : un monde est à nos pieds, aussi fragile que nous mêmes, etc. » 2. Correspondance, 13 février 1827, t. III, p. 8. 3. Ibidem, lettre à Virieu du 6 juin 1825, t. II, 4. Lamartine, quelque temps après la mort de Byron, 'fit à Rome la connaissance de la comtesse Guiccioli. Il se trouva sur son passage à une

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Passe encore pour l'épisode du combat naval, puisqu'aussi bien le sloop qui portait Byron de Céphalonie à Missolonghi faillit être capturé par un vaisseau turc. Mais la reconnaissance mélodramatique, sur le navire incendié, d'une Adda, fruit des amours de Byron et de quelque belle Grecque en 1811, mais la visite au monastère d'Aracynthe, mais le songe surtout, ce songe apocalyptique où, dans la vallée de Josaphat, Harold, au moment de subir le jugement dernier, doit choisir entre les deux urnes qui contiennent sa destinée sous la forme du fruit de l'arbre de la vie, ou du serpent, symbole du mal, tout cela sent l'artifice, et donne une impression de bizarrerie plus que de grandeur. Combien la simple vérité sur les derniers jours de lord Byron, commentée par un grand poète, eût été plus belle et plus émouvante ! Faute plus grave encore, le caractère véritable du personnage est singulièrement altéré, au point d'en être méconnaissable. Lamartine, au début, suit encore d'assez près le portrait tracé dans Childe Harold. Le pâle jeune homme dans la bouche duquel se mêlent des paroles d'amour et de mépris, le voluptueux blasé qui, pour échapper à l'ennui, va chercher la gloire et surtout les dangers sur une plage loin

fête donnée par le prince Torlonia. « J'avais, dit-il, des motifs pour éviter cette rencontre ; quelques vers de moi, dans le cinquième chant de Childe Harold, qui venait de paraître, dépeignaient cette femme séduisante en Aspasie vénitienne, enchaînant dans ses colliers de perles vénales le génie et la vertu d'un grand homme. C'était une calomnie involontaire de l'imagination. » La comtesse lui pardonna, lui accorda son amitié et lui raconta comment elle avait aimé Byron. (Vie de Byron, dans le Constitutionnel du 16 novembre 1865.) Lorsque, vers 1856, Lamartine eut l'idée d'écrire une biographie de son grand rival, il demanda à la comtesse, devenue marquise de Boissy, de lui faire le portrait de lord Byron. Il reçut d'elle, en réponse, une lettre que l'on trouvera au tome Ier, chap. 1, de Lord Byron jugé par les témoins de sa vie. Les jugements portés par Lamartine sur Byron dans le n° XVI du Cours de littérature soulevèrent les protestations de la marquise. Quant à la Vie de Byron, elle la jugea ainsi : « Les sentiments qu'elle excite sont l'étonnement et le regret... La vérité historique y est complètement absente ou défigurée. » (Lord Byron, etc, I, pp. 2 et 34.)

taine, c'est bien le héros de Byron, et Byron lui-même. Mais peu à peu une autre figure s'interpose entre celle-là et Lamartine, l'image d'un Harold en qui la connaissance du néant des choses redouble l'aspiration à l'immortalité, qui cherche Dieu, et qui le cherche avec la ferveur de ceux qui l'ont déjà trouvé :

J'ai toujours dans mon sein roulé cette pensée ;
J'ai toujours cherché Dieu !.

Ah! j'aurais dû peut-être, humblement prosterné,
Le recevoir d'en haut tel qu'il nous fut donné,
Et, courbant sous ma foi ma raison qui l'ignore,
L'adorer dans la langue où l'univers l'adore.

C'est ce Dieu, quel qu'il soit, qu'au monastère d'Aracynthe Harold interroge sous les voûtes du sanctuaire et supplie de dissiper ses derniers aveuglements :

Que j'entende un seul mot !... un soupir seulement !
Un soupir suffirait pour éclairer mon doute.

Jusqu'aux lueurs de l'aube il attend, le front dans la poussière, la réponse qui ne vient pas. Tant de patience et d'humilité n'entrait pas dans le cœur de l'auteur de Manfred1.

1. Il faut dire à la décharge de Lamartine que ce Byron agenouillé et contrit n'était peut-être pas entièrement de son invention. Des gens qui pouvaient passer pour bien informés » rapportaient vers 1825 sur l'auteur de Childe Harold des histoires quasi édifiantes. Telle cette anecdote qu'on trouvera au tome V (pp. 48 et suiv.) de la 2e édition (Paris, 1826) du Voyage en Grèce de Pouqueville. Un capucin d'Athènes, le père Paul d'Yvrée, lui avait raconté une scène qui s'était passée lors du séjour du poète anglais dans cette ville. Byron, dans de précédents entretiens avec le religieux, s'était déclaré athée. Un jour, il vint demander au P. Paul de lui permettre d'habiter une cellule, et de l'arracher à l'ennui qui empoisonnait ses jours. Il lui dit sa tristesse, sa haine contre l'Angleterre ; il protesta qu'il n'était pas athée et qu'un athée est impossible à trouver. « Les passions peuvent susciter des doutes, mais quand l'athée s'interroge, l'évidence d'un Dieu confond son incrédulité, et la vérité du sentiment qui remplit sa pensée l'absout du crime d'athéisme. » Il demanda au père de lui faire don d'un crucifix. « Je

Ce n'est point Ema que Lamarine a peint, c'est b neme, au Lendemain de cette crise le fesespor su i amait connu un moment aridité du cœur. le icone, la revoite. dou 1 kalt sori pins Espose pie jamais a emire et à adorer. En 1818, il art entrepris de convertir Byron vivant: en 125, 1 essaya te le sauver apres sa mort. Vilà pourquoi il a inventé ce songe bizarre, qui est comme une rencacazca, trog tartine, helas! de Erma a son incruialite passée. Du moins et acte de bonne valcate in extremis fastide-t-il le doute que Le poete laisse planer a dessein sur le sort de sca personnage dans Tautre mocde. Partage entre ladnination que lui inspire homme de genie et l'horreur que lui cause le fanfarra dimplete, il s'applique a effacer cette tare, et retaile tant bien que mal la pensée de Byra aux dimensions de la sienne. « On peut être sci sous le nom dan autre, protestait- dans l'avertissement de Ervid C'est justement de quoi souffre son poeme. Sca equivoque beros n'est ni une creation de la poesie ni une image de la réalite. Nous prifernes Lamartine quand I parie pour son propre compte, cu Byron quand il est vraiment

Podria a Eyrin, en lui fisant : Viña le consolateur des infurtunes: Ele prit aver transport, et. je baisant plasieurs fais, à ajuta avec des yeux haigues de armes : « Mis malas ne le pricieriut pas jagtemps, et ma mere sera bientit le prien de votre pricieux souvenir » Pauqueville avrait se tette anecdote das les Starenirs de la Grece pendant le campagne de 1995, par HL Lauvergne, medecia de a marine rayale de nace. Paris. 1986. Nate sur led Egria, pp. 233 et suv. Un detail asser are tendrait à faire supposer que Lamartine a cru reclement a une enversica te Braa. C'est le titre donné dans la premiere ectica des Lectures pour tous Paris, 155 a la lle meditation (Domine. Elle est adressee A Lord Eyria, poete muzīns, alas maitatzea. Mais il ne font par miller que, de l'aven de Lamartine la-mime, le Dernier chant in Puerauze d' Harsid a eté écrit dans une intention rei geuse », à savoir de montrer la nécessité d'ane Si venne d'en haut ». Lettre à Fremia...e, septembre 15. Le sujet alasi compris, la transštematica morije da nerts s'imposait On sait qu'elle ne fat pas da goût de tout le monde. Our article da Gisče da 6 at 1825, cité ci-dessus, ch. rv, p. 13,

1 Lamartine, vers a fin de sa carrere, a juge sans indulgence cette

Une fois seulement dans tout le poème l'inspiration byronienne et la poésie de Lamartine se trouvent adéquates l'une à l'autre. De là cent vers magnifiques, qui valent les meilleurs des Nouvelles Méditations et des Harmonies, et qui appartiennent de droit au groupe contemporain de ces rêveries sur la nature et sur les ruines dont nous parlions tout à l'heure :

Triomphe, disait-il, immortelle nature,
Tandis que devant toi ta frêle créature,
Élevant ses regards de ta beauté ravis,

Va passer et mourir ! Triomphe! tu survis !...

Le gland meurt, l'homme tombe, et tu ne les vois pas !
Plus riante et plus jeune au moment qu'il expire,
Hélas! comme à présent tu sembles lui sourire,
Et, t'épanouissant dans toute ta beauté,
Opposer à sa mort ton immortalité !

On reconnaît en son fond le début du IIe chant de Lara : << Homme immortel! admire les beautés de la nature, et dis dans la joie de ton cœur : « Tout cela est à moi! » Admireles pendant qu'il est permis à tes yeux charmés de les voir encore : un jour viendra où elles ne t'appartiendront plus. Quels que soient les regrets qui s'exhalent sur ta tombe muette, les cieux et la terre ne t'accorderont pas une larme; aucun nuage ne deviendra plus sombre, aucune feuille ne tombera plus tôt, aucun zéphyr ne soupirera pour toi, mais les vers rampants s'empareront de leur

production de sa jeunesse. Parlant dans le Cours de littérature, à propos de M. de Marcellus, de l'enthousiasme avec lequel les poètes français de 1825 chantèrent la mort de Byron, il ajoute : « Je publiai moi-même le poème du cinquième chant de Childe Harold, imité assez servilement du beau poème de lord Byron. Mon enthousiasme était médiocre comme un pastiche, mon succès fut médiocre aussi je fus puni d'avoir feint un engouement qui n'était pas sincère. » Je cite d'après le texte des Souvenirs et Portraits, t. II, p. 67.

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